Le représentant permanent de l'Algérie à l'ONU Abdellah Baâli avait bien résumé l'état d'esprit dans lequel se trouve le royaume du Maroc à la suite de la présentation par ce pays, par le truchement de son représentant aux Nations unies, du mémorandum sur le Sahara-Occidental accusant l'Algérie de soutenir, de financer et d'armer le Front Polisario. « Le discours marocain relève de l'hystérie et de l'ordre de la psychanalyse », avait commenté le diplomate algérien. Ce diagnostic a été amplement confirmé lors de la table ronde organisée ce vendredi dans la soirée par la chaîne de télévision marocaine 2 M, à laquelle étaient conviés des représentants de partis, des journalistes, des universitaires, un transfuge du Polisario, ancien membre du bureau politique du mouvement de libération sahraoui qui a retourné la veste, le porte-parole des tribus sahraouies (!!!) en Europe qui est intervenu en duplex à partir de Paris. On aura tout entendu au cours de cette émission à sens unique où le débat contradictoire et démocratique avait lamentablement déserté le plateau. Il n'y a pas eu la moindre voix discordante dans les interventions des différents invités, lesquels étaient triés sur le volet (voir l'article de Bouziane Ben Achour). Par des raccourcis qui avaient peine à convaincre même leurs auteurs qui se trouvaient sur le plateau non pas en tant qu'analystes et observateurs politiques, mais en mission commandée, l'Algérie, ou pour être plus précis « certains dirigeants algériens », nous dit-on, pour montrer qu'il n' y a pas un consensus national autour de la question du Sahara-Occidental, sont accusés de tous les maux. De contrarier le destin des peuples marocain et algérien et leur marche dans la voie de la fraternité forgée à travers une histoire commune, de bloquer la construction du Maghreb et de retarder l'unité africaine en créant la division au sein du continent. Le tout est déclamé sur un ton grave, solennel avec à la clé un appel à la mobilisation nationale autour de la cause sacrée de la défense de l'intégrité territoriale du Maroc. Les nouveaux équipements militaires acquis par l'Algérie dans le cadre de la modernisation et de la professionnalisation de son armée ne semblent pas avoir laissé indifférents nos voisins marocains. Un journaliste présent à la table ronde s'en est fait largement l'écho en tirant la sonnette d'alarme sur les conséquences de ce bouleversement du rapport de forces militaires dans la région en faveur de l'Algérie en cas de conflit armé ou, le cas échéant, dans les négociations politiques autour du règlement de l'affaire du Sahara-Occidental. La bataille de l'opinion Depuis l'escalade dans le discours anti-algérien orchestrée par les autorités marocaines à travers les canaux de la société politique et de la société civile, c'est la première fois qu'un tel débat est organisé dans un média lourd marocain. L'objectif recherché est clair : il s'agit de maintenir l'opinion marocaine en éveil et de créer une union sacrée autour de la marocanité du Sahara-Occidental dans ces moments de doute et d'incertitude en agitant le spectre de velléités belliqueuses de la part de l'Algérie. Le message est aussi destiné à l'opinion internationale et, dans la foulée, à l'opinion algérienne qui capte également les chaînes satellitaires marocaines. Lorsque l'on matraque à longueur d'émissions de grande écoute comme celle de ce vendredi qui a été certainement très suivie en Algérie que c'est notre pays qui bloque le processus d'édification du Maghreb, que c'est encore notre pays qui refuse « la main tendue » des autorités marocaines qui ont consenti à supprimer le visa pour faciliter la circulation des personnes, que c'est l'Algérie qui nourrit des velléités guerrières à l'encontre du Maroc et qui va chercher très loin en Afrique du Sud ses alliances, alors que le Maroc est un allié naturel et proche géographiquement et humainement de l'Algérie de par leur histoire commune, un tel discours peut laisser des traces au sein de l'opinion algérienne, dans les esprits peu ou pas avisés. Face à cette propagande qui est montée crescendo et qui est le signe, tout le monde l'aura compris, d'une panique généralisée provoquée par l'impasse dans laquelle se trouve la position marocaine sur la Sahara-Occidental au niveau des instances onusiennes et de la communauté internationale ; en Algérie, on affiche une sérénité à toute épreuve. C'est rassurant et inquiétant à la fois. Rassurant, car cela peut signifier que l'Algérie n'a pas besoin de recourir à l'arme de la propagande et de la gesticulation politicienne pour défendre ses positions et les faire partager par la communauté internationale. Inquiétant, car la bataille de l'opinion nationale et internationale est également importante pour porter ce combat de toujours de l'Algérie aux côtés des mouvements de libération. Le risque de l'absence de débat public autour de cette question qui est devenue depuis plusieurs années l'affaire des seuls politiques est grand en effet de voir progressivement s'installer le doute dans les esprits au niveau d'une partie de l'opinion algérienne quant à la justesse de la position algérienne peu préparée politiquement pour faire face à la machine de propagande marocaine qui s'est intensifiée ces derniers temps via les médias.
