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«Quelque chose qui a beaucoup de sens»
Ahmed Benyahia. Sculpteur et artiste-peintre
Publié dans El Watan le 07 - 05 - 2016


Que représente pour vous cette exposition ?
Exposer pour la première fois en Algérie et, en même temps, à Constantine, c'est quelque chose qui a beaucoup de sens. Je suis très attaché à cette ville millénaire, authentique, qui a un caractère, une histoire incroyable, une culture et une identité. J'ai grandi dans un quartier mythique, Arbaïn Charif, où le cultuel côtoie le culturel. Un quartier patriotique aussi. Constantine résume quelque peu toute l'Algérie. J'ai étudié à l'école municipale des Beaux-arts de Constantine de 1956 à 1962.
Après l'indépendance, j'ai été chargé d'ouvrir cette école. Deux ans après, je suis allé à Alger. Je figure parmi les premières promotions des Beaux-arts de l'Algérie indépendante. J'ai eu comme maître M'hamed Issiakhem. Les choses se sont compliquées ensuite, après le coup d'Etat militaire du 19 juin 1965. J'étais parmi ceux qui avaient refusé ce coup de force puisque, pour moi, la démocratie et la liberté sont fondamentales.
Et que s'est-il passé ?
J'ai eu beaucoup d'ennuis, surtout à partir de 1966. J'ai été enlevé, séquestré et torturé après une manifestation. Je garde les séquelles des sévices subis. Je suis parti ensuite à Paris pour des soins. Je suis rentré à l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris. Il y a eu l'avènement de Mai 1968 qui m'a empêché de présenter mon diplôme. Mais, j'ai beaucoup contribué à cet événement. L'école des Beaux-arts était le lieu où l'on faisait les affiches des manifestations. Après, j'ai travaillé avec César, grand maître de la sculpture.
Il faut peut-être rappeler que César est celui qui a conçu les trophées du cinéma français…
Justement ! Nous étions les nègres de César pour leur conception en 1973. Nous avons travaillé dans son atelier. Je peux donc revendiquer un petit centimètre cube de ces trophées, présentées la première fois en 1975. La présence aux côtés de César m'a permis de rencontrer d'autres artistes, des hommes politiques, des poètes… Cela a été le fondement de mon travail.
Qu'en est-il du projet du Mémorial d'Alger ?
En 1971, Defferre, maire de Marseille, a demandé à César de concevoir une œuvre en hommage aux Français partis d'Algérie. C'est cette hélice de bateau, toujours présente sur la corniche de la ville. J'ai dit à César : «Cher maître, je vous ferai la réplique pacifique et artistique de l'autre côté de la Méditerranée».
Je suis rentré à Alger et suis allé voir le Secrétaire d'Etat au Plan, Kamel Amar-Khodja. Il m'a mis en contact avec le ministre du Tourisme parce que je voulais faire cette réplique à Sidi Fredj, là où avait débarqué l'armée coloniale. J'ai réfléchi alors à l'Etoile nord-africaine (Ndlr : premier parti nationaliste fondé à Paris en 1926) et à la Déclaration de Tanger sur le Maghreb (1958). Malheureusement, je n'ai pas pu réaliser ce projet. Comme je n'ai pas pu concrétiser celui d'une sculpture à Mexico en hommage à l'Emir Abdelkader. Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus produire dans mon pays. J'ai décidé alors d'arrêter complètement le travail artistique. Un arrêt qui a duré 26 ans ! C'était en 1981-1982.
Vous avez pourtant fait la statue de Zighout Youcef…
En 1968, on avait raté une statue de l'Emir Abdelkader. J'ai pris l'initiative alors de concevoir la statue de Zighout Youcef grâce au soutien de la commune qui porte son nom. On m'a donné les moyens. J'ai tiré une partie du bronze des ailes du Coq gaulois qui trônait place de la Brèche à Constantine. Mais, à ce jour, on a refusé de mettre la statue en place publique ! J'ai posé le problème au président Boumediene.
Il m'a dit : «La France a laissé des pièges en Algérie, le régionalisme et le tribalisme». Je lui ai alors parlé du projet d'un Village de la culture et de l'identité de la Nation à Sidi Fredj, ouvert sur la Méditerranée, sur l'autre, avec des ateliers de résidence pour les poètes, écrivains, artistes et maîtres-artisans du monde entier.
Un projet inspiré de la villa Médicis de Rome, de la Casa Velázquez de Madrid et de la villa Abdellatif à Alger. Il n'a malheureusement pas abouti à cause du début du conflit au Sahara occidental...
Et vous voilà, des années plus tard, avec cette exposition.
J'ai repris en 2008 grâce à des amis comme Rachid Boudjedra et Abdelmadjid Merdaci et sa famille. Je me suis mis à peindre en m'inspirant de la miniature en mettant en surface les émotions emmagasinées dans ma ville, Constantine. Ensuite, j'ai travaillé sur l'immigration, influencé par mon amitié avec Kateb Yacine.
Il avait monté à Paris la pièce Mohamed prends ta valise. J'ai fait une peinture grand format inspirée de cette œuvre. Je voudrais rendre hommage ici à la commissaire de l'exposition, Malika Bouabdallah Dorbani, ancienne conservatrice du Musée des Beaux-arts d'Alger qui a travaillé ensuite au Louvre. Elle voulait une exposition aérée. Il ne fallait donc pas tout montrer. Elle a pris des toiles représentant chaque période de ma vie artistique.
Vous rendez hommage au Musée de Baghdad pillé après l'invasion de l'Irak...
Ce pillage était le summum de la tragédie qui a frappé le grand peuple irakien. L'image de la conservatrice du musée en pleurs est gravée dans ma tête. Cela m'a profondément blessé. Je me suis senti détruit. D'où la peinture faite de noir et de braises qui vont ramener la vie. J'ai rendu hommage aussi au jeune tunisien Mohamed Bouazizi. Comme tous les peuples, les peuples arabes aspirent à plus de liberté et de respect. La chute du Mur de Berlin en 1989 a provoqué une belle contagion, celle de la liberté et de la démocratie.
Dans plusieurs œuvres, vos années de prison sont très présentes...
J'ai souffert dans ma chair. J'avais les yeux bandés. J'avais développé la mémoire de l'ouïe. J'ai rencontré en 1968 à Paris l'un des policiers qui m'avaient arrêté. Il m'a dit : «Je vous demande pardon. J'ai quitté le pays pour ne plus continuer à faire souffrir les gens». Je lui ai répondu : «Je ne regrette pas d'avoir subi cette souffrance, car elle m'a donné une leçon. Mais je ne la souhaite pas à mon pire ennemi»…
Il y a aussi une installation sur les peines capitales à l'époque coloniale...
J'évoque les 220 exécutions à la guillotine par l'armée coloniale française. Je suis peiné par les atteintes répétées aux héros de la guerre de Libération nationale par des «choses» qu'ils appellent sculpture. C'est un problème d'inculture et de méconnaissance de l'art qui fait que n'importe qui dit qu'il est sculpteur.
Le sculpteur est celui qui a le sens de la sphère, le peintre le sens du cercle. En Algérie, nous n'avons pas les métiers complémentaires de la sculpture, mouleurs, fondeurs, ciseleurs, patineurs... Je voulais faire une sculpture en hommage à Saïd Mekbel à partir de Mesmar Djeha, sa chronique dans Le Matin. Donc, je sculpte l'idée, le sens. Sculpter Aït Ahmed ou Amirouche, c'est représenter le sens de leur combat libérateur, pas de reprendre la surface et les apparences.
Vous sentez-vous toujours marginalisé ?
Oui. Jusqu'à présent, la télévision publique a ignoré cette exposition. Je n'ai été reçu que dans La République des Arts de Thouriya Ayad à la Chaîne 3 de la radio nationale. Le journaliste Nouri Nesrouche a écrit un grand papier dans El Watan. Sinon, rien d'autre. Mais les réseaux sociaux ont fonctionné et le public a marqué sa présence, souvent en famille.
En moins d'un mois, nous avons reçu presque 20 000 visiteurs. Je salue le professionnalisme de Mohamed Djehiche, directeur du MaMa, qui m'a permis d'exposer. J'aurais pu exposer il y a quinze ans. J'étais alors en bonne santé. J'invite donc Khalida Toumi et Zohra Drif à venir à l'exposition. Et je les invite chez moi. Un artiste ne garde jamais de mauvais sentiments.
Cette exposition apparaît comme une réhabilitation pour vous...
Sans «Constantine, capitale de la culture arabe», je crois que je n'aurais jamais exposé dans mon pays !


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