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L'artiste ou l'enfer du décor...
Tadjer Abdelkader. Comédien, metteur en scène, dramaturge
Publié dans El Watan le 14 - 10 - 2010


«L'art vit de contraintes et meurt de liberté...»
Alger 1939. Les effets de la Deuxième Guerre mondiale qui venait d'éclater étaient déjà perceptibles et la capitale n'avait pas encore vécu le débarquement des Alliés.
«Je suis né en 1939. Je n'avais aucune culture théâtrale. Il n'y avait pas de cybercafés à l'époque. Nos lieux de prédilection étaient les salles obscures et on écoutait souvent la TSF. J'étais choyé par ma mère adoptive à
El Boustana. J'avais toutes les possibilités, mais j'ai su éviter d'être un assisté.»
Il y a chez Abdelkader Tadjer le sens du devoir, du travail bien exécuté mais il y a aussi cette exaspération, cette douleur indicible parce qu'on l'a empêché d'aller au bout de ses rêves et de ses projets. Les traits de son visage trahissent un malaise. Mais il y a également chez lui du nez et du pied de nez. S'il a enduré les affres d'une douloureuse marginalisation qu'il affronte avec dignité, il y a aussi du répondant - du nif. Pour surmonter les crasses et les vilénies que lui font subir certains de ses pairs auxquels, du reste, il fait avec dédain un pied de nez magistral.
Acteur de théâtre, ses performances au cinéma, l'ont révélé au grand public qui a découvert en lui un artiste accompli qui s'essaye avec bonheur à tous les genres.
Enfant de La Casbah
Au cours de l'entretien qui nous a réunis chez notre ami Boussad, en compagnie de l'écrivain poète Abderrahmane Lounas, on a découvert que cet artiste, très sensible et émotif, est un interlocuteur attentif et passionné qui semble d'ailleurs plus intéressé par l'autre que par lui-même, curieux d'épier nos réactions et de savoir ce qu'on pense de son long itinéraire artistique.
«A l'époque, j'avais une chance que la génération actuelle n'a pas. J'avais rencontré des hommes de grande valeur, comme Boudia, Hadj Omar, Kasdarli qui restent incontestablement des monstres sacrés du théâtre et qui n'ont pas leur pareil dans cet exaltant métier qui est le nôtre.
Pour ne rien vous cacher, il fallait vraiment être costaud pour accéder au TNA et y jouer tant les places étaient chères et la sélection très rigoureuse. Seuls les talents y avaient droit de cité.»
Abdelkader a une vieille histoire avec le TNA dont il se souvient de l'inauguration officielle en 1963 par le regretté Benhamida. Après le Conservatoire, les prix s'enchaînent et notre artiste jeune premier est déjà en haut de l'affiche. Plus tard, lorsqu'il commencera à écrire des scénarios, dans ses textes, il revisite la guerre, les tourments de la vie à travers des histoires dont les protagonistes se perdent pour se recroiser, abîmés, mais déterminés. Avec Amours interdits que réalisa Sidi Ali Fettar (1987), c'est déjà l'indice prometteur de lendemains qui chantent. Les distinctions se succèdent, mais notre homme garde les pieds sur terre. «J'aurai pu donner davantage au théâtre, mais les blocages, je l'avoue, m'ont découragé. Je reste perplexe en comparant les moyens conséquents déployés par le ministère de la Culture et les résultats insignifiants sur le terrain...», constate-t-il dépité.
Il raconte en souriant que son orientation décisive s'est dessinée dès son jeune âge. «J'ai fréquenté à la fin des années quarante l'école Chabiba à la Rampe Valée et Mcid Dar Raïba au quartier de la Marine. Il y avait une troupe théâtrale dirigée par M'hamed Mosteghanemi, Akloul et Khaled Abbas.
Les pièces jouées véhiculaient le nationalisme. C'est dans cette ambiance qu'on a évolué. Un jour, on est partis mes amis et moi à l'Opéra pour voir le Masque de fer, interprété par le talentueux Madjid Réda. A la tirade finale, j'étais subjugué, envoûté, j'ai applaudi à tout rompre. Le virus du théâtre venait de me contaminer à tel point que bien après la représentation, je me retrouvais seul face aux planches après le départ de tous mes amis auxquels j'avais fait cette confidence. ‘‘Un jour, vous me verrez sur les planches''.»
Certains en ont ri. Mais le rêve s'est réalisé.
Les monstres sacrés
A l'indépendance, je m'inscris au Conservatoire sous la férule de Riahi, Allal El Mouhib, Djelloul Bachdjarah et mon professeur Kasdarli qui avait coutume de dire : ‘‘L'ancienneté ne fait pas l'artiste, c'est le talent qui prime» en faisant un malicieux clin d'œil aux «vétérans» élèves qui n'ont pas évolué, et en louant mes qualités naissantes. Après 8 mois d'études, on me donne un rôle, et en 1963 je joue Harpagon. J'étais devenu un habitué du théâtre dont je connaissais toutes les coulisses». Puis Abdelkader est de nouveau sollicité pour figurer dans la pièce La vie est un songe de Calderon de la Barca.
«J'ai été auditionné par des monstres du théâtre et du cinéma comme Jean Marie Benglin, Boudia, Jaques Charbi auteur de Une si jeune paix, Kaki, El Mouhib, Mourad Bourboune, Hadj Omar... Puis Kaki m'a distribué dans trois rôles dans Les vieux. Là, je rencontre une autre méthode théâtrale avant-gardiste qui d'ailleurs sera couronnée de succès.»
Puis Kader est distribué dans une pièce de Shakespeare, La mégère apprivoisée adaptée par Allal El Mouhib, visionnée par le grand spécialiste américain du dramaturge anglais M. Mose que Boudia avait ramené à Alger. Subjugué, Mose n'a pas tari d'éloges sur la très bonne adaptation de la pièce. Kader jouera d'autres rôles dans plusieurs représentations.
«Jusqu'en 1965, ça allait bien. Boudia parti, c'était la débandade. Il y avait trois grands adaptateurs traducteurs Mohamed Salah Ferdouci, Mahboub Stambouli et Kasdarli sans oublier Allal El Mouhib qui avait monté la sublime Ivan Ivanovitch a-t-il existé ? de Nazim Hikmet.
Cela étant, la troupe théâtrale algérienne n'avait pas démérité lors de ses représentations à l'étranger où à titre d'exemple, elle remporta le premier prix en Egypte à la grande déception de l'inénarrable Saâd Ardach.»
Tadjer peut vous raconter à satiété les péripéties du théâtre algérien depuis sa création, puisqu'il a été non seulement un témoin privilégié mais un acteur engagé. Il connaît le théâtre de l'intérieur. Il connaît bien les métiers du théâtre. Ses œuvres et il en a, sont l'écho d'impulsions : «J'écris pour cracher ce qui me pèse», avoue-t-il en précisant que «le théâtre est une foisonnante comédie humaine où l'on reconnaît et se reconnaît».
«Kader est quelqu'un qui a une très haute opinion de son métier, ce qui l'amène parfois à être très critique à l'égard de ses pairs.», estime son ami Lounas Abderahmane. S'il est un sujet que Tadjer aborde avec sinon une tristesse du moins avec une déception perceptible, c'est celui du rôle de l'artiste dans la société. L'exaspération n'a rien d'un coup de sang :
«Le vrai statut de l'artiste, c'est le talent qu'il faut protéger. Boudia l'avait fait mais pas les actuels locataires du TNA. Le talent n'a pas de frontières. La véritable décadence du théâtre algérien est le fait de certains destructeurs qui sévissent toujours», clame-t-il, colère non retenue.
Beaucoup avant Tadjer avaient longuement disserté sur le statut de l'artiste qui, à l'instar de l'Arlésienne, demeure toujours au stade de vœu pieux.
Le statut, un mirage
Certains n'y sont pas vraiment chauds, craignant que l'institution de ce statut soit un visa pour la paresse où les artistes seront assujettis à l'embrigadement et à la fonctionnarisation, au service des pouvoirs en place tuant toute vélléité d'indépendance et de liberté.
«Moi je ne me leurre pas et je me refère toujours à Thomas Mann, lorsqu'il affirme que la culture et la politique ne sont pas compatibles. Vous savez pour les politiques, nous ne sommes que des saltimbanques faits tout juste pour amuser la galerie.
A l'époque déjà, Benmohamed, le poète traducteur, auteur de Avava inouva, chanté par Idir, avait bataillé pour que l'artiste algérien soit doté d'un statut mais alors un vrai qui serait le produit réfléchi d'une série de vraies négociations et qui ne serait pas une concoction bureaucratique mise au point par des gens qui ont pris la fâcheuse habitude de toujours penser à notre place.
C'est grâce à l'artiste que l'on accède à l'invisible, à l'indicible, que l'on arrive à saisir l'éphémère et l'éternel. C'est de par sa posture de briseur de tabous, de gardien du temple, de poil à gratter ou de la voix de son maître que l'artiste nous permet d'évaluer le champ de nos libertés.»
Chez Kader, le mélange de sincérité et d'ironie est singulier, mais on pouvait s'y attendre, car l'homme est dans le ton de son personnage. Kader renchérit à propos de la situation ambiguë et parfois intolérable de ses collègues qui vivent au jour le jour, sans aucune couverture.
«Il faut, je pense, mettre en place un organisme de sécurité sociale et de retraite adapté aux spécificités du métier, sinon c'est l'hécatombe. Ce n'est qu'après leur disparition qu'on apprend que
les artistes avaient terminé leur vie dans des conditions pénibles parfois indescriptibles.
Zekal, qui vient de nous quitter, avait une retraite de misère qui dépasse à peine les 12 000 DA, alors que Rouiched est parti avec une retraite de 8000 DA.»
Mais comme les gens avertis, Abdelkader sait que l'art ne constitue pas une puissance et n'est qu'une consolation.
Ces dernières années, Abdelkader ne s'est pas roulé les pouces. Il a monté 6 pièces théâtrales scientifiques, écologiques et historiques Jupiter, Atomes, Mizan El Ghaba, La danse des innocents, Madinet el Hob.
Deux pièces en chantier et une autre de Abderrahmane Lounas qu'il veut adapter au théâtre Les Hittistes. Actuellement, Tadjer est en plein tournage dans le film de F. Z. Zamoum Combien je vous aime.
Quand il est au sommet de son art, on aime aussi l'artiste qui a le privilège de savoir ordonner des émotions désordonnées mais qui n'oublie pas que l'art est un refuge et comme tout refuge il peut devenir une prison.


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