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L'art de se réinventer
Focus : Initiatives culturelles alternatives
Publié dans El Watan le 12 - 12 - 2015

A côté des institutions officielles, des organismes subventionnés et des événements labellisés, des acteurs culturels tentent de réinventer au quotidien les modes de consommation des productions artistiques. A l'heure où le ministère de la Culture lance des appels à l'investissement du secteur privé et de la société civile dans la culture, penchons-nous sur les voies alternatives déjà existantes.
La baisse drastique du budget du ministère de la Culture devrait entraîner l'émergence du privé. Le sujet est sur toutes les langues parmi les acteurs du domaine. Le ministre lui-même a déclaré que la culture ne devrait pas être le produit de l'Etat mais bien de la société. L'appel est certainement sincère, mais les difficultés restent grandes pour les acteurs privés et les artistes indépendants. Il faut savoir que l'Etat algérien a œuvré, depuis l'indépendance, à organiser, financer et contrôler les activités culturelles. Une mission qu'il ne pourrait plus assumer seul au vu des nouvelles données économiques (cf. Un appel, une amorce, A. F., El Watan Arts et Lettres, 5/12/2015).
Œuvrer hors du cadre officiel demande une bonne dose de débrouille qui s'apparente souvent à une lutte pour la survie. Certains créateurs, ne trouvant pas leur place dans ce cadre, sont obligés de trouver d'autres voies pour produire et se produire. Ces voies existent bel et bien. Et elles ne datent pas d'hier. Au théâtre, par exemple, la première coopérative indépendante a été créée par le grand dramaturge Abdelkader Alloula, qui avait trouvé, en fouillant dans les textes de loi, ce statut de coopérative (sur le modèle des coopératives agricoles) lui permettant de mener ses expériences avant-gardistes hors du cadre contraignant du théâtre public. La coopérative du 1er Mai est née ainsi en 1988, alors que l'Algérie traversait une grave crise économique et politique.
Depuis les années 1980, l'ouverture au secteur privé s'est étendue à la plupart des secteurs d'activité mais l'émergence d'industries culturelles et créatives est restée un vœu pieux, à l'exception peut-être de l'édition qui, pourtant, bénéficie encore du soutien de l'Etat. Loin de parler d'industrie, le secteur culturel reste encore dans sa très grande majorité sous tutelle étatique ou dépendant des subventions publiques.
A la faveur de l'embellie économique et de l'amélioration de la situation sécuritaire, des budgets importants ont été alloués à des infrastructures culturelles et des événements grandioses. En parallèle, des initiatives indépendantes ont aussi émergé, dont certaines ont transformé l'essai en réussite, à l'image des Journées cinématographiques de Béjaïa, qui dépendent en partie des subventions mais tentent de diversifier leurs sources de financement, ou du festival Dimajazz, grand rendez-vous musical de Constantine, initié par des passionnés de jazz en 2003 et récupéré par le ministère (institutionnalisé, selon la nomenclature officielle) depuis 2008. Ces initiatives ont souvent émergé du monde associatif grâce à la convergence (rare) d'acteurs culturels passionnés et volontaires. En l'absence de promoteurs privés, notamment pour la gestion des salles de spectacles, ces initiatives dépendent encore du bon vouloir des institutions qui ne jouent pas toujours le jeu.
En outre, la logique de rente induite par les subventions ne profite pas toujours aux plus compétents, loin s'en faut. Elle participe, en tout cas, à fausser les règles du marché. «Cette politique a presque fini par tuer les initiatives personnelles. Elle a pris en otage la culture en soumettant l'artiste malgré lui à la mainmise étatique sur la culture, ce qui a détruit l'envie naturelle de la création au profit d'un pragmatisme qui n'a pour but que le gain», lançait dernièrement le producteur Yacine Bouaziz dans une lettre ouverte aux autorités culturelles.
Quelles qu'en soient les raisons, la bureaucratie et le manque de transparence n'en sont pas les moindres, le fait est qu'un gouffre s'est creusé entre les créateurs et les institutions censées les accompagner. Cela étant dit, il existe tout de même des artistes et des acteurs culturels indépendants qui font comme ils peuvent, mais qui font quand même dans les conditions actuelles.
«Toute ma carrière est une expérience pilote», a lancé la designer Hania Zazoua (alias Princesse Zazou) dans son intervention au séminaire sur l'artisanat et l'innovation organisé, dimanche dernier, à l'institut Cervantès. Après des études aux Beaux-Arts d'Alger puis à Aix-en-Provence, elle est rentrée en Algérie où, ne trouvant pas de structure pour l'employer, elle a créé en 2004, après de nombreuses tracasseries bureaucratiques, sa propre agence de design.
«Je n'avais pas une âme d'entrepreneur. Mais en tant qu'artiste, on n'a pas d'existence officielle, j'ai donc créé ma boîte pour exister comme agence de design», affirme-t-elle. Malgré la nouveauté du secteur, Zazoua a réussi à trouver une clientèle. Toutefois, la demande ne portait pas sur des créations mais sur des reproductions de modèles.
Frustrée de confiner sa créativité, elle organise des expositions et rencontres culturelles au sein de son agence à Alger. «Ce fut un grand succès, se souvient-elle. Mais sans aucune retombée financière, à part le fait que le propriétaire, constatant ce succès, a souhaité doubler le loyer. Ce qui m'a obligée à déménager.» Loin de se décourager, elle trouve un autre local et une nouvelle formule, plus créative, qui lui permet de s'exprimer artistiquement dans des produits potentiellement rentables. Elle crée ainsi sa ligne de vêtements de mode et de mobilier d'art. Mais cela ne va pas sans d'autres difficultés. Elle doit notamment composer avec les aléas de la collaboration avec les artisans, autre segment des industries créatives en mal d'organisation.
La designer pointe du doigt la défaillance au niveau des droits d'auteur. Certaines couturières qui réalisaient ses modèles estimaient en être les auteures et pensaient avoir le droit de les reproduire à souhait, raconte-t-elle. En l'absence de cadre pour cette collaboration nécessaire pour un designer, Zazoua se résout à réaliser ses œuvres en faisant appel à plusieurs artisans, avant d'assembler le tout pour le produit final. Façon empirique de protéger ses œuvres. «Il faut qu'on arrive à un partenariat gagnant-gagnant où l'artisan met son savoir-faire au service des créateurs». Des efforts sont faits en ce sens, notamment par le réseau des femmes artisanes Res'art.
La coordinatrice, Maya Azeggagh, énumère les nombreuses activités de cette association depuis sa création en 2003, dont des sessions de formation avec des designers dans le cadre des programmes Unesco. «En plus de la formation, on est sur un modèle d'économie équitable permettant à ces femmes de vivre de leur activité et de s'émanciper économiquement. L'enjeu est de regagner la confiance des artisanes devenues méfiantes à force de mauvaises expériences où l'on abuse de leur confiance». Une méfiance générale qu'on retrouve entre plasticiens et galeristes, auteurs et éditeurs, musiciens et producteurs... Une méfiance symptomatique de l'absence de cadre réglementaire clair, de système d'arbitrage et de recours et de références.
Une fois l'œuvre produite, il faut encore trouver des espaces. Là encore, l'offre publique n'est pas optimale. Certes, de nombreux espaces culturels de proximité sont ouverts à travers le territoire national, mais les expositions y sont souvent organisées sans effort de scénographie ou de médiatisation et donc, finalement, sans impact majeur. Ce ne sont pas tant les espaces (au sens physique) qui manquent, mais les «curateurs», ces commissaires d'exposition d'un nouveau genre qui sont à l'affût des nouvelles tendances et accompagnent les artistes de la création à la médiatisation. Il s'agit également de créer des passerelles avec les investisseurs dans une approche qui respecte la démarche artistique des créateurs.
C'est dans cette brèche que s'est engouffrée La Baignoire, espace atypique créé par Samir Toumi à Alger, au sein-même de son entreprise de conseil en ressources humaines. L'écrivain, chef d'entreprise et passionné d'art contemporain, a décidé, en accord avec ses employés, de partager son espace avec de jeunes (ou moins jeunes) créateurs qui expérimentent de nouvelles voies artistiques. Depuis 2014 s'y tiennent des expos de peinture, de photos ou d'installations que l'on peut visiter même durant les heures de travail. «L'entreprise est un monde secret, particulièrement chez-nous, explique Toumi.
Je voulais donc aller vers une ouverture au public et aux artistes». Cette initiative ne s'apparente pas à du sponsoring mais à du mécénat dans la mesure où ni l'entreprise ni l'artiste n'en tirent de profits financiers ou publicitaires directs. Outre les expos d'artistes diplômés des Beaux-Arts, La Baignoire accueille également des artistes au parcours plus atypique qui partagent pour certains leurs travaux sur internet. «Aujourd'hui, facebook est un ministère virtuel de la Culture.
Une culture parallèle qui s'affirme de plus en plus. Il y a une très grande envie de partage chez les jeunes artistes. Il suffit de voir le développement inouï de la photo de rue et des graffitis… Par exemple, le photographe Youcef Krache a exposé ses photos dans les rues d'Alger et pense maintenant à les déposer dans des boîtes aux lettres», confie-t-il. Même si elle ne relève pas d'un modèle économique rentable, l'initiative de Samir Toumi semble donner ses fruits dans le rapprochement des entrepreneurs et des artistes.
Pour preuve, la prochaine expo Picturie générale (la deuxième édition a eu lieu à La Baignoire) devrait avoir lieu dans un hangar désaffecté qu'une entreprise a mis à la disposition des artistes. Une initiative similaire a également vu le jour au 40, rue Didouche Mourad. Ce nouvel espace artistique ouvre ses portes à Alger. Cinq artistes d'Alger et de Annaba ont investi un chantier d'aménagement urbain transformé en atelier sauvage. Le résultat sera visible dès aujourd'hui. Au n° 28 de la même rue, l'école Artissimo abrite également de plus en plus d'expos et d'activités culturelles en tous genres. «Notre vocation est d'être une école, mais on a répondu à la demande d'artistes en manque d'espaces pour s'exprimer, explique Zafira Ouartsi Baba, fondatrice de l'école.
Les événements ont trouvé leur public, même si ce public se recrute dans un certain microcosme algérois. On retrouve les mêmes visages et tout le monde connaît tout le monde». C'est là une des limites de ces initiatives qui ne peuvent toucher le grand public. C'est en cela qu'elles sont alternatives, donc complémentaires au travail des institutions publiques à même de générer un plus grand impact.
On se souvient par exemple du formidable public des premières années du Musée d'art moderne et contemporain d'Alger, grand musée qui a investi l'artère commerciale de la rue Larbi Ben M'hidi. Un engouement populaire qui tend à se perdre faute d'activité fournie mais aussi et surtout suite à la décision, en 2012, d'augmenter le prix d'entrée aux musées. Une initiative censée valoriser la culture par le porte-monnaie qui n'a pas été accompagnée par les autres leviers de cette valorisation, comme la communication et la pédagogie.
Citons, par ailleurs, au chapitre des investissements privés, Bouffées d'Art et l'Espace d'art contemporain, tous deux à El Achour dans la périphérie d'Alger, combinant galerie d'art et espaces de formation et d'animation. En dehors d'Alger, les exemples demeurent rares et on ne peut que citer l'exemplaire Riwaq El Fen de Maghnia, petite ville frontalière qui donne en la matière des leçons aux grandes agglomérations du pays.
En 2005, un collectif d'artistes, avec le soutien de l'APC, y a investi l'église désaffectée pour en faire un espace d'exposition et d'animation à l'agenda honorable. Entre le privé et le public, il y a en effet l'option des collectifs d'artistes. C'est une option largement répandue dans les initiatives alternatives à travers le monde. S'organiser en collectif permet de s'autonomiser vis-à-vis des contraintes présentes dans le public comme dans le privé. Cela permet aux artistes de devenir une force de proposition vis-à-vis des promoteurs et institutions.
Mais pour que cela se fasse, encore faut-il que les artistes se réunissent. La nouvelle génération semble avoir compris cette nécessité. C'est en tout cas l'avis de Mourad Bouzar, professeur à l'Ecole des beaux-arts d'Alger, qui cite l'exemple des étudiants grévistes qui avaient choisi, pour exprimer leurs revendications, de fonder le collectif InfidjArt avec des ateliers, des résidences de création et des artistes de divers horizons invités au sein de l'école. Les initiatives culturelles alternatives ont le mérite de la fraîcheur et de l'impact, mais leur véritable réussite dépend souvent de leur capacité à dépasser l'éphémère.


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