Auteur de nombreux livres sur l'histoire de la région ouest de Mila, Mohammed-Sadak Mokrani met actuellement la dernière main à un nouvel ouvrage qui ambitionne de faire de nouveaux éclairages sur certains pans de l'histoire contemporaine de la région de Ferdjioua. Dans cet entretien, il jette un pavé dans la mare au sujet de la paternité de Ksar El Agha, considéré jusqu'à présent comme un bâtiment de l'époque ottomane. - De tout temps, on a considéré Ksar El Agha de Ferdjioua comme un monument de l'époque turque. Or, cela est remis en cause dans votre livre... L'attribution du palais aux Ottomans est suggérée par le nom que porte la bâtisse. Mais la recherche prouve que le bâtiment est français, malgré le style architectural inspiré de l'art islamique qui est le sien. Le palais ottoman édifié en 1834, sous le règne d'Ahmed Bey, est localisé à Hammam Ouled Achour, pas loin de Ferdjioua. Il a été érigé par Bouaâkaz, le gouverneur de Ferdjioua à l'époque turque. - Et que dit la recherche au sujet de Ksar El Agha ? Les documents disponibles prouvent que la construction du ksar a été entamée en 1875, soit près de quarante ans après la chute de Constantine, en 1837, et la dislocation de l'autorité ottomane, sur un terrain appartenant aux Bouaâkaz. Dès 1881, il servit de siège pour la commune mixte de Fedj M'zala. Les archives prouvent aussi que la construction des jardins du palais et du parvis remonte à l'année 1909. Le premier étage n'a été élevé qu'en 1930. Cela n'a rien d'ottoman, excepté le nom qui lui est attribué et qui serait le résultat d'un amalgame populaire. - Mis à part la paternité du ksar, quelles autres questions évoquez-vous dans votre nouvel ouvrage ? La Prison rouge de Ferdjioua, très peu connue en dehors de la région, et les personnalités historiques, comme les frères Mentouri, sont mises sous les feux de la rampe. Pour la reconstitution de l'histoire de la Prison rouge, j'ai exploité des archives à Aix-en-Provence. Mon exposé sera également étoffé de témoignages inédits d'anciens militaires français qui ont fait campagne dans la région. Le lecteur découvrira dans des témoignages de Bernard Dravet, un ex-officier français, l'horreur des exécutions sommaires perpétrées contre les détenus de la Prison rouge. J'évoquerai la mort d'Ahmed-Cherif Mentouri, dit Si Mahmoud, qui n'est autre que le frère de Bachir et Mohammed-Salah Mentouri. Le concerné, qui a rejoint le maquis le 9 mai 1956, après des études supérieures à Lyon, avait été exécuté en Tunisie par des responsables de la Révolution en compagnie de Abbas Laghrour. Des chapitres entiers seront consacrés également à des figures méconnues de la Guerre de Libération, à l'image des martyrs Saïd Zerara, un grand chef militaire oublié, Cherif Bouyoucef, un compagnon de Ferhat Abbas, et Hirache Abdelhamid, membre de la Société des oulémas, entre autres. Le livre comporte également une liste nominative des martyrs des événements du 8 Mai 1945 à Ferdjioua et une autre des personnes ayant séjourné à la Prison rouge.