Il est de bon ton de dénoncer le désintérêt pour la lecture des jeunes générations ou, plus globalement, des Algériens. Pourtant, certains indices viennent périodiquement égratigner ce jugement définitif. Qu'on pense aux bousculades annuelles au Salon du livre d'Alger ou encore aux groupes de bibliovores qui fleurissent sur la Toile et rassemblent de nombreux jeunes férus de lecture, notamment sur supports numériques. Le succès de la braderie de livres organisée récemment à Alger est encore venu mettre en doute le divorce annoncé entre les Algériens et la lecture. Initiée par l'association caritative Ness El Khir, cette opération baptisée Ness El Kitab a permis de collecter des milliers de livres via une communication efficace sur les réseaux sociaux. Après trois mois de collecte réussie grâce à la générosité de citoyens de tout Alger, les membres de l'association ont installé des étals bien fournis sur la place de la Grande Poste (Alger) durant deux jours. Faisant suite à la célébration de la Journée mondiale du Livre et des droits d'auteur, le 23 avril, cette opération s'est déroulée le week-end des 24 et 25 avril. En collaboration avec l'APC d'Alger-centre, les bénévoles de Ness El Khir ont été renforcés par les bouquinistes permanents de la place de la Grande Poste. Pour l'occasion, ces derniers ont également écoulé gratuitement leurs ouvrages. Résultat : engouement général dès les premières heures de l'opération. De bouche à oreille, la nouvelle a vite fait le tour d'Alger. Au deuxième jour, de nombreux citoyens, sacrifiant la grâce matinée du week-end, arrivent tôt le matin, avant même l'arrivée des bénévoles. De tous âges et de divers profils, ils viennent faire leur moisson de livres tout en profitant d'une sortie en cette journée ensoleillée. Les enfants sont également de sortie, avec des ateliers et animations qui leur sont dédiés. Côté livres, il y en a eu pour tous les goûts, du roman à l'eau de rose au manuel de mécanique en passant par les livres d'histoire et les classiques de la littérature algérienne et mondiale. «C'est une aubaine pour les étudiants qui peuvent s'offrir tous les livres dont ils ont envie. Ils sont friands de romans. C'est un moyen pour eux de travailler leur langue tout en se divertissant. Pour les personnes plus âgées, c'est plutôt le livre religieux et le livre d'histoire qui est demandé», analyse un bouquiniste, lui-même étonné par cette «ruée» sur le livre. «Certains en ont même abusé en prenant des dizaines de livres sans forcément en avoir besoin», ajoute-t-il en nous indiquant du menton une dame qui passait derrière nous en poussant avec peine un carton bourré de livres. Pour pallier cette biblio-boulimie, l'offre a finalement été limitée à un livre gratuit par personne. Malgré cette astuce, les livres continuaient à s'écouler à grande vitesse. A midi, il ne restait presque plus rien sur les étals. Certes, cette journée du livre ne saurait occulter le reste de l'année où le livre n'est pas d'accès facile, mais force est de constater que l'attrait pour la lecture existe bel et bien, pourvu qu'on sache l'éveiller.