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« La banlieue, ce n'est pas que des voitures qui brûlent »
FAÏZA GUENE (Romancière)
Publié dans El Watan le 27 - 09 - 2004

A 19 ans, Faïza Guène vient de signer son premier roman Kiffe kiffe demain (édition Hachette littérature) qui fait un pied de nez à tous les stéréotypes et idées reçues sur la banlieue.
L'histoire de votre roman bascule progressivement de « kif-kif demain » à « kiffe kiffe demain », soit de la résignation à l'espoir... Quand j'ai écrit ce livre, je ne savais pas comment je le terminerai, je ne l'ai pas écrit avec un plan déterminé à l'avance. Je l'ai improvisé, mais je ne voulais pas une fin noire et triste. Ce qui se dit et s'écrit sur les banlieues est généralement pessimiste. Kif-kif demain, c'est cette idée générale selon laquelle on ne s'en sortira pas. A côté de cela, il y a tout de même et malgré tout de l'optimisme, de l'espoir et kif-kif est devenu kiffe kiffe, comme le verbe kiffer qui veut dire aimer. Le livre s'inspire-t-il de situations réelles ? Il y a des faits réels que j'ai connus ou qui m'ont été rapportés, et une part romancée. Comment vous est venue l'idée d'écrire ce livre ? Quand j'ai commencé je ne savais pas que j'allais écrire un livre, encore moins le publier. J'ai écrit les trente premières pages, et je les ai faites lire à des amis. Je fréquente depuis plusieurs années un atelier d'écriture d'une association de quartier, aux Courtilières. Le texte est tombé entre les mains d'une éditrice de Hachette Littérature qui m'a proposé de le publier si j'en faisais un livre. Je ne la croyais pas, j'ai pensé que c'était une copine qui me faisait une blague. Qu'est-ce que cette association ? L'association qui s'appelle les Engraineurs existe depuis 1997, elle a été fondée par un professeur de lettres du collège Jean Jaurès, aux Courtilières. Avec une classe du collège, ce professeur a monté et réalisé un projet de livre qui s'appelle « les Céfrans » (Français en verlan)). Ils ont conçu un dictionnaire du langage des banlieues. Un producteur de cinéma en a entendu parler, et il a demandé à ce professeur d'en faire une adaptation pour le cinéma. Un court métrage a alors été écrit avec un autre groupe d'élèves. Depuis, cette association a monté des projets de production vidéo. Je suis membre de cette association depuis l'âge de 13 ans. J'étais journaliste dans la gazette du collège qu'on vendait à 2 F. Je l'ai découverte lorsque j'ai voulu faire un reportage sur ses activités. Je suis allée assister à un atelier d'écriture un mercredi après-midi, j'y suis revenue le mercredi d'après et les suivants. Cela fait maintenant 7 ans. Sur quels thèmes portent les courts métrages que vous avez écrits et réalisés ? J'en ai écrit en fait cinq et réalisé trois. J'ai écrit le premier court métrage à 13 ans, soit la première année où je suis entrée à l'atelier d'écriture. Le dernier, Rien que des mots, est en pellicule car j'ai réussi à avoir des subventions du CNC, du Fonds social européen et de la direction départementale de la jeunesse et des sports. Il raconte l'histoire d'une jeune fille de 17 ans qui est partagée entre la culture traditionnelle de la famille, les parents qui ne sont pas très bien intégrés et sa vie à l'extérieur avec ses amis. Tout ce que fait cette jeune fille, elle le cache à ses parents, car il y a, dit-elle, une incompréhension entre ses parents et elle. Dans votre roman vous ramenez constamment les faits et événements de la vie quotidienne à la télévision et au cinéma... Est-ce pour alléger ce quotidien difficile ? C'est effectivement pour alléger la réalité quotidienne. Quand on vit des situations difficiles, c'est important de s'évader, même si c'est par la télévision ou le cinéma. Ce livre n'est-ce pas un contre-pied à tout ce qui s'écrit sur « la violence » des banlieues, la délinquance des quartiers sensibles... ? A l'origine, ce n'était pas le but que je recherchais, mais j'ai bien envie de le revendiquer, il y a très peu de choses écrites sur les banlieues qui ne soient pas des clichés, la violence, le chômage, la drogue. J'avais envie de raconter l'histoire de quelqu'un. Quand on me demande si j'ai écrit un livre sur la banlieue, je dis non, je raconte l'histoire d'une personne qui vit en banlieue. La banlieue, c'est un décor avant tout. Quand vous lisez tous ces articles sur la banlieue et sur les jeunes des quartiers sensibles, comment réagissez-vous ? C'est un sujet difficile à traiter, il y a beaucoup de choses qui entrent en compte, des éléments sociaux, économiques, qu'on ne peut pas résumer dans un article ou un reportage de JT de 20 h en 2 minutes en montrant un mur avec des tags et des voitures qui brûlent. Cela mérite qu'on s'y attarde un peu plus. Comment faire en sorte que les journalistes sortent des clichés sur la banlieue ? Avant de se déplacer, ils savent déjà ce qu'ils vont faire, et souvent ils signent un cliché. Il faut qu'ils viennent avec rien dans la tête, sans a priori aucun et donner la parole aussi aux filles. C'est souvent les garçons qui parlent. Il y a deux ans, j'ai vu un reportage sur les Courtilières, je n'ai pas reconnu mon quartier. Si l'on vous donnait la possibilité de faire un reportage pour la télévision, comment le feriez-vous ? Je mettrais d'abord beaucoup de temps pour le faire. Je dirais ensuite que les jeunes de banlieue ce n'est pas une race d'animal. On a des choses à revendiquer d'autant plus qu'on est toujours mis dans des cases, des catégories. Comment votre livre a-t-il été reçu dans votre entourage ? Par vos amis ? Dans votre famille ? Mes amis sont très fiers de moi, même ceux à qui je ne parle pas d'habitude m'interpellent et me disent : « C'est bien de donner une autre image de nous. » Ils sont contents qu'on parle différemment du quartier. Les Courtilières, ce n'est pas loin de Paris, le quartier a mauvaise réputation, il attire les journalistes. Ma famille est aussi fière de moi. Moi, je ne me rends pas compte de ce qui se passe. Je ne réalise pas. Mes parents ne grossissent pas les choses outre mesure. Vous êtes à l'université ? J'ai pris une année sabbatique, je retourne à la fac, cette année, en sociologie. Avec un bac littéraire, j'ai fait une année dans un UIT en formation de carrières sociales, la formation ne me plaisait pas. Parlez-nous un peu de vous ... Je déteste m'ennuyer, j'aime avoir du monde autour de moi, parler avec les gens. Le dimanche après-midi, je ne reste pas beaucoup à la maison, j'ai la bougeotte, il faut que je fasse quelque chose, je ne supporte pas de ne rien faire. J'ai une sœur de 21 ans et un petit frère de 15 ans. Mon frère est en seconde au lycée et ma sœur travaille dans un laboratoire d'analyses médicales. Si je n'avais pas eu ma mère, je n'aurais rien fait. Ma mère n'a jamais travaillé, elle est à la maison, son travail c'est d'être mère. C'est son job à plein temps, elle a dépassé les 35 heures. Depuis toujours, elle va à l'école pour s'informer de notre scolarité, va voir les professeurs, elle nous pousse à étudier. Elle m'a toujours encouragée. Elle m'a dit un jour : « Je te fais confiance. » Quand une mère dit à sa fille qu'elle lui fait confiance, celle-ci est obligée d'honorer cette confiance. Je vois des filles dans le quartier qui n'ont pas d'ambition. On ne leur donne pas non plus les moyens d'avoir de l'ambition, on ne les encourage pas. Quand on valorise les gens, ils se donnent les moyens de réussir, de faire quelque chose. Si on ne trouve de soutien ni dans la famille ni à l'école, on se retrouve dans la rue, on va chercher ce soutien ailleurs. Par ailleurs, on n'évolue pas si on reste entre nous, il faut s'ouvrir aux autres, se mêler aux autres. La Cité des Courtilières est configurée comme un serpentin, elle est fermée, il y a une frontière entre le quartier et ce qu'il y a autour. Des adolescents de 15 et 16 ans n'ont jamais mis les pieds à Paris, alors que nous y sommes à trois stations de métro. On ne les encourage pas à aller vers l'extérieur. L'école est dans le quartier, même les activités d'animation qui leur sont proposées sont toujours les mêmes. Pourquoi ne les emmène-t-on pas voir un film d'auteur, par exemple, plutôt que des superproductions américaines, cela leur ouvrira au moins l'esprit. Il y a un accompagnement à faire. La valorisation, c'est cela. C'est la même chose pour la lecture, il faut donner envie de lire. J'étais en sixième, j'allais à un atelier de lecture, j'ai lu un livre : Histoire de ma mère, écrit par un jeune de quatorze ans. J'ai aimé le livre, cela m'a donné réellement envie de lire. Qu'est-ce que vous diriez à ces jeunes pour les inciter à s'en sortir ? Quels conseils leur donneriez-vous ? Croire en eux, on est tous capables de faire quelque chose. Vous dites que vous devez beaucoup à votre mère ... Ma mère est l'aînée de dix enfants qu'elle a élevés. Elle est allée à l'école en Algérie jusqu'à l'âge de 13 ans, dans la région de Aïn Témouchent. Elle s'est mariée à 30 ans, ce qui, pour l'époque, était un peu rare, dans un village d'Algérie. Ma mère n'a pas eu une vie facile, elle a toujours tout fait d'abord pour les autres. Elle a toujours vécu pour les autres et jamais pour elle-même. J'ai envie de la rendre fière aussi pour qu'elle se dise que tous ses sacrifices n'ont pas été faits pour rien. Ma mère a joué dans mes films, déjà dans le tout premier que j'ai réalisé quand j'avais 13 ans, un petit court métrage de vidéo. J'avais demandé à une dame de jouer dans le film, trois jours avant le tournage, elle se désiste, ma mère s'est proposée de la remplacer alors qu'elle ignorait tout du cinéma. Elle s'est défoncée pour moi. Maintenant ça lui plaît bien, elle est supercontente. La pression du quartier, notamment sur les filles, vous la ressentez ? Pas personnellement, elle existe, certes, mais elle n'est pas aussi importante qu'on le dit. C'est un peu exagéré. C'est comme le voile, ça existe, mais on ne s'y attarde pas trop. Tous les ans, il y a en France un sujet à la mode. Ma mère, par exemple, ne porte pas le voile. Moi je ne le porterai pas, parce que je n'ai pas un train de vie qui aille avec. Vous n'avez pas de problème d'identité ? Je suis française, mais ma culture est algérienne, c'est très important, c'est ce que je suis. Je suis d'une famille où on attache beaucoup d'importance à la culture traditionnelle, à
la transmission de la langue. Je me sens autant française qu'algérienne.


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