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Islam «à la carte» et imams «stars»
Les débats d'El Watan. Les nouvelles pratiques religieuses vues par Abderrahmane Moussaoui
Publié dans El Watan le 13 - 01 - 2014

L'image renvoyée par le champ religieux en Algérie serait celle d'un tissu homogène comparé au florilège d'écoles et de cultes qui pullulent en Orient. Dans l'espace maghrébin, plusieurs croyances, plusieurs rites ont fleuri avant l'avènement de l'islam qui est arrivé tardivement au Maghreb par rapport aux autres religions.
En consacrant leur dernière édition à l'exploration des profondes mutations que connaît notre société, les Débats d'El Watan ne pouvaient faire l'économie du fait religieux comme élément structurant de l'imaginaire collectif. Quelles sont les nouvelles formes de religiosité des Algériens ? Le socle sunnite-malékite est-il toujours aussi prégnant ? Y a-t-il des schismes qui le menacent ? Quid de la percée du chiisme ? Quel est l'impact réel du salafisme ? Quel est le «logiciel» dogmatique des jeunes croyants du XXIe siècle, ces musulmans «2.0» branchés aux «imams cathodiques» et aux sites de fatwas bien plus qu'à leur imam de quartier ?
Autant de nouvelles pratiques qui nécessitent un décryptage précis.
Et qui mieux que Abderrahmane Moussaoui, anthropologue du religieux et fin spécialiste de la question, pour y répondre ? Il s'y attellera avec brio à travers une conférence intitulée : «Les figures et les pratiques du sacré dans les années 2000». Méthodique, Moussaoui commence par décortiquer ce mot-clé : «Sacré». «Ce que j'entends par le sacré, pour aller vite, c'est cette dimension qui fait de nos idées et de nos actes les plus quotidiens, le résultat non pas de la simple logique rationnelle, mais également le produit d'un monde inconnu, invisible, mystérieux», explique-t-il. C'est quelque chose d'à la fois de «fascinant et de terrifiant», ajoute-t-il. Pour lui, «les humains ont besoin d'un mystère, quel qu'il soit».
Dans l'espace maghrébin, plusieurs croyances, plusieurs rites, ont fleuri avant l'avènement de l'islam qui «est arrivé tardivement au Maghreb par rapport aux autres religions», note le conférencier. Il y a tout un «fonds syncrétique», souligne-t-il, qui a alimenté la strate religieuse au Maghreb.
«Les infinies variations de la foi»
L'anthropologue observe que, derrière l'image d'un pays, «uni sous la même bannière», se profile une réalité historique beaucoup plus complexe où le champ religieux a été sujet à «d'incessantes recompositions». «La thèse que j'essaie de soutenir devant vous, ici, est en porte-à-faux par rapport à cette croyance qui voudrait que l'islam n'a été dérangé que dernièrement», poursuit-il, allusion au mouvement salafiste, notamment dans sa variante djihadiste. «Il a fallu attendre le XV-XVIe siècle pour voir triompher la figure quiétiste sur celle du véhément prédicateur». Il a fallu donc un certain temps avant que l'école sunnite-malékite devienne le courant dominant.
Toujours est-il que l'image renvoyée par le champ religieux en Algérie serait celle d'un tissu homogène comparé au florilège d'écoles et de cultes qui pullulent en Orient. Le conférencier cite, à ce propos, un texte de Jacques Berque intitulé «Quelques problèmes de l'islam maghrébin» où, comparant «l'offre cultuelle» maghrébine à celle du Machrek, Berque écrit : «Le Maghreb ignore le luxe de types, les infinies variations de la foi orientale. En lui, tout se fige dans l'antithèse sommaire entre ce qui est islamique et ce qui ne l'est pas. ‘Meslem', ‘Neçrâni' dit le dialecte, qui exclut par là toutes les nuances, toutes les subtilités qu'une floraison de sectes impose à l'Orient.» Et Moussaoui de commenter : «Jacques Berque disait cela en 1957. Aujourd'hui, le Maghreb connaît la même floraison de nuances. C'est désormais un fait et une des caractéristiques de ce champ religieux.»
Au bazar des dogmes
Parlant des pratiques contemporaines de la religion, Moussaoui lance : «On est en train de quitter le malékisme en multipliant les références.» D'après lui, «le socle de base est en train de bouger». L'anthropologue parle de «concurrence des dogmes». Il note un changement significatif du discours et des comportements, notamment à partir des années 1980. «On a exacerbé certains traits qui sont devenus visibles», argue-t-il. Il relève à ce titre une «islamisation des mœurs» et un «imaginaire qui épouse le référent religieux». Des changements qu'il perçoit, par exemple, dans les codes vestimentaires et langagiers. L'anthropologue recense, en outre, toute une série de pratiques qui renseignent sur les manifestations du religieux dans la vie quotidienne, y compris chez les personnes «modernes» : lectures de sourates du Coran à la veille d'un concours, recours à la roqia ou prière de l'istikhara avant de faire un choix décisif comme le mariage, etc. «J'ait fait des enquêtes auprès de jeunes qui sont en plein dans la modernité, qui ont des portables dernier cri, mais qui l'utilisent pour lire le Coran», témoigne-t-il.
«Sahwa» et conversions internes
Le chercheur revient sur cette séquence de l'histoire de l'islam contemporain nommée «sahwa» (éveil), et qui a donné lieu, dit-il, à des «conversions internes». «Des gens culturellement musulmans se redécouvrent musulmans et réinventent l'islam en adoptant de nouvelles conduites», analyse-t-il. C'est ainsi que le hanbalisme a remplacé le malékisme chez nombre de ces nouveaux convertis. L'orateur évoque aussi le chiisme qui est en train de grignoter du terrain. «J'ai enquêté à Tébessa, à Khenchela, à Oran. J'ai rencontré de jeunes chiites. Ils se marient, ils ont des enfants qu'ils élèvent suivant le rite chiite. J'ai vu des gens venir d'Alger à Oran faire des prières chiites.» Si cette nouvelle obédience n'est pas encore très visible dans la société, c'est parce que les chiites algériens pratiquent le «kitmane» (le secret), explique le conférencier, en précisant qu'ils prient beaucoup «dans les maisons».
Autre signe de ces mutations : les références livresques. Aux anciens textes type «Al Morchidou al mouîne» d'Ibn Achir se substituent «des œuvres peu connues ou rarement lues au Maghreb», assure le chercheur. Dans le lot, Ibn Taymiya bien sûr, mais aussi Zadou al Miâd, le fameux viatique d'Ibn Qayyîm Al-Djouzia, ou encore Ibn Kathir et Al Nawawi. Il cite aussi Mohamed Ibn Abd El Wahab, le fondateur du wahhabisme et, plus près de nous, Nasruddine AlAlbani, maître à penser des salafistes.
Cet éclectisme doit beaucoup, selon le conférencier, à la modernité mondialisante «en ce siècle de globalisation où les pratiques et les représentations tout comme les matrices référentielles défient les frontières».
«On n'importe pas que les vestes en jean»
Moussaoui relève l'émergence d'un corpus religieux «à la carte». Ses enquêtes en Italie et en France, entre autres, l'ont mené sur les traces de ce qu'il appelle les «NMR» : les Nouveaux mouvements religieux, avec, là aussi, un cocktail de références «à la carte» : « Le croyant peut-être chrétien, mais se permet de rentrer dans un ashram en Inde (ermitage en sanskrit, ndlr) ou être végétarien ou végétalien. Et cela vaut aussi pour beaucoup de musulmans», affirme-t-il. Et de lancer : «On n'importe pas que les vestes en jean, on importe aussi des façons de faire.» Il établit dans la foulée un parallèle entre la roqia musulmane et l'exorcisme catholique.
L'anthropologue rapporte que tous les imams qu'il a interrogés «ont trouvé secondaire l'appartenance aux écoles (juridiques)». Une position affirmée par les salafistes qui se réclament de «al-lla madhhabia» (non-appartenance aux écoles traditionnelles). Cela leur donne une plus grande liberté d'interprétation. Moussaoui évoque, à titre illustratif, les libertés que prennent certains de ces exégètes avec la sexualité et les «alliances bénies» par toutes sortes d'arguties. «Qu'est-ce qu'on n'a pas pu légitimer par rapport à ça !», lâche l'orateur.
Les nouveaux imams ne se manifestent plus sous les oripeaux folkloriques du «vieux taleb» : «On est dans l'imam oustad bahith (professeur chercheur)». Selon Moussaoui, «ces nouvelles figures se légitiment doublement : par la filière traditionnelle, mais aussi par la filière moderne.» L'un des prototypes de ces «imams modernes» est l'Egyptien Amro Khaled (qui va jusqu'à animer une émission de téléréalité sur le thème de la tolérance religieuse sur MBC, ndlr). «Des sémillants prédicateurs qui font des conférences en costard avec micro et data-show», glisse le conférencier. En observateur avisé de ces nouveaux comportements, l'anthropologue n'a pas manqué de relever l'hystérie suscitée par ces imams. «J'ai vu les jeunes se presser pour suivre leurs prêches : on dirait des stars.» Ces groupies ne sont pas, sans rappeler, ajoute-t-il, «les groupes de rock » et leurs cohues de fans.
Ces nouvelles pratiques témoignent, conclut le conférencier, de «la vitesse du changement et de la vitalité du paradigme religieux». «Le problème est qu'il ne faut pas qu'il soit figé dans l'orthopraxie», prévient-il. Pour finir, Moussaoui convoque La Bruyère.
Le moraliste français résume parfaitement ce bazar des rites et des dogmes lorsqu'il écrit : «Cette même religion que les hommes défendent avec chaleur et avec zèle contre ceux qui en ont une toute contraire, ils l'altèrent eux-mêmes dans leur esprit par des sentiments particuliers : ils y ajoutent et ils en retranchent mille choses souvent essentielles, selon ce qui leur convient, et ils demeurent fermes et inébranlables dans cette forme qu'ils lui ont donnée. Ainsi, à parler populairement, on peut dire d'une seule nation qu'elle vit sous un même culte, et qu'elle n'a qu'une seule religion, mais, à parler exactement, il est vrai qu'elle en a plusieurs, et que chacun presque y a la sienne.»


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