Quelques jours après les inondations survenues dans la wilaya de Constantine, les habitants, en particulier ceux de Ali Mendjeli, vivent dans la crainte d'une nouvelle catastrophe comme celle du lundi 24 août qui a fait 4 morts, des centaines de blessés et causé de nombreux dégâts matériels. Témoignages. Mustapha. Cadre à la Société des eaux et de l'assainissement de Constantine (SEACO) Les femmes et les enfants évacués par les vitres du bus Je rentrais du travail dans le bus qui nous menait vers Ali Mendjeli. J'étais avec une collègue de l'agence. En arrivant à l'arrêt dit de Belekhouan, en face de l'aéroport, nous avons remarqué une flaque d'eau importante qui ne cessait de grossir sur la chaussée. Quelques-uns des voyageurs avaient averti le chauffeur qu'il était impossible pour le véhicule de traverser la flaque et qu'il valait mieux attendre. Mais le chauffeur s'est entêté et a poursuivi son chemin. Une fois au milieu de l'eau, le bus s'est arrêté net, incapable d'avancer. A ce moment-là, l'eau a commencé à s'infiltrer par les interstices des portes et le niveau d'eau commencé à augmenter à vue d'œil, créant la panique parmi les voyageurs. Avant même que l'on se rende compte, l'eau est montée jusqu'aux sièges. A ce moment-là, certains ont réagi et commencé à évacuer les enfants et les femmes à travers les vitres pour les sauver. Nous avons utilisé la bordure en béton qui sépare la route, à ce niveau de la double voie, et c'est ce qui nous a sauvés. Soualmia Moustafa. Propriétaire du complexe La Pineraie, à l'entrée de la ville de Ali Mendjeli. Le toit de la salle de sport a été emporté par les vents Nous étions plus de 300 personnes à l'intérieur du complexe, qui comprend une salle des fêtes, un restaurant, une grande salle de sport, et une piscine semi-olympique en cours de la réalisation. Il y avait environ 50 employés et plus d'une centaine de personnes dans la salle des fêtes -c'était une fête de mariage- en plus d'une vingtaine de femmes dans la salle de sport. Tout a commencé vers 15h15, au début de l'orage. L'un des employés m'a appelé en me prévenant qu'il fallait couper l'électricité, car le toit de la salle de sport a été emporté par les vents. Je suis descendu en courant, tout en essayant de rassurer les femmes paniquées. D'un seul coup, un torrent d'eau s'est engouffré dans les lieux, arrivant jusqu'à plus de 2,5 m. Personne ne s'attendait à cela. Cette zone, appelée les 4 Chemins, se trouve dans l'endroit le plus bas et le plus délicat de Ali Mendjeli. En peu de temps, elle s'est transformée en un bassin gigantesque. Les femmes, notamment, ont été prises de panique et se sont mises à crier très fort. J'ai été contraint de les évacuer vers le restaurant et les autres étages, loin du rez-de-chaussée. J'ai déjà saisi des responsables locaux à plusieurs reprises, il y a trois ans de cela. J'ai expliqué qu'à cause des constructions, le chemin d'écoulement de l'eau a été détourné et que les eaux pluviales convergeaient à notre niveau, mais en vain. J'estime l'estimation des dégâts à 5 millions de dinars. J'ai perdu de nombreux équipements neufs, dont la piscine.
Mekki Zebouchi. Président de l'association Ibtissamat el moustakbel pour les handicapés (sourire, avenir pour les handicapés). Aucun responsable local ne nous a contactés ou rendu visite Le jour des intempéries, j'étais devant la porte du siège de l'association, créée il y a environ 5 mois, dans un quartier de l'UV5 à Ali Mendjeli. L'eau s'est infiltrée à l'intérieur, j'avais peur d'y entrer. Alors j'ai fait demi-tour. J'ai cru que c'était la fin du monde et j'ai prié Dieu mille fois pour qu'il nous sauve. C'était catastrophique, on ne pouvait même pas circuler, surtout avec les accès déplorables de cette unité de voisinage. La situation est devenue plus grave à cause des déblais charriés par les pluies, des chantiers ouverts un peu partout et dont les travaux traînent depuis plus d'une année. La chose qui fait mal au cœur, c'est ce mépris envers les personnes handicapées, on n'a pas pensé à réaliser des rampes et des accès pour elles. Mais ce qui est encore plus sidérant, c'est qu'après ces inondations, aucun responsable local ne nous a contactés ou rendu visite pour savoir si l'un des handicapés était touché. Seuls les services de la DAS nous ont appelés pour nous demander de donner un coup de main aux agents de nettoyage de la commune afin de collecter les déchets charriés par les eaux qui ont obstrué les routes ! Cela ne nous a pas empêchés de faire preuve de bonne volonté. J'ai rassemblé sept personnes handicapées et nous avons participé à cette opération de nettoyage. Mais je souligne aussi que depuis l'ouverture de ce siège, il y a environ 5 mois, je n'ai jamais vu les services de nettoyage et d'assainissement sur les lieux. Pourquoi faut-il toujours attendre que les dégâts se produisent pour agir et faire le travail selon les normes ?
Amina. Pharmacienne Les mots ne suffisent pas pour vous décrire la terreur et la panique que j'ai ressenties J'ai été obligée de jeter plusieurs médicaments touchés par les eaux. Les mots ne suffisent pas pour vous décrire la terreur et la panique que j'ai ressenties. Mais je m'estime chanceuse en comparaison de certaines familles sinistrées. Tout le monde était sous le choc, beaucoup regardaient ce qui se passait les bras croisés et ne savaient quoi faire. Les marchands tentaient à tout prix de sauver leurs marchandises. D'autres couraient sans savoir quelle direction prendre, ou plutôt ils couraient vers celle qui leur paraissaient la plus sécurisée. Abdelkrim. Propriétaire d'un restaurant aux Quatre chemins. J'ai perdu environ 100 000 DA C'est incroyable ! J'ai vu les eaux déplacer même les véhicules. J'ai fermé mon restaurant pendant 5 jours afin de réparer les dégâts. J'ai perdu environ 100 000 DA. Les autorités ont réalisé la route sans penser à tracer un accès pour l'oued ? C'est inadmissible !
Rafik. Propriétaire de Ma Cuisine, un magasin d'équipement de cuisine, boulevard de l'ALN, à Ali Mendjeli. Les avaloirs sont bouchés par les déblais et les ordures L'orage était si fort qu'on ne pouvait même pas voir ce qu'il y avait en face. Le brouillard rendait tout flou. C'était la première fois dans ma vie que j'assistais à un tel sinistre. Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas si je devais rester dans le magasin et subir le même sort des victimes des inondations survenues à Bab El Oued, à Alger, ou bien quitter les lieux ? Mais pour aller où ? Tout est allé trop vite, ça a pris un quart d'heure. Tout d'un coup, j'ai découvert que l'eau commençait à s'infiltrer dans le magasin, et son niveau augmentait. Elle s'est stabilisée à quelque 30 centimètres, et il n'y a pas eu beaucoup de dégâts matériels. Il faut dénoncer le manque d'avaloirs. Ceux qui existent déjà sont bouchés par des cailloux, des déblais des chantiers et des ordures. Il y a aussi un manque d'assainissement. On voit les éléments de la Seaco ici seulement quand les ministres viennent en visite. Ils font semblant de travailler. Maintenant, nous vivons dans l'incertitude à Ali Mendjeli. A chaque intempérie, nous nous demandons ce qui va nous arriver.