L'Afrique ne se limite pas à une géographie : elle respire, elle chante, elle raconte l'histoire des hommes depuis la nuit des temps. C'est cette énergie brute, faite de chaleur humaine et d'héritages multiples, que Siradj Bouhafs a choisi de mettre au cœur de son exposition actuellement visible à la galerie Ezzou'art, à Alger. L'artiste y dévoile une série d'œuvres où chaque couleur semble prolonger une légende et chaque forme évoque une mémoire ancienne. Bouhafs, peintre confirmé et passionné d'ethnographie visuelle, explore dans ses toiles la profondeur des traditions africaines. Il puise dans les rituels, les coutumes, les expressions populaires et les patrimoines spirituels pour dresser le portrait d'un continent aussi vaste que foisonnant. Ses tableaux ne décrivent pas : ils célèbrent. Ils célèbrent les musiques tribales, les gastronomies métissées, l'artisanat raffiné, mais aussi les paysages qui s'étirent du cœur des forêts aux dunes infinies du Sahara. Les masques, symboles puissants de la culture africaine, reviennent comme leitmotiv. Leurs formes sculpturales occupent l'espace des toiles et deviennent les gardiens de récits invisibles. D'autres œuvres entraînent le visiteur vers le Sud algérien : le Sahara, royaume de silence et de mystères, apparaît sous les pinceaux de Bouhafs comme un univers où le quotidien se transforme en rituel. La scène intimiste de la préparation du thé, par exemple, restitue avec finesse la lenteur maîtrisée et la dimension sacrée de ce geste familier. Dans ces compositions sahariennes, les palettes se réchauffent : ocres profonds, jaunes flamboyants et rouges vifs traduisent la force minérale du désert et la vivacité de la vie qui s'y accroche. L'artiste évoque aussi des traditions emblématiques comme la Sebeiba ou l'imzad, cet instrument monocorde dont il peint une musicienne, saisie dans un moment de grâce simple. La toile invite alors au voyage autant qu'à la contemplation. Derrière cette explosion visuelle se cache un engagement : celui de préserver les souvenirs immatériels, de retenir les voix des ancêtres avant qu'elles ne s'effacent. Bouhafs ancre son œuvre dans cette volonté de transmission. Son style, où l'ancien dialogue avec le contemporain, révèle un besoin urgent de sauvegarder ce qui fonde une identité. Avec cette exposition, le public est convié à traverser un Afrique vivante, vibrante, généreuse, où la mémoire collective sert de boussole et de trésor. L'exposition est visible jusqu'au 4 décembre 2025.