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La guerre d'algérie sur les écrans
Mémoire en friche
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2004

L'analyse de la production cinématographique, télévisuelle et documentaire consacrée à notre lutte de Libération nationale, tant du côté algérien que français, fait ressortir un curieux constat.
Une guerre qui a occasionné un million et demi de victimes, précipité la chute de la quatrième République, sonné le glas du colonialisme n'a pas donné lieu à un traitement exhaustif, opulent du point de vue de l'image. Contrairement à certains lieux communs et idées reçues, on a souvent fait preuve de réticence, de retenue à cet égard. D'aucuns n'hésitent pas à parler d'« amnésie française ». La mémoire algérienne n'est pas en reste, car qualifiée de défaillante. Il y a sûrement des raisons et des mobiles. On ne cicatrise pas de profondes blessures telles que la torture, le viol, le napalm, les exécutions sommaires, les camps de regroupement en mettant justement le couteau sur la plaie. Il y a une thérapie et une pédagogie de l'oubli. Les Algériens frappés de plein fouet par la tragédie peuvent peut-être exprimer le désir de tourner la page. Mais il n'y a pas que cela. L'histoire de l'Algérie indépendante longtemps dominée par l'hégémonisme du parti unique a généré une mystification « plurielle ». Le travail de mémoire en pâtit. Blocage, censure, oublis, creux et interdits ont façonné une image tronquée, déformée et falsifiée. L'écran dégoulinait d'héroïsme et d'exaltation d'une révolution que l'on voulait exemplaire. Le discours institutionnel instaurait le primat d'un nationalisme unitaire, le culte du souvenir guerrier, l'apogée du héros positif, le peuple proclamé et exalté. La partie française, quant à elle, percevait les « événements » d'Algérie en termes de péril menaçant des biens, des personnes et des intérêts. Il y a des exceptions, mais elles demeurent minimes. Le cinéma français est dominé par l'autocensure et la censure qui consacraient le consensus social. Omniprésente, la censure soumettait l'exploitation cinématographique à l'obtention d'un visa. De même qu'une commission de contrôle faisait jouer trois niveaux de dissuasion et de pression : l'interdiction totale, l'interdiction aux mineurs, des coupures et des modifications. La censure veille à ce que rien ne menace les institutions et n'encourage les divisions morales et politiques. Elle défend le colonialisme et l'armée. Des brèches sont faites. Des films anticolonialistes, pacifiques sont réalisés, subissant toutes sortes d'interdits. Le livre La Question d'Henri Alleg, paru en février 1958, est saisi. Des cinéastes français rejoignent le FLN et tournent dans les maquis : Pierre Clément et Henri Vautier, qui réalise en 1955 Une nation, l'Algérie et, en 1958, Algérie en flammes. Ils tentent de démasquer la propagande officielle et de montrer une réalité ignorée du public français. Le Manifeste des 121 (artistes et intellectuels) déclare justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien. François Truffaut, Alain Resnais, Jean-Luc Godard en sont quelques-uns des signataires. Alain Cavalier, dans Combat dans l'île, évoque les complots terroristes de l'OAS, des commandos activistes. Octobre à Paris réalisé en 1962 par l'équipe de Vérité-Liberté, dirigée par Jacques Panyel, dénonçait la répression de la manifestation du 17 octobre 1961. C'est en cet événement que s'illustra le tristement célèbre Maurice Papon, préfet de Paris, dont les sbires ont saisi la copie du film. Il faut retenir que la Nouvelle Vague durant les années 1960 sauve le cinéma français de l'indignité. De même qu'il faut reconnaître le mérite d'Alain Resnais qui, dans Muriel, restitue la place du conflit dans l'imaginaire français. Depuis les années 1970, des bonnes volontés tentent de brocarder une rhétorique de l'allusion, prédominante au sein d'un cinéma où même le statut de combattants est refusé aux patriotes algériens, pas plus que l'ALN, qui n'est jamais nommée en tant que telle. On cite à titre indicatif L'Honneur d'un capitaine de Pierre Schoendorffer, La Question de Laurent Heynemann, Les Frères des frères de Richard Copans, sur le réseau Jeanson. En définitive, le cinéma français, quasi exclusivement, reste soumis à la censure, à une forme de culpabilisme et de déni omniprésents.
Censure et interdits
Hormis la période flamboyante de 1954 jusqu'à 1962 qui vit s'inscrire en lettres d'or et de feu la naissance du cinéma algérien, le traitement par l'image de notre Révolution nationale s'est effectué à coups de ciseau. Dans un pays indépendant mais aux prises avec ses démons, la censure et les interdits jouèrent à fond. Le champ idéologique balisé et surveillé d'une main de fer autorise rarement la témérité et l'audace. Selon l'expression du défunt Djilali Liabès, c'est sur fond de « traficotage de l'histoire » que des films vont parler de la guerre de Libération. L'étroitesse de l'espace d'expression et les limites instaurées quant aux choix des thèmes opèrent comme des blocages et des empêchements. Cela n'a pourtant pas découragé des cinéastes qui tentèrent de franchir des limites soigneusement corsetées et soupesées. Il fallait, entre autres ruses, faire dire aux films plus qu'il n'est toléré. Les cinéastes vont devoir travailler sur le fil du rasoir. Du moins ceux qui ne veulent pas spécialement s'accommoder d'œillères opaques. Un exemple parmi d'autres qui témoigne de l'atmosphère de création et de travail sous le règne de la chape de plomb. Il s'agit d'Insurrectionnelle de Farouk Beloufa. Le film de montage d'archives va se heurter à la raison d'Etat. Il fut expurgé, sa structure fracassée, son sens perverti. Ce film fut distribué sous le titre de Libération. Le cinéma de la lutte de Libération souffrira des tabous. Les femmes sont minorisées, exclues. Curieusement, ce sont deux étrangers qui les réhabilitèrent. Il s'agit de Youcef Chahine et Gillo Pontecorvo.
Le public français n'a pas de référence
Les femmes deviennent des alibis, des faire-valoir. Leur participation est édulcorée. Il n' y a pas que cela. Les conflits entre les dirigeants de la lutte armée ne sont jamais évoqués. Sous prétexte de ne hisser au firmament que le seul peuple, artisan de la victoire, tant d'éminents dirigeants, pionniers et précurseurs, barrés du registre de l'évocation. Le public n'a pas de repères, des indices significatifs pour bien situer le cheminement précis de cette révolution. Décidément, trop de « blancs » parsèment les récits. Le propos n'est pas de juger, mais de comprendre. Il faut attendre longtemps pour que l'étau se desserre. La carapace idéologique se fissurant face à l'usure du temps, la liberté d'expression enfanta quelques films qui apportèrent un nouvel éclairage, une autre manière de filmer une réalité historique complexe, dense, mais exaltante. Hormis ces quelques tentatives, le cinéma algérien succomba aux illusions du héros, incarnation de toutes les qualités morales et guerrières : audacieux, sincère, juste, fidèle... L'héroïsme est devenu une source où s'abreuve le film de guerre codifié par des textes doctrinaux. Le cinéma intègre le système politique aux moyens d'institutions qui fondent la société politique. Sous couvert de soumission aux exigences de la Révolution, l'Etat cherche à contrôler, orienter, baliser la production cinématographique. Partant de là, nombreux sont les responsables qui furent portés à dicter aux artistes la méthode à suivre, les thèmes à traiter. Les films de Mohamed Zinet Tahia ya Didou, Le Charbonnier de Bouamari, Omar Gatlatou de Merzak Allouache, Les Sacrifiés d'Okacha Touita, pionniers d'une vision amère et désillusionnée, ne firent pas tache d'huile, malheureusement. Dès lors qu'il s'agit de faits ou d'événements qui frappent la conscience nationale avec leur lot de tragédies, de douleurs et de séquelles indélébiles, le traitement par l'image ou l'écrit devient difficile à faire. Les Américains, avec la guerre du Vietnam, l'oppression des Noirs et des Indiens par exemple, ont mis longtemps pour pouvoir analyser les événements avec une certaine sérénité. On ne remue pas le couteau dans la plaie avec désinvolture ou allégresse. Notre histoire nationale reste encore captive des interdits, des tabous, des non-dits. Il y a un travail immense de réhabilitation et de restauration d'une mémoire assainie, expurgée de toutes sortes de déformations, d'erreurs volontaires. Le cinéaste, sans jamais remplacer l'historien probe et intègre, pourra alors apporter sa contribution dans le processus de réécriture d'une histoire débarrassée progressivement de ses maladies infantiles.
M. B


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