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«Le gouvernement et le Président français font preuve d'une singulière pusillanimité»
Olivier Le cour Grandmaison. Universitaire
Publié dans El Watan le 07 - 05 - 2015

Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la colonisation dont Coloniser, exterminer : Sur la guerre et l'Etat colonial, Paris, Fayard, 2005 (traduit en arabe en 2007, Algérie) ; La République impériale : politique et racisme d'Etat, Paris, Fayard, 2009 (traduit en arabe en 2009 Algérie) ; De l'indigénat.
Anatomie d'un monstre juridique : le droit colonial en Algérie et dans l'empire français, Paris, Zones/La Découverte, 2010 ; sous sa direction Le 17 octobre 1961 : un crime d'Etat à Paris, les éditions La Dispute, 2001. Son dernier ouvrage paru porte le titre de L'Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.
Dans votre livre Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l'Etat colonial (éditions Fayard, 2005) vous écrivez que depuis le début de la colonisation il y avait une logique et une politique coloniales construites sur la violence et l'exploitation ? La manifestation pacifique du 8 Mai 1945 dans le Constantinois trouve-t-elle une de ses motivations dans le rejet de cette exploitation coloniale et de la volonté de s'en affranchir alors qu'au même moment les Alliés, dont la France, célébraient la victoire contre le nazisme ?
Il est en effet indispensable de rappeler qu'elle était, à l'époque, la situation de ceux qui étaient nommés les «indigènes». Indigènes qui n'étaient pas des citoyens français mais des «sujets français» assujettis à un ordre colonial inégalitaire, discriminatoire et fondé sur un racisme d'Etat. La règle étant qu'ils étaient privés des droits et libertés démocratiques élémentaires : pas de droit de vote, pour l'écrasante majorité d'entre eux, pas de liberté d'association, de réunion, pas de liberté de la presse à quoi s'ajoutent de nombreuses dispositions répressives qui n'étaient opposables qu'à ces seuls indigènes.
Je pense en particulier à l'internement administratif et à la responsabilité collective et, bien sûr, à ce «monstre juridique» comme l'ont qualifié plusieurs juristes de la IIIe République, pour désigner le code de l'indigénat dont la première version fut adoptée le 9 février 1875. Code que les indigènes nommaient «code matraque» ce qui prouve qu'ils avaient parfaitement compris qu'elles étaient ses fonctions essentielles. En dépit de quelques réformes, ce code a été appliqué tout au long de la IIIe République et même le Front populaire n'a pas jugé nécessaire de le réformer, moins encore de l'abroger.
Celles et ceux qui manifestent pacifiquement le 8 Mai 1945 à Sétif, notamment, protestent contre cet ordre colonial qui, à cette date, n'a pas encore été modifié et, plus largement, pour l'indépendance de l'Algérie. L'ensemble de ces revendications est alors intolérable pour les autorités coloniales et métropolitaines qui sont prêtes à tout pour défendre l'intégrité de l'empire jugée alors indispensable au statut de la France comme grande puissance européenne. De là, ces massacres destinés à rétablir dans les plus brefs délais la domination française. Le général Raymond Duval, qui commandait les troupes dans le Constantinois avait déclaré, le 15 mai 1945, qu'il fallait «agir vite et puissamment pour juguler le mouvement».
Ainsi fut fait comme le prouve le nombre considérable de victimes civiles et l'ampleur des moyens militaires – armée de terre, de l'air et marine – employés pour écraser les émeutes. N'oublions pas les milices coloniales composées d'Européens qui ont également joué un rôle important.

«Cette misère, je l'ai vue partout, elle me suit partout. Qu'avons-nous fait pour que ce pays retrouve son vrai visage ?» «80% des enfants sont privés d'enseignants, un médecin pour 45 000 habitants et pas une infirmière ou visiteuse», constate Albert Camus Albert quelques années avant le 8 Mai 1945, en 1939, en Kabylie. Vous corroborez ce constat ?
Contrairement à une certaine mythologie coloniale, aujourd'hui réhabilitée par de nombreux responsables du Front national et de l'UMP qui vantent ce qu'ils appellent «les aspects positifs» de la colonisation française, le bilan sur le plan scolaire et médical est effectivement déplorable. En 1955, Germaine Tillion notait que «1 683 000 enfants algériens» n'avaient toujours pas de place dans «les écoles primaires de la République française». Ironiquement, elle ajoutait : «La présence française» brille «par son absence : (…) une école sans instituteur, une route vide, ni médecin, ni infirmier, ni aucune sorte d'émissaire de la ̋civilisation ̋.
Quelques intentions, tout au plus, mais non suivies d'effet.»
Trois ans plus tard, en 1958, le célèbre sociologue français, Raymond Aron, constatait, lui, que 94% des hommes et 98% des femmes «musulmans français d'Algérie», comme on disait à l'époque, étaient illettrés en français. Pour ce qui est de l'université d'Alger, les quatre cinquièmes des étudiants sont d'origine européenne, précisait-il également.
Quant à la médecine, elle aussi était conçue sur des bases discriminatoires et la couverture médicale des indigènes a toujours été déplorable. A preuve, outre les chiffres cités par A. Camus, ceux des spécialistes qui observent, qu'en 1932 «on meurt deux fois plus à La Casbah que dans le reste d'Alger».
Et enfin, le témoignage plus tardif de Aïssa Touati qui, jeune Algérien, note qu'en 1954, il n'a encore jamais vu de médecin alors qu'il n'habite pourtant qu'à une quarantaine de kilomètres de la capitale de l'Algérie française. Il sera d'ailleurs vacciné pour la première fois à cette époque. Est-ce donc cela un «bilan positif» ? Dérisoire mythologie nationale bien plutôt écrite par des idéologues qui n'ont que faire de l'histoire qu'ils manipulent à leur guise.

Le collectif unitaire pour la reconnaissance des crimes d'Etat de 1945 en Algérie (Sétif, Guelma, Kherrata) affirme dans un communi qu' «Il est impossible de célébrer les 70 ans de la victoire contre le fascisme sans la volonté d'arracher de l'oubli ce qui s'est passé en Algérie ce même 8 Mai et les jours suivants». Comment analysez-vous que l'Etat français et une partie de la classe politique française aient du mal à assumer le passé colonial de leur pays en Algérie ?
Rappelons tout d'abord que depuis la loi du 23 février 2005, qui n'a jamais été abrogée, et qui sanctionne une interprétation positive du passé colonial français, en Algérie notamment, l'UMP et son président Nicolas Sarkozy, se sont lancé dans une entreprise de réhabilitation de la colonisation. Et ce, pour des raisons bassement électoralistes afin de tenter de contrecarrer l'influence électorale grandissante du Front national. Dans un contexte de concurrence toujours plus vive entre ces deux organisations, cette question est jugée décisive.
De là, cette surenchère. Elle se traduit aujourd'hui par des initiatives comme celle du maire de Béziers, Robert Ménard, qui a fait débaptiser une rue nommée «19 mars 1962» pour lui donner le nom d'un officier putschiste d'Alger : Hélie de Saint Marc qui fut condamné à dix ans de réclusion criminelle pour sa participation au putsch des généraux en avril 1961.
Ce même officier a eu droit à un portrait apologétique dans le quotidien Le Figaro du 14 mars 2015 où le journaliste E. de Montety a salué un homme qui, selon lui, fut une «référence morale et historique».
Quant au gouvernement et au chef de l'Etat, François Hollande, ils font preuve en ces matières d'une singulière pusillanimité, sans doute pour éviter de susciter des polémiques. En refusant de s'engager clairement sur ce terrain, ils laissent ainsi le champ libre à toutes celles et tous ceux qui exploitent ce passé colonial à des fins politiques et entendent réécrire les pages de cette histoire. Sans doute les responsables du FN et de l'UMP se croient-ils audacieux ; ils ne font que reprendre les poncifs les plus convenus élaborés pendant l'entre-deux guerres, notamment, à cette époque où la colonisation française était présentée comme une entreprise de «civilisation».
Le geste symbolique du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, J.-M. Todeschini, à Sétif est estimé par ce collectif comme insuffisant. Qu' attend-il de l'Etat français ?
Un «geste fort et symbolique», selon les éléments du langage employés par J.-M. Todeschini ? Une formule remarquablement euphémisée, en fait, dont nul ne peut douter qu'elle a été élaborée à l'Elysée. Sur ces sujets, entre autres, le président de la République et ses conseillers sont des orfèvres puisque la lecture de leur prose sibylline révèle ceci : au cours de ces semaines sanglantes, il n'y eut ni massacre, ni crime bien sûr, puisqu'aucun de ces termes n'est employé.
Quant à ceux qui les ont commis, qu'ils soient civils ou militaires, ils ne sont nullement désignés, ceci est une conséquence de cela. De même nulle mention n'est faite du gouvernement de l'époque sous la responsabilité duquel les forces armées ont agi. La rhétorique élyséenne fait des miracles : des dizaines de milliers de morts algériens mais ni assassins, ni commanditaires, ni coupables d'aucune sorte. Pour paraphraser Berthold Brecht, les crimes perpétrés alors demeurent sans nom et sans adresse.
Nous sommes donc bien loin d'une reconnaissance officielle, claire et précise. Ajoutons que ce «geste» est très en-deçà du vœu adopté à l'unanimité par le Conseil de Paris dans lequel il est fait mention de «crimes de guerre» et de «crimes d'Etat». Et très en-deçà également des déclarations faites en 2008 par l'ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, qui parlait de «folies meurtrières» et évoquait «la très lourde responsabilité des autorités françaises de l'époque».
Enfin, rien n'est dit sur l'accès aux archives et sur les programmes scolaires. Le voyage de J.-M. Todeschini en Algérie, un «pas en avant», selon l'expression consacrée ? Plutôt un pas de côté au fond assez dérisoire qui ne peut satisfaire celles et ceux qui sont attachés à la vérité historique et à la nécessaire reconnaissance de ces massacres.
Les télévisions françaises consacrent — jusqu'ici — un temps d'antenne conséquent au 70e anniversaire de la victoire des Alliés sur le nazisme et quasiment rien sur l'autre 8 Mai 1945, celui des massacres du Constantinois. Cela procède-t-il d'un non-intérêt de ces médias et de la société française sur un événement marquant de l'histoire coloniale de la France ? D'un déni?
Plusieurs éléments se combinent sans doute. Entre autres, l'ignorance chez un certain nombre de journalistes de ce qui s'est passé dans le Constantinois alors que, outre les ouvrages d'histoire, d'excellents documentaires sont disponibles sur ce sujet. Je pense en particulier à ceux de Mehdi Lallaoui et de Yasmina Adi. A l'occasion du 70e anniversaire de ces massacres, il serait évidemment souhaitable que les grandes chaînes publiques diffusent ces documentaires, organisent des débats et consacrent des reportages à cet autre 8 Mai 1945 trop longtemps occulté.


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