La mercuriale est clémente. Les produits agricoles sont disponibles en quantités suffisantes et les prix restent abordables. Mais cette situation ne fait pas que des heureux. Au marché de gros des Eucalyptus, qui alimente une dizaine de wilayas du Centre, les grossistes comme les détaillants sont satisfaits. «Les cardes sont vendues entre 20 et 25 DA, le fenouil et le chou-fleur de 20 à 30 DA. Le piment est cédé entre 35 et 40 DA, la pomme de terre est vendue au détail 40 à 45 DA. Il y a, cette année, une importante offre. Nous constatons une surabondance de produits de saison et d'arrière-saison comme la tomate, qui est vendue ici entre 10 et 15 DA», détaille Mohamed Medjeber, président de l'Association des mandataires du marché de gros des Eucalyptus (voir entretien). Malgré la sécheresse, la production agricole, ces derniers mois, est appréciable. Si les consommateurs se réjouissent de cette situation, nous expliquent les mandataires que nous avons rencontrés, due aux «efforts déployés par les agriculteurs», les professionnels du secteur se plaignent de pertes importantes. Surtout pour un produit : la tomate. L'année dernière, 11,6 millions de tonnes ont été produits, selon des chiffres du ministère de l'Agriculture. Cette année, la production, nous assure-t-on, est plus importante. Et les pertes aussi. «La tomate est invendable. La production a doublé par rapport à l'année dernière. Il y a actuellement une surproduction. Ce constat est valable depuis au moins deux mois. La tomate vendue actuellement est cultivée en plein champ. La situation actuelle va cesser en attendant l'arrivée sur le marché de la production sous serre», précise Farid Touami, mandataire au marché de gros d'Attatba (Tipasa). A Aïn Témouchent, par exemple, des agriculteurs ont dû jeter leur production. «Sur un hectare, les agriculteurs produisent jusqu'à 600 quintaux. Pour cela, il faut engager, pour les différents frais (main-d'œuvre, entre autres) 150 à 200 millions de dinars. A raison de 10 à 15 DA le kilo, le calcul est vite fait : il y a des pertes énormes pour les producteurs», s'indigne le mandataire. Tout en se réjouissant de l'offre suffisante qui «stabilise» les prix, El Hadj Tahar Boulenouar, président de l'Association nationale des commerçants et artisans algériens (ANCAA), regrette l'absence d'un plan national de production. Il n'y a pas de plan national de production engagé par les différentes autorités (ministère, chambres d'agriculture). À quand un plan national de production ? Les agriculteurs sont abandonnés à eux-mêmes et les prix sont instables. «La tomate, qui est vendue à un prix insignifiant cette saison, dissuadera les agriculteurs de la cultiver, d'où le risque d'une hausse la saison prochaine. Il faudra s'attendre à des prix frôlant les 100 DA», soutient M. Boulenouar, qui évoque la situation qui a touché la pomme de terre. Les mesures engagées par les autorités (système de régulation, unités de transformation) ne sont ni suffisantes ni satisfaisantes. «Les unités de transformation ne prennent pas la production. Au Centre, il y en a une seule qui envoie ses rabatteurs pour prendre la production à des prix insignifiants (5 DA/kg). Mais il faut savoir que les unités travaillent par produit et donc ne prennent pas toute cette production qui pourrait, par ailleurs, être exportée», s'indigne M. Touami.