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Abdelhak Lamiri (Professeur d'économie et chercheur)
« Nous avons besoin d'une institution unique qui mobilise les meilleurs intelligences »
Publié dans El Watan le 12 - 03 - 2007

Interrogé en marge des assises sur la stratégie industrielle, le professeur d'économie Abdelhak Lamiri, également chercheur et consultant international en management, a bien voulu répondre aux questions relatives au devenir de l'économie algérienne que nous lui avons posées. Ph.D (doctorat d'Etat) de l'université Claremont de Californie, il s'est distingué par ses analyses prospectives quelquefois dérangeantes mais qui se sont toujours avérées justes. Il a été, on s'en souvient, très critique à l'égard du plan de relance qu'il avait jugé déséquilibré et excessivement budgétivore eu égard à la faible croissance qui en a résulté. Il est intéressant de connaître les pronostics concernant le programme de soutien à la croissance, mais aussi et surtout ceux relatifs à la nouvelle stratégie industrielle, qu'il nous a livrés à l'occasion de cette interview.
Quelle lecture faites-vous des bons chiffres de la croissance et l'emploi que les pouvoirs publics attribuent aux plans multiformes de développement mis en œuvre par l'Etat ?
Mon avis est que la plupart de nos analystes économiques ont fait une lecture plutôt erronée de la situation économique qui prévaut en Algérie. On jubile à cause de la croissance économique qui fluctue entre 4 et 6 % ces dernières années. Le taux de chômage serait descendu à moins de 13%. Or la reprise de la croissance est un phénomène mondial et les statistiques internationales indiquent que l'Algérie se situe au dessous de la moyenne mondiale, voire même, au dessous de la moyenne africaine (Supérieure à 5%). La Tunisie et l' Egypte qui n'ont pas engagé de plans de relance ont obtenu des taux de croissances supérieurs aux nôtres. Nous avons une culture d'analyse économique qui occulte les inputs (les coûts) et nous empêche de saisir la croissance à sa juste valeur. La réalité est que l'Etat algérien a injecté plus de 15% du PIB dans l'économie, pour obtenir une croissance trois fois moindre que celle qu'on aurait dû atteindre. Le théorème d'Haavelmo (prix Nobel d'économie) montre que lorsqu'une économie finance une croissance des dépenses publiques par des taxes sur l'activité économique le multiplicateur serait égal à 1. Nous avons financé une croissance extensive par la rente pétrolière et nous avons obtenu en définitive un effet réducteur de croissance plutôt qu'un facteur multiplicateur. Le président de la république avait donc raison de dire que dans notre pays il n'y a pas d'économie en dehors de l'énergie. Mais nos analystes nous donnent l'impression d'être contents d'obtenir d'aussi maigres résultats avec des dépenses pharaoniques. Lorsque l'injection de ressources cessera, l'économie retournera à la crise. Le chômage grimpera à son niveau structurel. La seule bonne nouvelle concerne le paiement de la dette par anticipation. Puisque l'économie hors hydrocarbure demeure fondamentalement destructrice de richesses, mieux vaut se désendetter que de dilapider ces ressources. L'économie est entrain de se comporter exactement comme nous l'avons prévu.
La relance est en grande partie portée par les importations, y compris la main-d'œuvre. La croissance aurait de ce fait surtout profité aux entreprises étrangères. Partagez-vous cet avis ?
Nos importations ont en effet doublé en cinq ans. Si vous voulez savoir si l'économie algérienne se porte bien ou pas, utilisez les indicateurs suivants et comparez-les au reste du monde. Les indicateurs en question sont le taux d'utilisation des capacités, le taux de création d'entreprises par 100 000 habitants, les exportations hors hydrocarbures et productivité (PIB hors hydrocarbures/population active). Vous vous apercevrez alors que l'économie algérienne demeure fondamentalement une économie de rente, incapable de créer un secteur productif compétitif, mis à part quelques rares exceptions. -D'où la nécessité d'une nouvelle stratégie industrielle comme celle qui est actuellement en débat. Y voyez- vous des aspects positifs ?
Nous encourageons en tous cas l'initiative. Les pouvoirs publics ne peuvent pas rester inertes face à la détérioration de la compétitivité de notre économie. Il fallait tenter quelque chose pour la tirer vers le haut. Le niveau de concertation autour du projet a été également sans précédent. Pour la première fois on a essayé de concilier l'Etat et le marché et non pas jouer l'un contre l'autre. La privatisation n'est pas présentée comme une panacée, mais un instrument de restructuration parmi tant d'autres. Ce sont des développements extrêmement positifs. Il faut comprendre que la plupart des acteurs publics sont des gens animés de très bonnes intentions et souvent très compétents. J'ai une longue expérience nationale au sein des instances publiques et privées qui conforte l'immense respect que j'ai de nos fonctionnaires et gestionnaires. Ils sont toutefois victimes de l'incohérence d'un système extrêmement mal conçu. Les institutions publiques sont mal gérées. Le patronat n'a pas la force requise car il offre une piètre image du secteur privé en raison de ses divisions et de son incapacité à s'unir autour d'un grand syndicat patronal. Le secteur syndical n'a pas produit une alternative économique viable. Les ONG n'ont pas atteint la maturité requise. Les scientifiques Barnard et Drucker ont décrit les conséquences désastreuses d'un tel système. Malgré les efforts gigantesques des gens bien intentionnés et les énormes ressources mobilisées, les résultats seront toujours décevants car les multiples décisions institutionnelles et humaines tirent vers des multitudes de directions. Le résultat est l'inertie. Dans un tel système, n'importe quelle stratégie est vouée à l'échec. Et les responsables ne sauront même pas pourquoi. Malgré tout cela, l'initiative pourrait être positive, car d'autres leçons seront tirées et à terme on apprendra que le niveau de performance économique est déterminé par la cohérence et l'efficacité institutionnelle (Roanald H. Coase, prix Nobel d'économie).
Que reprochez-vous de bien précis à cette nouvelle stratégie industrielle ?
Je ne veux pas entrer dans les détails techniques. Le document préliminaire pose beaucoup de problèmes théoriques et pratiques. Le diagnostic est truffé d'incohérences. Il est dit que les multiples assainissements d'un immense secteur public auraient pu réussir, même si nulle part ailleurs dans le monde on n'a obtenu un pareil résultat ; selon le document, il aurait suffi de décréter à la fin des années soixante-dix que la stratégie de notre industrie serait d'exporter pour pénétrer les marchés internationaux (exit la culture d'entreprise, la relation stratégie technologie) et j'en passe. Beaucoup d'analyses naïves s'y trouvent glissées. La méthode multicritère adoptée est très mal formulée. Ce n'est pas parce qu'une activité a un effet d'entraînement sur les autres ou qu'elle puisse réaliser une substitution aux importations que vous maîtrisez ses facteurs clés de succès (FCS) qui vous permettent d'être compétitif. Partout dans le monde où j'ai eu à participer ou à examiner les processus des choix stratégiques on commence par les FCS communs (comme le potentiel d'amélioration de la productivité) puis spécifiques aux activités. Par ailleurs, si on choisit de développer les industries à forte consommation d'énergie (en dehors des hydrocarbures), il faut accepter que l'économie soit plus liée aux hydrocarbures. La chute des prix pétroliers entraînera une baisse des recettes à l'exportation et gommera les avantages des industries développées. Ce n'est pas parce qu'une industrie existe déjà qu'elle est efficace. Elle aurait pu détruire beaucoup plus de ressources qu'elle n'en a fourni à la nation. Les pays qui réussissent sont ceux qui mettent leurs ressources dans une nouvelle économie et non l'ancienne. Mais sans nul doute, le mode de fonctionnement institutionnel est et sera incapable d'exécuter convenablement le schéma stratégique, si splendidement érigé. On essaye de reconstituer une stratégie globale à partir d'une stratégie sectorielle. Ceci est impossible. Souvenez-vous des assises de la PME : Nous avons évoqué les mêmes contraintes : Formation, recherche et développement, crédits bancaires, foncier, pression fiscale, administration et j'en passe. Très peu de choses ont bougé. Dans quelques années, on fera le même constat pour la stratégie industrielle. Certes, le document préliminaire et les assises ont cité toutes ces contraintes, mais les recommandations formulées ne vont pas au fond des choses. Elles sont incapables d'extirper ces maux à leurs racines. Elles s'attaquent aux symptômes et non aux causes profondes. Par ailleurs, toute stratégie qui ne se traduit pas en objectifs quantifiés et en ordonnancement précis mais flexible a beaucoup plus de chances d'échouer que de réussir. Piloter un système économique par ajustements successifs est possible dans un pays développé, pas en période de transition. On continue à faire l'erreur d'appliquer les schémas d'analyse d'une économie développée aux économies de marché comme le keynesianisme ou le pilotage par a-coups.
Que faudrait-il faire dans ces conditions ?
L'économie politique de la transition commence à bien comprendre les facteurs clés de succès de ce contexte. Les premiers d'entre eux sont la cohérence et l'efficacité institutionnelles. Eriger un ministère de l'Economie est, à notre sens, une bonne idée mais, à elle seule, insuffisante. Nous avons besoin d'une institution unique qui mobilise la meilleure intelligence pluridisciplinaire nationale et internationale. Elle a un rôle staff et doit traduire en termes techniques toutes les orientations politiques des décideurs ultimes. Elle joue également le rôle d'instance de concertation de tous les acteurs économiques et sociaux. Les ministères deviendront surtout des instances d'exécution d'objectifs politiques (de la présidence) traduits en termes techniques (éducation, finance, etc.) par cette instance même s'ils participent en amont et en aval. Le politique fixe les objectifs et contrôle les résultats. La science moderne sait comment rendre efficace l'éducation, les banques, l'administration, les autorités de régulation, les systèmes d'information, etc. Nous avons surtout besoin de cette ingénierie institutionnelle qui doit précéder (et non aller de pair) toute tentative de remettre de l'ordre dans l'économie. Une économie de marché (pays développé) a déjà réglé son problème de cohérence institutionnelle. Ses décideurs font uniquement des adaptations périodiques. Une économie en transition doit d'abord revoir son architecture institutionnelle. Sinon nous aurons toujours des multitudes de décisions politiques (Choix des managers, des responsables de régulation, d'institutions de formation, crédits et autres) qui vont polluer l'économie. Dés lors que les décisions politiques phagocytent les décisions techniques, l'efficacité du système se trouve détruite. Bien sur que le diable est dans les détails. Actuellement, nous avons des institutions qui ne savent même pas réguler ; ce qui constitue le métier principal de l'état. On leur demande d'exécuter une stratégie très complexe. Nous ne pouvons pas évoquer les nombreux principes et les mécanismes liés à la mise en place de cette structure.
Cependant, le facteur clé de succès de toute transition est la mobilisation de l'intelligence humaine. Beaucoup de pays l'ont fait, pourquoi pas nous ?
Malgré toutes ces critiques, l'initiative essaye d'exploiter toutes les parcelles d'autorité et de ressources à sa disposition. Les responsables ont fait leur devoir. Mais le contexte leur est défavorable. J'essaye surtout de dire qu'il ne faut pas jubiler. La probabilité de faillir est grande. Maintenant, que faut-il faire ? Je réitère les mêmes propositions que je formule depuis le milieu des années quatre vingt, à savoir :
Restructurer les institutions étatiques en vue d'introduire plus de cohérence, de transparence et d'efficacité ;
Créer cette institution qui mobilise notre meilleure intelligence pour traduire en termes techniques les décisions politiques, après de larges concertations. Elle saura concevoir conjointement les réformes de tous les secteurs, assurant par là leur cohérence et mettre en place toutes les conditions humaines et techniques pour sa réussite ;
Investir beaucoup pour améliorer la qualité des ressources humaines, surtout notre système universitaire : le mettre au niveau mondial pour démultiplier ses retombées (recycler les fonctionnaires, les managers, les éducateurs, booster la recherche appliquée etc.) ;
Investir massivement dans la création d'un tissu de PME PMI moderne et avantager celles qui réussissent déjà. Il y a lieu de transformer les quelques banques qui vont demeurer publiques en banques d'investissement (Ceci est techniquement très possible) et délaisser le financement du court terme et l'importation des bien finaux aux banques privées. L'importation n'est pas une activité stratégique pour être gérée par des banques publiques ;
Introduire les pratiques du management administratif dans toutes les institutions publiques et de régulation. Le management par objectifs et les contrats de performance doivent être généralisés au niveau national et local. Les nominations à tous les niveaux se feraient en fonctions de critères appropriés et de résultats quantifiés ;
Créer des systèmes de développements locaux et régionaux (après qualification des acteurs économiques) et donc cesser de démultiplier des programmes centralisés.
Est-ce à une totale refondation de l'économie que vous aspirez à travers toutes ces réformes que vous suggérez d'entreprendre ?
Nous pensons qu'il est effectivement possible de réussir des restructurations de fond à même de booster les réformes économiques. Les conclusions tirées par l'économie politique de la transition aujourd'hui bien connues des managers recommandent, lorsqu'on organise une entreprise, d'ériger en son sein une structure staff qui conçoit et assure la cohérence interne. Cette structure est généralement désignée sous le vocable de contrôle de gestion. Ce rôle de mise en cohérence joué à titre d'exemple par l'institut coréen de développement ou l'institut polonais de développement nous manque cruellement. Au lieu d'une structure unique nous avons au contraire des multitudes de plans ministériels, plusieurs programmes de commissions et de hauts conseils ainsi que des multitudes de propositions de plusieurs instances. La cohérence d'ensemble se trouve de ce fait souvent compromise. Nous avons besoin d'un déclic politique pour aller en ce sens. J'ai horreur de formuler des prévisions peu optimistes pour mon pays. Mais je n'ai de parti que la science. A la question d'un journaliste qui me disait pourquoi je formule des avis pessimistes depuis plus de vingt ans sur l'économie Algérienne , je lui est fait remarqué que pendant toute cette période je formulais des prévisions optimistes sur les économies coréenne et Tunisienne. Il est évident qu'une foule de détails restent à préciser pour régler les problèmes de foncier, de logements, de santé, de dé-bureaucratisation, de décentralisation etc. Nous avons besoin de personnes compétentes qui savent transformer les institutions inertes en entités dynamiques et efficaces. Il faut les faire travailler ensemble d'une manière coordonnée pour concevoir cette approche globale, cohérente et ouverte ainsi que les mécanismes d'ordonnancement et d'exécution de ces réformes.


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