De longues files d'attente ont marqué, hier matin, le début de l'opération électorale, attestant de la volonté des Tunisiens à décider de leur avenir politique. Le taux de participation était déjà de 50,84% à 16h, soit un peu plus que le scrutin de 2011. Tunis De notre correspondant Le repos dominical et le temps pluvieux n'ont pas empêché, hier, des files de citoyens de se former devant les bureaux de vote bien avant 7h, heure officielle d'ouverture. 18% des bureaux ont même ouvert 10 minutes en avance. L'affluence matinale est élevée, un peu partout à travers la République, en dépit de la pluie qui s'annonce. Les Tunisiens (près de 5,3 millions) votaient pour élire leur première Assemblée des représentants du peuple depuis la révolution. De nombreux observateurs qualifient le scrutin d'«important» pour la transition démocratique du pays. Les Tunisiens ont, rappelle-t-on, déjà participé en octobre 2011 au premier scrutin libre de l'histoire de la Tunisie, qui a permis l'élection de l'Assemblée constituante, remportée par les islamistes d'Ennahda. Les législatives d'hier sont «importantes» en ce sens qu'elles doivent permettre à la Tunisie de se doter d'institutions pérennes. Mais contrairement à 2011, Ennahdha n'est plus seul sur la scène politique. Il a, cette fois-ci, un sérieux rival capable de lui damer le pion qui s'appelle Nidaa Tounes. La bataille s'est d'ailleurs jouée entre ces deux grands partis. Concernant le vote proprement dit, Chafik Sarsar, président de l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), a parlé, lors de son premier point de presse matinal, d'une moyenne d'une centaine de votants par bureau pendant les deux premières heures de vote. Le taux de participation s'élevait déjà à 25, 48% à 10h30, toujours selon l'ISIE. L'ISIE et les observateurs craignaient l'abstention. «La désaffection est généralement appréhendée lors des deuxièmes élections à l'issue d'une transition», a indiqué Chafik Sarsar, en exprimant sa satisfaction du taux de participation enregistré. «Cette crainte est également motivée par la déception des citoyens par rapport à sa classe politique, qui ne parvient pas à asseoir les fondements d'une vie politique performante», a souligné, pour sa part, Moez Bouraoui, président de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide). Mobilisation et ambiance de fête Malgré les appréhensions, une ambiance de fête régnait hier matin devant le centre de vote du collège d'El Menzah 5, un quartier huppé dans les environs immédiats de Tunis, peu avant le début du scrutin. Des citoyens ont garé leurs voitures et se sont rassemblés en petits groupes pour discuter devant l'entrée principale du collège. Les rires, fusant de partout, dénotaient d'une ambiance détendue. Il y avait surtout des personnes âgées. «J'ai tenu à participer au scrutin parce que j'ai peur pour l'avenir de mes petits-enfants», a déclaré une vieille dame venue sur une chaise roulante. De telles déclarations, faites à voix haute, ont rencontré des signes d'approbation des personnes de l'entourage. Les présents sont clairement anti-troïka. «Je veux corriger mon erreur de 2011», a dit, à voix haute, une quinquagénaire voilée. Les quartiers aisés sont connus pour soutenir les partis modernistes comme Nidaa Tounes ou Afek, comme en 2011. Le paysage électoral n'a pas changé du côté de l'école primaire, sur l'avenue Hédi Chaker, à la cité Ezzouhour, un quartier populaire de Tunis. Les files d'attente sont toujours là devant les bureaux de vote. L'ambiance est sereine et les visages souriants. C'est plutôt les look des électeurs qui a changé. Le voile est beaucoup plus présent, avec des rangées pour les femmes et d'autres pour les hommes. «Je vais voter Ennahdha», dit à voix haute un jeune barbu, provoquant des réactions au sein de la foule, qui demande aux agents de l'ordre de le faire taire. Une scène montrant qu'Ennahdha ne semble plus en mesure de faire la loi. Pourtant, le quartier était acquis aux islamistes en 2011. Un scrutin sous haute surveillance Dans les bureaux de vote, il y a des observateurs de tous les bords. Ennahdha en a 18 000 et Nidaa Tounes 14 000. Mais, il y en a également 4000 pour l'association Mourakiboun et 2 000 pour l'Atide.Le contrôle est donc présent dans tous les bureaux de vote et le scrutin ne saurait échapper aux normes. Il y a certes quelques écarts comme ce bureau de vote qui a ouvert à 10h à Jedeliane (gouvernorat de Kasserine) pour des raisons sécuritaires. En tout, six bureaux de vote ont ouvert en retard. Il y a également un paquet de bulletins de la circonscription de Mahdia qui a chuté par erreur dans un bureau de vote à Takelsa, dans la circonscription de Nabeul 2. L'opération de vote a été suspendue dans ce bureau pour changer les bulletins.En gros le scrutin s'est déroulé sans incident notable. Pour la première fois de l'histoire de la Tunisie, des instituts spécialisés ont opéré, hier, des sondages à la sortie des urnes. Les tendances en milieu de journée donnent Nidaa Tounes devant Ennahdha. Mais le suspense est à son paroxysme à l'heure où nous mettons sous presse.La tension est sur tous les visages, tout le monde attend. La Tunisie a vécu hier l'un de ses jours les plus longs. Pourvu que la démocratie en soit la grande bénéficiaire.