Un programme de préservation et de restauration a été engagé ces dernières années pour valoriser les villages traditionnels de Kabylie. Ces villages qui ont vu naître des personnalités ayant atteint les cimes du monde, de l'histoire, de la littérature et de la politique ne peuvent pas mourir. Ils sont chargés d'un passé et d'un prestige qui ne peuvent pas s'estomper au fil des siècles. Même quand les toitures sont à terre, les parois des pierres restent debout et semblent défier le massif rocheux du Djurdjura. Les battants entrouverts, les portes rustiques des maisons sont encore prêtes à souhaiter la bienvenue aux visiteurs, à commencer par les anciens habitants que les temps durs, la guerre et la misère avaient fait fuir vers des horizons lointains. Quand le mirage de l'industrie sur les terres fertiles de la vallée du Sebaou va retomber, il ne restera plus en Kabylie comme perspective de développement qu'un retour vers les collines et les maisons oubliées. Aujourd'hui, il y a déjà un retour «mécanique» vers les espaces montagneux, sous l'effet repoussoir des villes sursaturées, polluées et infernales. Dans les couloirs de la direction de la culture que l'on soupçonnait de ne fomenter que des cérémonies folkloriques budgétivores, il y a des équipes qui travaillent dans la discrétion pour la préservation du patrimoine culturel et traditionnel de la région. «La sauvegarde du patrimoine s'inscrit à la fois dans la philosophie de conservation intégrée et dans une politique de développement durable, impliquant les reconversions économique, sociale et culturelle», lit-on sur le site web de la direction de la culture de Tizi Ouzou. Celle-ci dispose d'un service «Patrimoine» chapeauté par un archéologue passionné par son travail, M. Hachour. De nombreux dossiers sur le bureau et des données numérisées, des documents écrits et photographiques, qui font réaliser que la région dort sur un patrimoine traditionnel et historique inestimable. Thakhelouith de Lalla Fadhma n'Soumer, les maisons des Ath Kaci, de Abane, de Krim, d'Iguerbouchène, les allées couvertes d'Aït Rehouna, l'abri sous-roche d'Ifri N'Dlal... les sites historiques et archéologiques sont recensés et demeurent, pour la plupart, vierges d'études et d'aménagements. La difficulté rencontrée dans le travail d'inventaire dans la perspective de classement et de préservation est celle de la rareté des fonds documentaires. «Nous avons souvent recours à l'oralité de laquelle on recueille des éléments que l'on superpose avec des événements historiques. Ce travail de documentation inhérent au processus de classement du patrimoine servira plus tard aux travaux de recherches historiques et archéologiques», dit M. Hachour. Si le dispositif de classement paraît rigoureux, il peut être grevé par une lourdeur administrative qui influe sur les délais de prise en charge concrète des sites concernés. Il y a profusion de commissions (de wilaya, nationale, offices et agences) qui interviennent dans la gestion des dossiers. La procédure prend alors de nombreuses années. Les premiers «relevés» au village Aït El Kaïd, aux Ouadhias, ont été effectués en 2006. Le classement est intervenu en 2009 et les études du plan de sauvegarde, lancées en 2012, seraient en phase finale. Une décennie pour entamer les travaux de restauration. Il reste à espérer que les difficultés financières du pays ne remettent pas en cause cette démarche de préservation des sites culturels. Dans ce cas, la mission de sauvegarde et de valorisation du patrimoine traditionnel incombera intégralement aux populations locales qui ont montré, ces dernières années, leurs capacités à prendre en charge efficacement un secteur aussi vital que la protection de l'environnement.