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«Le réalisme n'exclut pas l'imaginaire»
Mohamed Sari . Ecrivain et traducteur
Publié dans El Watan le 21 - 05 - 2016

Vous venez de sortir Pluies d'or. Le roman était pourtant déjà prêt en 2013. Pourquoi avoir attendu trois ans ?
Ce roman traîne avec moi depuis 1993. Au début, c'était une série de chroniques pour le journal régional Le Pays. J'étais alors enseignant à l'université de Tizi Ouzou. J'avais proposé deux nouvelles et le rédacteur en chef, Saïd Tazrout, qui sera assassiné par les terroristes, m'avait proposé une chronique hebdomadaire. Il s'agissait de chroniques de la vie sociale écrites pendant une année et demie.
Certaines ont été transformées en nouvelles (Le naufrage) et d'autres ont été intégrées à ce roman. Pluies d'or était quasiment prêt en 2001. Cette première version était moins volumineuse. Je l'ai retravaillée et la version finale était fin prête en 2013. Je l'avais donnée à une maison d'édition qui l'a appréciée mais ne l'a finalement pas publiée. Peut-être que le sujet du terrorisme islamiste est trop sensible... Par la suite, j'ai confié le manuscrit aux éditions Chihab. On a enlevé tout ce qui l'alourdissait et relevait du discours politique direct. J'ai conservé les dialogues, les descriptions narratives et j'ai retravaillé l'intrigue et l'agencement des chapitres…
De 1993 à 2016, la façon d'aborder le terrorisme a dû bien changer. Dans quel sens ?
Les chroniques ont été écrites à chaud pour témoigner et prendre position contre la violence et l'extrémisme.
Aujourd'hui, c'est d'abord un projet esthétique. Il s'agit d'écrire un roman. Le discours politique qui pouvait faire l'effet d'une prise de position audacieuse à l'époque est aujourd'hui commun. Le temps nous donne du recul et le discours acquiert aussi une certaine poéticité. On n'est plus dans l'urgence du témoignage. Les lecteurs doivent prendre un certain plaisir à lire un roman.
A travers le roman vous menez aussi une recherche des sources de la violence. Et vous invoquez des éléments de l'histoire du Maghreb, comme la figure d'Ibn Toumert…
Il ne faut pas croire que la violence est seulement politique et sociale. Il y a aussi une violence anthropologique transmise de génération en génération. Si l'on prend l'histoire du Maghreb, la violence sous couvert religieux est omniprésente. Ibn Toumert s'est soulevé contre les mourabitine au nom de la religion et s'est même intronisé Mahdi de la résurrection. Dans le roman, je raconte une scène où il fait croire aux Berbères que les morts se sont mis à parler.
Ce miracle, qui est une supercherie, est rapporté par plusieurs historiens, tels qu'Ibn Khaldoun et Abderrahmane Djilali. J'ai trouvé une grande similitude entre le parcours d'Ibn Toumert et celui des extrémistes des années 1980 en Algérie. Revenu du Moyen-Orient, il brandissait la charia pour interdire la musique, la mixité, les chants…
Et il intervenait avec violence. L'apogée de ce parcours politico-mystique a été le moment où il prétend être le Mahdi (Sauveur annonçant la fin des temps) pour aller encercler Ibn Tachfin à Marrakech. Les islamistes des années 1980 ont aussi brandi le Coran pour interdire toute forme de musique, d'art ou de manifestation de joie.
Et cela a mené au stade du 5 Juillet où Dieu leur aurait envoyé un miracle avec le nom d'Allah écrit au laser. L'histoire se répète et j'ai voulu mettre cela en avant. Nous avons tendance à occulter la violence dans notre histoire. Il y avait initialement dans Pluie d'or tout un chapitre sur les assassinats des khalifes. On ne raconte pas assez ces épisodes qui démontrent que la quête du pouvoir est passée par un usage machiavélique et même une déformation de la religion.
Vous écrivez dans deux langues. Vous considérez-vous comme écrivain arabophone ou francophone ?
Pour moi, ce genre de clivage est dépassé. J'écrivais en français au départ, ensuite je me suis arabisé, j'ai écrit en arabe tout en continuant à beaucoup lire en français, j'ai traduit… Il m'arrive de commencer un texte dans une langue puis de le traduire et de le poursuivre dans une autre. Un roman s'écrit sur plusieurs mois, voire des années… Au final j'ai souvent deux versions de mes romans. Je suis et un écrivain de langue française et un écrivain de langue arabe.
Dans Pluie d'or, beaucoup d'expressions de notre parler transparaissent dans les dialogues. Est-ce un besoin d'algérianiser le français ?
Le problème ne se pose pas en ces termes. Dans ce roman, je devais écrire des dialogues de femmes. Alors pour imaginer la situation, je m'inspire souvent de personnes que je connais, des femmes de ma famille, etc. Je ne peux pas imaginer une femme algérienne analphabète parlant en français ou en arabe littéraire. Je suis donc amené à transcrire du dialectal. Je trouve que notre parler contient des expressions poétiques extraordinaires. Je fais un acte de traduction vers le français ou l'arabe.
Et je ne suis pas le seul à le faire. En traduisant les écrivains algériens, j'ai trouvé que beaucoup d'entre eux font de même. Dans mes écrits, je reste à l'écoute de ce qui se passe autour de moi. Je me considère comme écrivain réaliste au sens plein du terme. Je transmets un espace et des événements, mais aussi une langue, des idées et une vision du monde. Quand une femme dit : «Je les ai vus de ces yeux que dévoreront les vers» ou encore «La souffrance que j'ai vécue, je la raconterai à ma tombe»… Tout cela enrichit l'écriture et exprime une vision du monde. Cette vision, on ne peut pas la traduire mais seulement la transcrire.
Vous revendiquez l'étiquette «d'écrivain réaliste». Pourtant vos romans sont nourris de poésie et d'imaginaire. C'est quoi finalement un écrivain réaliste ?
Pour moi, être écrivain réaliste, c'est de ne pas se contenter de parler de soi-même. Aujourd'hui, la tendance est à l'autofiction. L'écrivain parle seulement de lui-même, de ses expériences, de ses rêves, de son imaginaire. Il exprime une vision très partielle de la société. L'écrivain réaliste est celui qui dépasse son ego pour raconter le groupe social où il vit. On doit parler aux gens, sortir de soi et s'intéresser aux autres pour exprimer une vision réaliste. Le réalisme n'exclut absolument pas la poéticité et l'imaginaire.
D'ailleurs la narration dans Pluie d'or n'est pas du tout linéaire. Pourquoi ce choix ?
Comment raconter une histoire qui va sur cinquante ans sans tomber dans le feuilleton ou la saga familiale ? Je ne voulais pas me perdre en détails qui m'auraient éloigné de mon projet. Au début, le lecteur peut avoir des difficultés à se retrouver. Mais on comprend petit à petit qu'on raconte l'histoire du jeune El Mahdi mais aussi celle de ses parents. Je ne voulais pas passer par l'intrigue traditionnelle. C'est un besoin très concret de ne raconter que l'essentiel. Je n'ai pas envie d'écrire «cinq ans plus tard… Dix ans avant». Je place des indices qui permettent au lecteur de situer le temps et l'espace.
Des projets en vue ?
J'ai un texte finalisé (en français) qui est un récit de mon enfance durant les deux dernières années de la guerre de Libération. Je raconte comment ma famille a été chassée de notre village (Aïzer au sud de Cherchell), le quotidien dans les camps de la SAS puis l'indépendance.
En arabe je prépare la suite du roman El waram (Le Labyrinthe en version française) où je raconte comment le terrorisme s'est déplacé des villages vers les montagnes. On n'a pas assez parlé du terrorisme. Certains vous disent que c'est du passé. Mais on n'oublie rien. Il faut en parler. Je ne suis pas dans le pamphlet, j'essaie d'analyser et de comprendre. On m'a d'ailleurs reproché d'humaniser le terroriste, de justifier le crime. Non. J'essaie de comprendre pourquoi une personne sensée se transforme en un meurtrier et tue d'autres musulmans au nom de l'islam.
Que peut la littérature pour combattre le terrorisme ?
Comment parler du terrorisme pour tirer des leçons de notre histoire ? En Europe par exemple, un long travail a été fait pour comprendre comment les mouvements fascistes ont pris le pouvoir par les urnes et il y a consensus pour combattre les idées racistes. Il nous reste à identifier le danger. Il serait insensé de dire que la violence vient de l'islam et accuser ainsi trois milliards de personnes. Il y a des paramètres sociaux, politiques, anthropologiques et même psychologiques... Je me documente beaucoup pour essayer d'avoir une vision objective. En tant que romanciers, nous avons la possibilité de susciter des émotions chez les lecteurs. A partir de là, on voit que le texte littéraire a une i75nfluence que n'a pas le discours du sociologue, de l'historien ou du politicien.


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