Une émouvante cérémonie de recueillement a été organisée hier au cimetière El Alia, à l'initiative de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), pour honorer la mémoire de Me Youcef Fethallah, l'ancien président de la LADH assassiné le 18 juin 1994. La cérémonie s'est déroulée en présence de l'épouse du défunt, de sa fille, l'avocate Rim Fethallah, et de nombre de ses amis et autres compagnons de lutte. Il est à noter également la présence de l'ancien chef de gouvernement et candidat à la présidentielle du 17 avril, Ali Benflis. D'autres figures de la famille des militants des droits de l'homme et autres ténors du barreau ont fait le déplacement pour marquer ce vingtième anniversaire de l'assassinat de Me Fethallah. Parmi eux, Me Hocine Zehouane, l'ancien bâtonnier et ancien diplomate Ali Ammar Laouer, Me Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), ainsi que de nombreux militants de la LADH conduits par son vice-président, Me Laïd Sabeg. Autre nom à retenir : Mohamed Chater qui fut son premier clerc. Il se recueillera religieusement sur sa tombe. «Je suis resté avec lui de ses débuts, en 1975, jusqu'à sa mort», confie celui qui lui fit prononcer la chahada en ce fatal 18 juin 1994 quand Me Fethallah avait été mortellement touché à la tête, au bas de son cabinet, rue Larbi Ben M'hidi, après avoir reçu trois balles d'une main criminelle. Mohamed Chater témoigne : «Il était de tous les procès politiques. Il avait notamment assuré la défense de 208 militants islamistes à la Cour de sûreté de l'Etat de Médéa. Il avait défendu aussi des militants de la cause amazighe. Et il ne prenait jamais d'honoraires. Il me disait : ‘‘Ce que je fais est dans la continuité de notre combat durant la guerre de Libération nationale.''» Pour sa part, Me Laouer garde de lui l'image d'un opposant à la fois intransigeant et patriote : «C'était un militant de première classe. Il a beaucoup donné pour l'indépendance de l'Algérie. Par la suite, il s'est farouchement opposé au coup d'Etat du 19 juin 1965. Il faut, cependant, souligner qu'il était l'un des rares opposants qui savait faire la distinction entre le pouvoir et l'Etat. Il n'a jamais cessé de travailler pour les intérêts supérieurs de l'Etat algérien», précise l'ancien bâtonnier.Il était 10h15 quand la cérémonie a été officiellement étrennée. Une procession s'est formée, avec, à sa tête, Mme Fethallah et Ali Benflis, portant une gerbe de fleurs qu'ils ont déposée solennellement sur la tombe de Me Fethallah. «La CNCPPDH reconnaissante», lit-on sur la gerbe en question, le sigle renvoyant à la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (CNCPPDH), instance dirigée par Me Ksentini. Une autre gerbe de fleurs ornait la tombe de l'ancien président de la LADH. Un cercle s'est dessiné autour de la paisible sépulture. Les mains jointes, Ali Benflis lit la Fatiha à voix basse. Les autres le suivent d'un geste pieux. Un silence méditatif enveloppe le cimetière. Sous le soleil cuisant, l'émotion est forte. Le vice-président de la LADH, Me Sabeg, prononce ensuite un discours dans lequel il revient sur l'engagement indéfectible de Youcef Fethallah en faveur d'une Algérie juste. «Les mains qui ont assassiné le chahid Youcef Fethallah voulaient assassiner, à travers lui, la Ligue algérienne des droits de l'homme. Ils voulaient assassiner les droits de l'homme et la notion même d'humanité», martèle Me Sabeg, avant d'ajouter : «Les militants des droits de l'homme qui se sont engagés à poursuivre son combat affirment que chacun d'entre eux est Youcef Fethallah et qu'ils resteront fidèles à son œuvre. Qu'il repose en paix ! Nous sommes déterminés à continuer la lutte pour la défense des droits humains et l'instauration d'un Etat de droit.» Invité à prendre la parole, Ali Benflis dira : «Mes souvenirs avec le défunt sont innombrables. Je l'ai connu avant la création de la LADH. Nous avions plaidé côte à côte dans certaines affaires. Il s'était spécialisé dans tout ce qui avait trait à la défense des droits de l'homme. Il défendait avec acharnement tous ceux qui étaient spoliés dans leurs droits. C'était un avocat talentueux. Il s'était particulièrement distingué par ses plaidoiries devant la Cour de sûreté de l'Etat.» «Il a fait don de sa personne pour la défense des droits de l'homme», appuie Ali Benflis, saluant en Me Fethallah l'avocat engagé et le «combattant acharné» de la dignité humaine.