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Betool Khedaïri, un siècle si proche
Enfance irakienne : de l'« Etrangère à l'Arabe »
Publié dans El Watan le 07 - 06 - 2006

Une chose est sûre, les douleurs et les déchirures profondes, les peines accablantes et les déceptions les plus dévorantes du peuple irakien donneront naissance, un jour ou l'autre, à une littérature digne du tragique vécu aujourd'hui amèrement.
Des prémices de cette littérature sont en train de faire surface sur ce magma de violence primaire, et même, de bien s'installer dans les domaines de l'art et de la littérature laissant loin derrière eux un débat politique maigre, mitigé et affaibli par l'occupation et les dissensions constantes. La lignée des grands romanciers irakiens des temps modernes tels Ghaïb Taâma Farman, Fadhel El Azzaoui, Fouad Tekerli, Abdelkhalek Rikabi, El Anbari, Alia Mamdouh et d'autres, est en train de céder de l'espace à cette génération pleine d'ambition et de clarté. Une nouvelle expression qui cherche à se dire par les mots déchirés et brusqués dans leurs sens anciens. C'est la littérature du tragique qui est aujourd'hui si bien représentée par de nouveaux talents, tels Betool, Khedaïri, mais aussi par d'autres, moins connus encore, qui vivent et écrivent dans la peur et les dangers quotidiens, en Irak ; le grand rêve de Betool c'est de les aider à être édités et diffusés. Une grandeur d'âme rare de nos jours. La romancière Betool Khedaïri est née à Baghdad en 1965, de père irakien et de mère écossaise. Elle vit aujourd'hui à Amman et se consacre à son écriture, littérature et scénario. Son premier roman Un ciel si proche, sorti à Amman et Beyrouth, a reçu un accueil enthousiaste. Traduit aux USA et sorti dans deux maisons d'édition new-yorkaises : Panthéon et Anchor sous le titre A Sky so close, le roman a fait l'objet d'un intérêt sans précédent. « Le premier roman de Betool est une entreprise formidable, une langue très économique, ni bavardage ni, d'ailleurs, trop de restrictions et de carences ». Depuis la sortie de son deuxième roman Ghayeb (Absent), la critique arabe et étrangère ne cesse de tarir d'éloges le travail parfait de Betool Khedaïri. C'est toujours la même trame avec des nuances différentes : l'Irak en proie à des guerres dévastatrices. Une comédie noire d'une famille irakienne qui n'a jamais eu l'enfant absent tant attendu et qui, un jour, décide d'adopter une proche : Dalal. Malgré l'amour donné à l'enfant, le père adoptif refuse qu'on l'appelle Abou Dalal comme le veut la tradition orientale et préfère toujours le nom d'Abou Ghayeb (le père de l'absent). La famille dans toutes ses contractions est le sujet de fixation de Betool. Un ciel si proche, son premier roman qui l'a propulsée si vite à l'avant, vient de sortir dans la prestigieuse maison d'édition française Gallimard ; ce qui constitue une grande chance pour le roman et pour la romancière qui n'a pas démérité. Peut-on parler d'une autobiographie puisque beaucoup d'éléments mènent à croire qu'il s'agit bien de cela ? De roman de guerre ? Roman d'enfance ou roman à thèse, puisque celui-ci traite d'un ensemble de problèmes qui traversent l'Irak déchiré entre des guerres sans issue, un fascisme qui s'en va sans grandes gloires et une présence étrangère « ibératrice » mais qui ressemble bizarrement à celle générée par les accords de Sykes-Picot en 1916 et qui ont mis sous protectorat le monde arabe ? Le roman est tout ça à la fois, autobiographie et roman de société. Dans la première partie du roman qu'on peut intituler l'Etrangère, c'est l'histoire de la narratrice, un enfant qui se raconte en parlant à un père absent. La narratrice est étrangère parce qu'elle est métissée, traversée par deux cultures qui s'entrechoquent en elle. Elle vient d'une mère anglaise, cloisonnée dans une maison à Zaâfaranya puis à Baghdad, et d'un père irakien ouvert sur la culture occidentale, très pris par son travail mais qui veut faire de sa fille une vraie citoyenne de son pays. Le couple est constamment bousculé par ses propres contradictions : quelle culture donner à l'enfant très épris par son amie Khaddouja, démunie et non scolarisée mais qu'elle aime beaucoup et avec laquelle elle partage l'essentiel de sa journée, jeux et repas, chose qui ne plaisait guère à sa mère très attachée à une éducation anglaise fermée. Contre vents et marrées, la mère arrive à convaincre son mari à inscrire leur fille dans une école de danse pour apprendre les bonnes manières. Tout se passait assez bien jusqu'au jour où la guerre contre l'Iran éclate. La vie de famille devint vite un calvaire. C'est tout un peuple qui balance vers l'abîme. L'enfant subit les vies parallèles de ses deux parents. Le père est terrassé par une crise cardiaque qui ne lui laisse aucune chance de survie, en sachant auparavant que sa femme entretenait une relation amoureuse avec David qui n'était en réalité qu'un refuge plus qu'un amour. La mère, dévorée par un cancer de sein, s'installa à Londres en emmenant avec elle sa fille. Le cours de vie de la narratrice prend alors une autre tournure. Elle devient vite l'Arabe, et non l'Etrangère qu'elle était. Une stigmatisation douloureuse qui s'apparente à la première guerre du Golfe. La narratrice reste suspendue à cet Orient si lointain mais si proche comme un rêve insaisissable. Ce qui fait d'ailleurs de ce beau roman, une métaphore d'un Irak mal assumé, qui se cherche perpétuellement sans aboutir. Betool Khedaïri met en jeu une société irakienne muette et invisible que les médias ne relatent que rarement. Consciente de sa tâche, l'écrivaine refuse de faire de l'espace littéraire une tirade politique. Son atout narratif, c'est la vie des petites gens dont personne n'ose parler. « Je suis écrivaine. Ceux qui veulent de la politique, les librairies gorgent d'ouvrages sur Saddam et ses guerres... J'ai promis à mon père, avant sa mort, de ne pas faire de politique et de me consacrer aux affaires. Il espérait, sans succès, faire de moi une comptable aguerrie. Je l'ai malheureusement déçu, puisque j'ai suivi une voie qu'il n'aimait pas, celle de l'écriture. Après sa mort, j'ai pris momentanément ses affaires en main mais j'ai vite cédé à ma vraie passion : l'écriture. » Le « Je » de la narratrice donne au roman Un ciel si proche, une force grandissante et une assurance qui permet à l'enfant de décrire sa jeunesse écartelée entre deux cultures : arabe ouverte et très rigoureuse sur le plan de la morale, et une culture anglo-saxonne rationnelle mais trop carrée, tendant des fois à mettre de côté le vécu de l'enfant. Traversée par deux langues, la narratrice essaie de tracer sa voie personnelle, celle d'une langue qui reste à imaginer dans un climat hostile à ce qui est différent : « Moi aussi j'ai appris à me contrôler, et en particulier à me souvenir de ne pas mélanger les deux langues en parlant, car j'ai bien remarqué que cela peut facilement être la première d'une série de fausses notes et de cris, dont la maison finit par être remplie. Or, je déteste être la cause de ce genre d'affrontements, comme la fois où j'ai dit : -Maman, tu me donnes une assiette et une spoon (cuillère). En prononçant le mot dans la langue de ma mère, j'avais aussitôt remarqué la grimace sur son visage, et je reformulai ma demande, avec les deux mots en arabe cette fois. » (Un ciel si proche p : 27). Un ciel si proche est un roman simple et fort, presque apolitique, sans discours ni de leçons de patriotisme qui rongent profondément le roman arabe qui a tendance, des fois, à oublier qu'il s'agit bel et bien de littérature et non pas de politique. Très imprégnée par les deux langues qui font l'ego de la narratrice (mais aussi celle de l'écrivaine), le roman nous rappelle une évidence à méditer : « Ne jamais renier une identité, fruit naturel de l'histoire, si complexe soit-elle. » J'ai commencé à écrire en anglais. J'écris des articles dans cette langue. Pour la littérature, je me cache tout simplement dans ma langue maternelle qu'est l'arabe sans feindre à l'autre partie de moi-même. L'utilisation d'une langue ou d'une autre ne change en rien de nos sentiments les plus profonds. L'écriture nous impose, avant toute autre chose, l'honnêteté et la justesse de ce qu'on avance, au-delà des moyens d'expression.

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