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Sursaut «esthétique» à la Cité Les Dunes
A l'initiative des locataires, les deux barres de Mohammadia font peau neuve
Publié dans El Watan le 06 - 12 - 2014

Devant sa cage d'escalier, armé d'un frottoir, Hocine s'affaire à balayer vigoureusement l'eau de pluie qui éclabousse à grosses gouttes, en ce lundi pluvieux, les abords de l'immeuble.
Ici, nous sommes dans l'une des cités les plus bondées de l'Algérois, voire du pays tout entier. C'est la fameuse cité Les Dunes, constituée de ces deux fameuses barres d'immeubles que l'on voit de l'autoroute en allant à la Foire. C'est dans la commune de Mohammadia (ex-Lavigerie), celle qui dispose du projet de la Grande Mosquée d'Alger, qui abrite aussi la Safex, le Sila, le Hilton, Ardis, le projet de la Médina…
Douanier de profession, âgé de 39 ans et père d'un enfant, Hocine loge, depuis une quinzaine d'années, dans un F2 situé au 5e étage de la cage 9. Il est un peu le «chef taâ el houma», comme il dit, et dès que son travail lui laisse un peu de répit, il consacre volontiers de son temps pour prendre soin de son quartier. Avec ses voisins, il a réussi à redonner des couleurs à la cité.
Et le résultat est plutôt probant. Vues de loin, les deux barres d'immeubles de la cité Les Dunes font plutôt grise mine avec leur façade marron délavé, leur linge pendouillant aux fenêtres et leurs nuées de paraboles. Quand on y pénètre, notre attention est aussitôt attirée par les cages d'escalier.
Et pour cause : sur les 36 cages que comptent les deux immeubles, la moitié a fait peau neuve, et ce, à la faveur d'une campagne d'embellissement entamée à la fin de l'été. Au départ, nous avons pensé que ce «lifting» était le fruit du vaste programme de réhabilitation des anciens immeubles lancé par la wilaya d'Alger, et doté d'un budget global de 3,7 milliards de dinars (selon l'APS). Rappelons que pour la seule commune d'Alger-Centre, plus de 550 bâtiments sont concernés par cette opération.
Renseignements pris, il s'avère que c'est une initiative purement citoyenne. Les habitants de la cité Les Dunes, ulcérés par la dégradation inexorable de leur cadre de vie, ont décidé, en effet, de prendre en charge leur quartier avec les moyens du bord. «Ni l'APC, ni la daïra, ni la wilaya, et encore moins l'OPGI ne nous ont aidés.
Tout ce que vous voyez là nous l'avons financé de notre propre poche», insiste Hocine. «Et ce n'est que le début !» promet-il. «Ce sont les locataires du B qui ont été les premiers à lancer cette initiative et nous n'avons pas tardé à prendre exemple sur eux. Maintenant, les locataires des autres cages vont suivre la cadence à leur tour», explique le jeune douanier.
Un pic de 11 000 habitants
Il faut dire que la tâche n'était guère facile à considérer la taille de la cité. Celle-ci est composée de deux barres d'immeubles, le A et le B. Elles comptent au total 836 appartements allant du F2 au F5, et répartis sur 36 cages d'escalier. «Ici, chaque jour il y a soit une naissance, soit un enterrement», dit une légende urbaine. «A un moment donné, le taux d'occupation des logements était de 15 personnes en moyenne. Aujourd'hui il est de 7 à 8 habitants», indique Belaïd Kheloui, le maire de Mohammadia (FFS). M. Kheloui ajoute qu'au plus fort de sa densité démographique, la cité Les Dunes avait enregistré un pic de 11 000 âmes dans les années 1980.
La cité est elle-même encastrée dans un ensemble immobilier extrêmement dense, ponctué d'autres bâtiments, de moindre gabarit, dont une cité où ont été relogés d'anciens habitants de La Casbah. «Il faut croire que les deux barres ont fait des petits», lance Zino, notre accompagnateur. Dans le même périmètre se trouve également Dar El Imam, un centre de formation pour jeunes imams, et juste à côté un magasin très couru, Le Printemps, spécialisé dans l'habillement.
Dans la continuité de l'immeuble B s'étend une passerelle qui enjambe l'autoroute, et qui débouche sur Ardis (à gauche) et les Pins Maritimes (à droite). Il y a aussi les palissades cernant le chantier de la Grande Mosquée d'Alger derrière lesquelles s'élève une nuée de grues géantes. Une concentration urbaine qui contraste avec les vieilles photos de l'ex-Lavigerie. «Autour de la cité Les Dunes, il n'y avait que des vergers, des jardins et un bâtiment des Pères Blancs», se souvient l'un des plus anciens habitants du quartier.
La cage 9, qui abrite l'appartement de Hocine, est flambant neuve. Ça sent la peinture fraîche. Des carreaux de faïence de couleur marron et beige tapissent les murs. Des portes métalliques enduites de laque noire ont été installées, l'une devant le hall d'entrée, l'autre à hauteur de la cave des vide-ordures. «maintenant, on peut fermer la porte, le soir on est tranquilles. On a mis une lampe extérieure, ce qui nous évite les attroupements indésirables devant l'immeuble», détaille Hocine.
Une troisième porte barre une niche située au-dessous de l'escalier du rez-de-chaussée, et qui était affreusement insalubre auparavant. Hocine y glisse son frottoir en expliquant que cet espace sert désormais de loggia pour y ranger le matériel d'entretien. Tous les murs de la cage d'escalier sont revêtus, en partie, de faïence, et le reste est enduit d'une peinture lavable.
«C'est plus facile à nettoyer», affirme Hocine. Les néons ont également été remplacés. L'immeuble de 11 étages, qui était plongé dans le noir à la tombée de la nuit, est désormais éclairé jusqu'au dernier palier. La cage d'ascenseur a eu droit, elle aussi, à son petit brin de toilette. Ne reste plus qu'à remettre la machine en marche.
Souriez, vous êtes filmé !
«Nous avons entamé les travaux il y a un peu plus d'un mois (début octobre, ndlr)», raconte Hocine. «L'immeuble se dégradait à vue d'œil et les autorités ne faisaient rien pour le prendre en charge, alors nous avons décidé de l'entretenir à nos frais», poursuit-il. «La réfection de la cage d'escalier à elle seule nous a coûté au total 11 millions de centimes», affirme notre ami. «Nous sommes 22 familles réparties sur 11 étages. Chaque locataire a contribué à hauteur de 5000 DA.»
Et d'ajouter : «La faïence nous a coûté 900 DA le mètre, ajoutez à cela la main-d'œuvre du maçon, à raison de 600 DA le mètre.» Hocine précise qu'au tout début, il y avait tout de même quelques réticents, estimant que «c'est à l'Etat de se charger de l'entretien, surtout que l'on s'acquitte chaque mois des charges». Voilà, d'ailleurs, un locataire de la cage 13 qui tient dans sa main, justement, une quittance estampillée OPGI. «Je viens de m'acquitter de mes 200 DA de charges.
Et si tu ne paies pas, ça va s'accumuler et un jour on t'enverra la justice. Je me demande pourquoi on paie les charges si c'est pour que ce soit nous qui nous occupions de tout», lâche-t-il. Un autre renchérit : «Même la femme de ménage, elle ne vient qu'occasionnellement. C'est souvent nous qui nettoyons les escaliers.»
Hocine reprend : «Quand ils ont vu le résultat, même ceux, qui rechignaient à contribuer, ont mis la main à la poche.» A signaler que les locataires qui ont pris cette initiative ne sont pas organisés en comité de quartier ni en association. «On préfère rester comme ça. De toute façon, même si tu envisages de créer une association, les autorités ne te donneront pas l'agrément, et l'Etat ne va pas te subventionner», tranche notre guide.
Hocine nous invite ensuite à l'accompagner au 5e étage où il habite, et où il a pris le soin de refaire la déco de tout le palier à ses frais. Il nous montre fièrement les transformations opérées. Les murs sont carrelés avec la même faïence que le rez-de-chaussée. Des dessins en forme de fleur de couleur rouge complètent le tableau. Dans le lot, des graphismes aux accents romantiques, et en anglais s'il vous plaît («Women», «beauty», «I love U»…).
Un autre détail ne manque pas d'attirer notre attention : Hocine a placé une petite caméra de vidéo-surveillance juste au-dessus de sa porte. «Certains énergumènes, quand ils voient quelque chose de propre, ils vont l'amocher ‘‘zkara'', donc c'est beaucoup plus à titre dissuasif», lance notre hôte. Le jeune douanier n'est pas peu fier de l'effet produit et se félicite de l'émulation qu'il a suscitée auprès du voisinage. «J'ai décidé de prendre en charge notre étage de mon propre chef, et quand les voisins du dessus ont vu ça, ils ont pris le relais. Maintenant, les travaux vont continuer jusqu'au voisin du 9e, et j'espère que ça va se poursuivre jusqu'au dernier étage.»
Des cages d'escalier toujours insalubres
Ces interventions peuvent paraître anecdotiques. Pourtant, force est d'admettre que le contraste est pour le moins saisissant en comparaison avec d'autres compartiments de la cité, et qui sont restés à l'abandon. En visitant les cages d'escalier situées tout au bout de l'immeuble B, mastodonte aux allures de gratte-ciel couché, on voit d'emblée la différence. Effet «avant», «après». Les cages laissées en l'état témoignent d'une grande dégradation.
Les murs sont sales, écorchés, les entrées d'immeuble nauséabondes, avec des sacs poubelles qui moisissent dans les moindres interstices, sans compter les auréoles et les odeurs d'urine. Sous un escalier, ce graffiti rageur : «Ya h'mar machi h'na ezbel» (Ne jette pas les ordures ici bourricot). Mais comme le reconnaît Hocine, ce sont les habitants de cette même barre qui ont entamé cette «insurrection esthétique». Et les locataires semblent s'être donné le mot pour adopter la même charte décorative dans le choix des matériaux et des couleurs.
On trouve partout les mêmes motifs pour la faïence et la même couleur jaune pâle pour les murs. Certains ont même mis de la dalle de sol pour donner plus d'attrait à leur hall. Hocine veut maintenant se mettre au jardinage. Des bacs à fleurs prêts à l'emploi sont disposés près de sa cage. «On va planter du jasmin, du mesk ellil (galant de nuit, ndlr) et ça va donner du caractère au quartier».
Prochain défi : Les ascenseurs
Un autre de ses voisins, qui se prénomme lui aussi Hocine (Hocine Bennaï de son nom complet), comptable de son état dans une entreprise privée, nous parle volontiers des mutations qu'a connues ce quartier emblématique des hauteurs d'El Harrach. «Cela fait 50 ans que je vis ici. Avant, il y avait surtout ici des coopérants, essentiellement des Russes et des Egyptiens qui avaient été engagés par Ben Bella pour assurer l'encadrement pédagogique de nos écoles. Aussi loin que je m'en souvienne, la cité n'a été repeinte qu'une seule fois. Je crois que c'était en 1978-1979 si mes souvenirs sont bons.
C'était juste l'intérieur, car au niveau de la façade, l'immeuble ne se prête pas au badigeonnage». M. Bennaï ajoute : «Le bâtiment est en très bon état. Il a vaillamment résisté à tous les séismes. Il y a juste quelques petites fissures, quelques joints qui ont lâché. Pour le reste, il est très solide. En plus, cette cité constitue un carrefour stratégique.
On a tout. Donc sa cote va grimper et les prix des appartements aussi.» Pour le traitement de la façade, les locataires sont déterminés à lui rendre sa «texture» originelle. «Nous allons tout faire pour lui restituer son lustre d'antan en utilisant une tyrolienne», assure Hocine. Autre chantier qui presse : les ascenseurs. Les Dunes font entre 11 et 13 étages, et le besoin de remettre en marche les ascenseurs se fait sentir, même si l'opération s'avère autrement plus compliquée. M. Belhadj, un retraité de l'OPGI qui habite depuis 26 ans dans un ancien local de son organisme employeur, explique : «L'OPGI voulait les réparer.
Elle avait estimé les travaux de réparation à 1,4 milliard de centimes par ascenseur. Le problème était comment les entretenir et en assurer le suivi ? Les ascenseurs exigent un entretien permanent. J'étais présent à une réunion où il était justement question de ça. J'avais proposé à ce que devant chaque cage on mette un vigile qui serait recruté dans le cadre de l'emploi de jeunes pour veiller sur sa bonne utilisation, aider les personnes âgées, etc. Malheureusement, ma proposition n'a pas été retenue. Aujourd'hui, l'OPGI vous dira que tout le monde est acquéreur. La plupart ont acheté. Donc, c'est aux habitants de prendre en charge les immeubles, même s'ils restent patrimoine de l'OPGI. Donc, on doit se débrouiller entre nous.
Squatte qui peut
Force est de le constater : cette opération esthétique, pour louable qu'elle soit, ne cache pas la promiscuité, le chômage, une certaine misère sociale qui touche nombre de foyers. «On est à 12 dans un F3. Il y a même mes grands-parents avec nous, mes oncles. On a déposé un dossier AADL en 2001 et on attend toujours», confie un jeune du bâtiment B. Certains locataires en sont venus à squatter les parties communes : terrasses, caves et même les ascenseurs du haut, à en croire Hocine le douanier : «Il y a des familles nombreuses qui vivent dans une terrible promiscuité et qui ont construit sur la terrasse pour avoir un peu d'espace», témoigne-t-il.
Il nous apprend, dans la foulée, que «certains qui habitent au dernier palier ont carrément annexé l'ascenseur du dernier étage. Comme il ne fonctionne pas et qu'ils sont à l'étroit, ils l'ont tout bonnement squatté». Son voisin, le comptable, renchérit : «Il y en a, parmi ceux qui habitent le rez-de-chaussez, qui se sont appropriés une partie de la cage d'escalier.
Ils l'ont aménagée en pièce et ont mis une porte». Hocine précise : «Nous, on s'est entendus entre nous sur le fait que personne ne squatte la terrasse ni les autres parties communes». M. Benaï nous confie qu'il s'apprêtait à quitter le quartier après avoir bénéficié d'un logement AADL. «Malgré le fait que je vais bientôt partir, j'ai tenu à payer ma part de cotisation. Il est important de laisser quelque chose de bien derrière soi.»


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