Ils étaient plus de trois cents avocats, dont treize bâtonniers, du territoire national, dimanche, au tribunal de Remchi, pour défendre et soutenir leur collègue du barreau de Tlemcen, M. Ahmed Chatri, poursuivi pour dénonciation calomnieuse et outrage à magistrat. De l'avis même des spécialistes du droit, le procès était un cas unique. Rien de surprenant, en ce sens que dans notre pays, le vocable « unique » n'est pas aussi unique qu'on le pense : parti unique, caractère unique, université unique… Mais, avant-hier, c'était… unique dans les annales judiciaires. Dès sa présentation devant la barre des accusés, l'avocat s'est vu signifier par la magistrate d'enlever sa Toge. « Vous êtes ici un justiciable, c'est simple ! » Pas aussi simple que cela, en fait « Je suis ici en qualité d'avocat, puisque l'origine de cette affaire c'est d'avoir défendu un citoyen qui avait déposé une plainte contre une juge pour faux ». « Ôtez votre robe noire, je ne pourrais pas vous juger comme ça ! », a-t-elle seriné. « Pas question ! » Devant la détermination de l'une et l'entêtement de l'autre, la présidente du tribunal a suspendu la séance avant de revenir une heure plus tard dans la salle pour annoncer : « l'affaire est en délibéré pour le 17 juin ! » Un jugement, en fait, sans audition de l'accusé, ni plaidoiries. Il est vrai que c'était unique… Mais imaginez, dans une salle exiguë, plus de trois cents avocats qui s'étaient constitués pour leur collègue devant une juge esseulée. Enfin, il y avait un procureur, aussi. Enfin, tout le tribunal. On était montés même sur les chaises pour déposer sa constitution. Pas la Constitution, vous l'aurez compris. Enfin, même avec la vraie Constitution qui nous « gouverne », personne ne nous a priés, nous les justiciables, les contribuables pour…baisser le pantalon, devant tant d'injustices sociales… Il est tombé tout seul !
