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Le poisson, nouvel outsider de l'économie
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Publié dans El Watan le 06 - 03 - 2015

En dépit de tous les plans de relance qui n'ont jamais rien donné, le secteur de la pêche a tout le potentiel pour devenir rentable d'ici cinq ans. Mais les courants contraires sont puissants.
Le soleil n'est pas encore levé. Dans la halle à la marée du port d'Alger, Mhamed, 76 ans, doyen de la Pêcherie, regarde les caisses de merlan et de chien de mer que les manœuvres plus jeunes que lui viennent de décharger. Cette nuit-là, le peu de poisson arrivé est venu de Annaba, par bateaux et par camions. Le vent qui souffle depuis plusieurs jours sur l'Ouest et le Centre épargne pour l'instant l'est du pays, seul espoir d'arrivages pour Alger. Car la pêche, comme tout le reste, n'échappe pas à l'hypercentralisation : c'est par Alger que la plupart de la production et des importations transitent pour desservir le reste du pays.
De l'autre côté de l'avenue, devant les voûtes, des camionnettes frigorifiques sont stationnées les unes à côté des autres. Les plaques d'immatriculation indiquent qu'elles viennent de toutes les wilayas. Sous la lumière blanche des ampoules vissées au-dessus des devantures, qu'il vente ou qu'il fasse beau, les transactions doivent se conclure, entre deux gobelets de café et quelques cigarettes.
Quand un restaurant demande de l'espadon, il faut en trouver. De l'espadon, justement, ce matin, il y en a quelques pièces posées sur un cageot. «Alors qu'on est en période de repos biologique !, note un grossiste. Je peux vous dire que celui-là a été pêché en Algérie; alors qu'il n'aurait pas dû l'être.» Pendant que dans la Pêcherie, pas un poisson n'échappe au contrôle vétérinaire, de l'autre côté, sur le trottoir, règne l'informel, de minuit à 7h. Soit, selon les professionnels qui arpentent les deux mondes… 60% du marché.
Mais les équipes du ministère de la Pêche et de la wilaya l'affirment : ce règne sera bientôt terminé. Parce qu'un grand parking sera construit à l'endroit même où se garent les camions frigorifiques, pour le grand public qui aura accès à la toute nouvelle poissonnerie de détail, au port et aux restaurants avec terrasses qui ouvriront bientôt sur les quais. Les onze carreaux en marbre qui accueilleront treize mandataires sont fin prêts, tout comme la chambre froide qui permettra de stocker le poisson invendu. «Les efforts que nous faisons depuis trois ans pour réorganiser le secteur commencent à se voir, souligne Rabea Zerrouki, directrice de la pêche de la wilaya d'Alger, en inspectant la poissonnerie.
Regardez la pêcherie : elle a été complètement rénovée, et cela pour la première fois depuis sa construction en 1937 ! Nous avons réussi à bannir les caisses en bois pour y imposer des caisses en plastique, plus hygiéniques.» Mais c'est sur les quais du port de pêche, désormais ouvert au public, que la transformation est plus flagrante. Les pêcheurs ont désormais à disposition une station Naftal pour s'approvisionner en carburant, des bornes d'eau et d'électricité, une fabrique de glace, un magasin de matériel de pêche et, d'ici peu, des toilettes, quasiment terminées.
La douche
En face du port, la wilaya a même cédé deux voûtes : une fois les travaux terminés, elles comprendront 48 cases de pêcheurs, une sorte de dortoir pour que le personnel des sardiniers puisse dormir au sec, stocker ses affaires et prendre une douche. Enfin, les pêcheurs ont surtout à leur disposition, sur le quai, une antenne avec des correspondants sociaux pour toutes leurs démarches administratives : CNAS, retraite, etc. ainsi qu'un centre médical avec un médecin du travail.
Depuis 2010 (dans le cadre du programme du gouvernement 2010-2014), des mesures ont été prises pour faire avancer le secteur et pas seulement à Alger : de nouvelles halles à marée ont été ouvertes ou rénovées sur toute la côte, des associations professionnelles ont été créées par filières, un nouveau régime de protection sociale est entré en vigueur, la pêche au corail a rouvert, un nouveau corps d'inspecteurs de pêche a été mis en place, etc. Une réorganisation et une modernisation de la profession que le ministre, Sid Ahmed Ferroukhi, compte accélérer grâce à un nouveau plan de développement, Aquapêche 2020 (voir infographie). Mais il est encore trop tôt que pour que dans notre assiette, les choses changent vraiment.
Le poisson reste cher et sur l'étal, il y a toujours aussi peu de choix. Abderrahmane Lafer est le représentant des 13 mandataires (ceux qui s'occupent de la transaction entre le pêcheur et le grossiste) de la Pêcherie d'Alger. C'est là que se trouve son bureau, hérité de son père, où une carapace de tortue, des coquillages, un vieux tableau de voilier perdu en mer, une roue de navigation et, dans l'air, une odeur tenace de poisson et de tabac froid, témoignent de l'ancrage de la famille dans le business du port.
Relève
Dans cette pièce où le temps s'est arrêté, l'homme évoque ce qui, à ses yeux, tire le secteur vers le fond : «En Algérie, la pêche reste artisanale. Les patrons de pêche vont toujours aux mêmes endroits, c'est pour ça qu'on parle de surpêche ! Mais du poisson, il y en a, il suffit de connaître les coins...» Sous les voûtes, s'il y a un sujet qui énerve les grossistes, c'est bien celui des limites des ressources halieutiques. «C'est vrai, il y a dix ans, il y avait davantage de poisson, parce que moins de pollution, admet Sofiane.
Mais aujourd'hui, on a aussi moins de moyens. Les vieux meurent et il n'y a personne d'assez bien formé pour prendre la relève. Il faudrait trouver de nouvelles zones de pêche, mais ça c'est le travail du ministère !» Mohamed Haouchine, consultant en pêche, aquaculture et environnement marin, est aussi de cet avis : «En Algérie, il existe trois zones de pêche liées à la configuration du plateau continental.
En gros, on peut pêcher à l'Est et à l'Ouest, où le plateau est large, ce qui représente environ 30% de notre littoral. Au Centre, où le plateau est étroit, il faudrait oser aller plus loin. Le problème, c'est que les pêcheurs ne sont ni équipés ni formés pour s'aventurer au-delà.» Abderrahmane Lafer renchérit : «Le problème, c'est qu'on ne nous laisse pas travailler ! Moi par exemple, j'aimerais importer des chalutiers d'Espagne.
Avec la crise, ils sont vendus pour trois fois rien — entre 4000 et 5000 euros contre 7 à 12 millions de dinars en Algérie – et encore, le temps qu'on me le construise, je serai mort. Seulement voilà, s'ils ne sont pas neufs, la loi ne me le permet pas !» Pour Smaïl, armateur, la faible rentabilité est aussi imputable au matériel. «Sur toute la côte algérienne, la moitié de la flotte ne sort pas.
Parce que les bateaux ont besoin d'être réparés. En Algérie, on ne trouve pas certaines pièces et il est aussi très difficile de les importer. Surtout pour tout le matériel dit 'sensible', comme les GPS ou les sonars. Résultat : là où en huit heures de pêche, les Tunisiens ramènent 100 caisses de poisson, nous en ramenons 20. Pourtant, nous avons le même plateau et les mêmes méthodes de pêche. Mais un sardinier tunisien est équipé de 24 lampes. Un sardinier algérien n'en a que 8.»
Mobylette
Si la bureaucratie, les contraintes sécuritaires, le manque de formation, le passif de mauvaise gestion, etc. freinent le développement de la pêche au même titre que toute l'économie, dans la profession, des résistances existent aussi. Ce matin-là, sur le quai, des marins, déjà chagrinés par le mauvais temps, se sont réunis pour protester contre les mesures de sécurité qui obligent les petits métiers à présenter deux hommes à bord pour sortir en mer. Non pas qu'elles soient nouvelles, mais depuis la mort récente d'un pêcheur solitaire en mer suite à une crise cardiaque, les autorités ne ferment plus les yeux.
«C'est très compliqué parce que parfois, ils partent à deux pour poser des filets et quand il faut aller les chercher, l'autre n'est pas là. Alors le filet ramasse toutes les ordures qui traînent et, pour eux, c'est une perte sèche. Mais voilà, il y a des consignes à respecter», note un responsable du port. Malgré les explications des responsables, rien n'y fait. Ils menacent de faire grève.
Rabéa Zerrouki a quant à elle beaucoup de mal à convaincre les vendeurs de sardine ambulants de souscrire au nouveau dispositif Angem. «On leur propose une mobylette équipée d'une caisse isotherme qui permet de ranger jusqu'à six caisses. Elle comprend aussi un parasol, une balance, des gants, un casque et un tablier.
Elle coûte 10 000 DA et on leur accorde un prêt sans intérêt qu'ils remboursement à raison de 2000 DA par mois.» Les pêcheurs sont aussi les premiers à parler de la pêche à la dynamite encore et toujours pratiquée, en particulier à l'Ouest, en raison du relief qui rend périlleux le jeté de filet. A dénoncer les chalutiers qui raclent les petits fonds marins malgré la réglementation qui leur interdit de pêcher dans les zones inférieures à 50 m. A critiquer ceux qui ne respectent pas les périodes de repos biologique ou la taille des mailles des filets. Ou encore à parler des pêcheurs qui «sont obligés de rentrer au port après deux ou trois heures alors qu'en Tunisie, ils restent en mer toute la journée».
Ce matin, sous les voûtes, une grande partie du poisson arrive justement de Tunisie. Un négociant pour les restaurants grimace. «Notre problème, c'est qu'il n'y a pas de poisson frais. Le rouget et le merlan sont importés de Tunisie ou d'Espagne. Pour faire croire qu'ils ont été pêchés en Tunisie, ils les enlèvent des caisses en polystyrène pour que ça se voie pas.» Le poisson algérien a de la concurrence. Et à en juger par l'activité devant le port, proportionnelle à l'agitation des mouettes qui attendent le départ des camions, éliminer l'informel sera sans conteste le plus difficile des chantiers.


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