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Alias Farid...
Hommage : René Vautier, cinéaste au grand cœur
Publié dans El Watan le 10 - 01 - 2015

Clap de fin pour un homme rare entré en résistance à l'âge de 15 ans.
Tel ce chêne qu'on n'abat pas, donné trois fois pour mort, blessé en traversant la ligne Morice (ndlr : à la frontière algéro-tunisienne), embastillé à plusieurs reprises et censuré d'innombrables fois, René Vautier, le Breton chevelu, le bien nommé «homme de paix» qui a tissé des liens très forts avec l'Algérie et qui est l'un des pères fondateurs de son cinéma, est toujours resté fidèle à ses engagements.
Surnommé Farid par ses frères de combat algériens, ce Celte révolté s'est retrouvé, très jeune, au cœur des bouleversements de l'histoire. Entré en résistance contre le nazisme dès l'âge de 15 ans, il a vécu tel un personnage de Malraux, n'éprouvant son humaine condition que dans l'action au bout de laquelle il rejoint sa destinée.
«J'ai passé toute ma vie à faire du cinéma dans un secteur que j'avais choisi, celui où l'on ne risquait pas beaucoup de concurrence». L'aveu plein d'humour de René Vautier sur France Culture en 1989 est clair. Il fut parmi les tout premiers sur le théâtre des événements. Lui qui a fait débuter Claudia Cardinale et Jean-Paul Belmondo et effectué une impressionnante carrière cinématographique, a vu quasiment tous ses films interdits de diffusion en France.
Son courage l'a projeté au-devant de ce qui allait le révéler à lui-même et aux autres. C'est aussi par son intelligence et la subtilité de son émotion qu'il se consacra à son devoir de militant et de cinéaste humaniste. Le prix SCAM (Société civile des auteurs multimédias) et le Grand prix de la télévision pour l'ensemble de son œuvre (en 1998) constituent un véritable pied-de-nez à l'establishment audiovisuel français. Ces distinctions l'ont encouragé à reprendre la caméra après son livre Caméra Citoyenne, mémoire, à lire impérativement (Ed. Apogée).
Vautier a fini par recouvrer le droit sur ses œuvres. Sept de ses films ont été primés. Afrique 50 avait obtenu le prix du meilleur documentaire mondial des jeunes et a été cité par le jury du prix Louis Lumière parmi les trois meilleurs courts métrages français de l'année. Après 45 ans d'interdiction de ce film-phare, René Vautier a reçu en avril 1996 une lettre savoureuse du Quai d'Orsay qu'il a fini par apprendre par cœur ! Lors des Journées cinématographiques de Tébessa qui lui furent consacrées, il nous la récita d'un trait. Il y apprenait que son film, interdit en France, aurait été montré dans cinquante pays par le canal diplomatique !
En 1951, la République française, par le tribunal de Bobo Dioulasso (ndlr : ville du Burkina Faso), avait condamné Vautier pour son anticolonialisme. Ce premier verdict, à l'âge de 21 ans, ne le détournera pas de son combat. Figure de proue de la lutte anticoloniale, il a aussi soutenu les luttes syndicales. Dans Un homme est mort, tourné en 1951 sur les lieux du drame, il mettra en images la mort d'André Mazé, ouvrier de l'arsenal de Brest tué par balles lors d'une manifestation. Il réalise Quand tu disais Valéry, sur les manifestations ouvrières à Saint Nazaire (1975).
En 1978, Marée noire et colère rouge a été classé meilleur documentaire mondial au festival de Rotterdam. Il a reçu aussi, pour l'ensemble de son œuvre, l'hommage du jury du film antiraciste de la Ligue internationale des droits de l'homme. D'autres récompenses suivront et même un Oscar pour un documentaire sur les pêcheurs. La folle de Toujane, fiction réalisée avec son complice du maquis, Pierre Clément, comme directeur photo, recevra le Prix des peuples au festival de Cannes et le Prix de la fédération internationale des cinéclubs en 1974. Avoir 20 ans dans les Aurès sera, quant à lui, distingué à Cannes en 1972.
Sa devise ? «Mettre l'image et le son à la disposition des gens à qui les pouvoirs constitués les refusent». René Vautier a tourné des kilomètres de pellicule. Cette popularité lui a valu les foudres des autorités qui, toute sa vie, ont cherché à le museler en bloquant ses films. En 1970, il crée l'Unité de production cinéma Bretagne (UPCB) qui produit une dizaine de longs métrages. Il en assure la réalisation ou la supervision.
En 1980, il crée une petite société, Production 65, pour gérer les films produits par l'UPCB dont il rachète les droits. De l'Algérie, il possède plus de 60 heures d'enregistrements visuels et plus de 800 heures de documents sonores. Une vraie mine de renseignements inédits. En 1985, Le Pen intente un procès au Canard Enchaîné pour avoir dénoncé son rôle dans les tortures en Algérie. Le journal satirique montre alors des images de Vautier dans lesquelles des citoyens algériens dénoncent Le Pen…
Il sera souvent menacé. Quand le local abritant ses films a été saccagé et les copies détruites, il dépose plainte. Mais la police conclura vite au vandalisme enfantin ! Vautier dévoilera par la suite la magouille de personnes proches du Front National qui, par des prête-noms, avaient racheté une partie de sa société afin de détruire les négatifs des films. Sa lutte contre tous les «truands» fut rude. Mais ces derniers n'ont pas eu raison du militant qui remportera un retentissant procès en 1990 devant la Cour d'appel de Paris.
Ceux qui ont eu le bonheur de le rencontrer lors de ses multiples voyages en Algérie ont mesuré la portée de sa passion et de son engagement. Sa solide et élégante silhouette va nous manquer. Que ce soit à Tébessa, lors des Salons du Cinéma et de la Télévision qu'il honorait chaque année, à Béjaïa, Oran ou Alger, il était partout chez lui, arpentant fiévreusement les ruelles des villes. A chaque invitation, il répondait présent, même durant la sanglante «quinzaine» noire. «Si les intégristes me font la peau, ça vous fera une belle nécro», disait-il en riant, lui qui en avait vu d'autres.
Pour nombre de ses amis, René est resté humble et jeune, ne semblant pas porter le poids d'une vie prodigieuse. Parler avec lui, c'était s'embarquer pour un long voyage. Chaque mot était pesé, réfléchi, tel un scénario de sa vie. Il se rappelait chaque détail, chaque buisson des cimes des Aurès où il a séjourné. Cela dit, l'éternel jeune homme de 86 ans est resté profondément breton. «Il n'y a pas, disait-il, de contradiction à lutter pour un monde libre et à défendre notre identité bretonne».
Pour avoir déclaré dès 1954 que l'Algérie ne pouvait qu'être indépendante, il a été poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat par François Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur. Cela l'avait décidé à venir filmer ce qui se passait en Algérie, mais du côté des moudjahidine de la Wilaya V. Entre 1957 et 1958, il réalisera Algérie en flammes en plein maquis. Recherché en France, il a été considéré comme mort entre 1959 et 1960. Il était en fait dans une geôle du GPRA en Tunisie. Une fois libéré, il reprendra sa caméra pour réaliser avec Yann Le Masson J'ai huit ans (prix Oberhausen à Leipzig).
A l'indépendance, il fut chargé de la direction du Centre Audiovisuel d'Alger tout en étant Secrétaire général des Cinémas Populaires d'Algérie. Il dirigera alors la réalisation de Peuple en marche et participera à l'écriture du scénario des Damnés de la Terre de Frantz Fanon. Son dernier documentaire Le Petit Breton à La Caméra Rouge : dialogues et images en temps de guerre (1998), est sorti en même temps que le tome 2 de ses Mémoires. L'homme qui, en 1973, entama une grève de la faim de 31 jours contre la censure, n'a jamais plié l'échine, même face à la maladie.
René Vautier vient de nous faire faux bond. Il n'aura pas droit à la même attention médiatique que Jacques Chancel, mort à 86 ans, comme lui. Mais qu'importe ! Nous l'honorons à notre façon, avant le vibrant hommage que préparent les cinéphiles de Saïda. Espérons que la télévision algérienne décide de programmer l'excellent documentaire de Ahcène Osmani, L'homme de la Paix, Prix de la tolérance, décerné par l'Unesco au Festival de Montréal Vues d'Afrique 99.
Signalons les films qui lui sont consacrés, comme Le dur désir de dire d'Alain d'Aix et René Vautier l'indomptable de Jacques Royer. Fin 2012, à Lille, l'association Sud-Nord-Evolution a, lors de la 9e édition de son Festival, projeté le documentaire Le Maquisard à la Caméra de Nasreddine Guenifi. Enfin, Mourad et Laurence Laffitte préparent un film sur lui. Huit films en tout ont été réalisés sur lui. Rare hommage de confrères pour un homme aussi rare.


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