Un documentaire sur les catholiques d'Algérie a été récemment diffusé sur la chaîne chrétienne KTO. Comme le titre l'indique, Chrétiens d'Algérie, sur les chemins de la rencontre tente de nouer un pont. Son réalisateur, Jean Dulon, nous en parle. - Vous dressez un portrait original de l'Eglise d'Algérie. Pourquoi ? J'ai voulu montrer une image diverse, telle qu'elle est. C'est vrai qu'à partir du moment où on montrerait des Français, il y a l'imaginaire qui joue. Lorsque c'est un Africain qui vient du Burkina, ou des sœurs de Madagascar, ou d'autres d'Espagne, une relation nouvelle s'établit. On ne passe plus par le prisme français, qui peut réveiller des blessures, des incompréhensions. Même si les gens qui sont en Algérie sont de nationalité algérienne, comme le nouvel archevêque Paul Desfarges, ou les deux prêtres qui vivent insérés dans une cité populaire. - Comment avez-vous procédé pour ce film, quelle a été la genèse de votre intention ? Je voulais faire un film sur l'Algérie, pays où je suis né et que j'ai quitté à l'âge de 7 ans. Je me suis rendu plusieurs fois depuis, en 1967, puis en 1981, et d'autres fois encore par la suite. A Alger, j'ai établi des liens d'amitié. Je suis ému par l'Algérie et je voulais faire quelque chose. Les gens que je présente dans le film sont des personnes humbles, d'une grande simplicité. Je ne suis pas moi-même investi dans la religion, mais le parcours humain m'a intéressé. Je les ai suivis, ils m'ont ouvert leurs portes. J'étais aussi extrêmement heureux de rencontrer Mariem Hamidat, de la société HKE, qui est la coproductrice algérienne. Elle m'a aidé à donner la couleur algérienne au film. L'opérateur vidéo était algérien. Le hasard avait fait que mon opérateur habituel, qui m'accompagne généralement, était indisponible pour une raison de visa. Cela a créé une belle occasion. Toute l'équipe était algérienne. J'étais le seul Français. C'était super, parce que cela me disciplinait dans mon abord au sujet. Il était important pour moi de faire un film qui pourrait être vu par tous. Mon monteur est québécois, donc pas français, cela a ouvert un peu plus le regard. - Le film a la caractéristique d'être très positif, ce qui est une qualité, mais ne parle pas des religieux assassinés pendant la décennie noire, ni du prosélytisme des évangélistes protestants. C'est un choix ? J'ai fait un film sur l'Eglise catholique seulement, sans rentrer dans le délire des évangélistes. D'abord parce que je n'en ai pas rencontrés et parce que je ne suis pas à l'aise là-dedans. Moi, je voulais filmer caméra ouverte. Je pense que si on avait abordé cette question, on aurait éveillé des tensions et c'est exactement à l'inverse de ce que je voulais faire. Pas du tout par soumission mais car, profondément, j'ai envie qu'on puisse se parler. Il y a une sœur dans le film, Lourdès, dont deux des sœurs ont été abattues dans la rue devant elle, en 1994. Elle me l'a raconté lors des repérages. Je sais qu'elle a souffert et surmonté sa douleur. Lorsqu'on a tourné, elle n'en a pas parlé, elle est avec les enfants à Bab El Oued, qu'elle aide pour remonter leur niveau, elle est aussi à l'hôpital Maillot… Je n'ai rien gommé. L'histoire est là, on le sait. C'est aussi le cas à Tizi Ouzou, chez les Pères blancs, où quatre prêtres ont été tués à la fin 1994, à Oran la même chose, avec la mort de l'évêque Pierre Claverie en 1996. - Pour vous, c'est une façon d'apaiser et de revenir sur ce que les religieux disent être une présence gratuite. C'est bien cela ? Ce qu'il faut montrer c'est que l'autre n'est pas différent, qu'on est tous les mêmes. Que certains soient musulmans et d'autres chrétiens, ok, c'est très bien, mais, le principal c'est de se voir, d'échanger et de faire ensemble.