Désarroi de montagnards, regards perdus vers l'horizon, mains crispées sur des cannes ou sur les joues, tristesse amplement dégagée d'une attitude de bête abattue : les chefs de famille possédant des vergers et/ou des animaux se retrouvaient par petits groupes au cœur des terres qui avaient reçu de plein fouet des langues de feu inexpliquées et encore non admises. « Comment me faire accepter l'idée que tout le piémont a brûlé sur des centaines de kilomètres en une seule fois avec plusieurs foyers spontanés ? », se renfrogne l'un d'eux. Une -ou des- main criminelle serait-elle à l'origine de ces dizaines de départs de feu ? Les propriétaires des poulaillers ravagés par les incendies n'en démordent pas : « J'ai vu des agents de la Protection civile aller constater les dégâts puis redescendre sans accomplir le moindre geste d'extinction du feu ! », expliquera un propriétaire qui affirmera encore : « Tout mon poulailler a été décimé et même le hangar dont je venais de terminer la construction a été détruit. » Tout a été la proie des flammes : arbres fruitiers, bottes de foin, moutons, poussins, poules, dindes, câbles électriques, bouteilles de gaz. Décor de fin du monde à Rabta où le feu avait décimé vergers et récoltes, arbres et bétail, asphyxiait les tout-petits et les personnes âgées. Origine criminelle des incendies, pyromanes conscients de leurs actes ? La situation devenait totalement révoltante jeudi après-midi avec l'absence constatée des élus locaux. Il s'avère extrêmement urgent de mettre en place un dispositif coordonné exceptionnel pour venir en aide à la population touchée par ce « singulier » incendie. Un dispositif adapté à la gravité et à l'urgence de la situation se doit d'être monté par les élus surtout afin de montrer la solidarité de ceux qui occupent momentanément les postes de responsabilité. Cependant, l'entraide légendaire des hommes de Baba Moussa, Trab Lahmar, Er'mel, Sidi Fodhil, Rabta, Beni Ali, Sidi Kebir filtrait à travers les discussions pour l'organisation de ce qui doit être la restauration des vastes étendues verdoyantes. « Je vivais simplement mais comme un roi dans mes terres avant les années quatre-vingt-dix puis nous dûmes nous résoudre à ‘'descendre'' vers la ville avant de ‘'remonter'' aux premières années de ce siècle qui semble maudit et voilà que, juste où le sourire et la quiétude revenaient, nous devons encore nous crisper… nous n'aurons jamais cette paix enviée par tous ! », indiquera un vieil homme qui n'en revenait pas encore. « Même le chacal était venu quémander de l'eau et je m'estime heureux d'avoir habitué mes bêtes à me suivre et c'est ce qu'elles ont fait au milieu des flammes », confiera un jeune qui semblait presque heureux d'avoir sauvé ses trente moutons mais qui aura perdu des centaines de jeunes citronniers et mandariniers. C'était le moment aussi de se rendre compte de l'inefficacité des moyens mis en œuvre pour lutter contre les incendies et une prévention quelque peu vacillante. « A qui profite le crime ? » était la question somme toute logique qui revenait dans les discussions de ces familles connues dans ces montagnes. Les Driouèche, Mokeddem, Tahar, Sidi Yekhlef, Seddik se sentaient plus forts en demeurant ensemble. « Toute ma vie n'a jamais été aussi haletante que ces deux jours passés à combattre le feu », affirmera le vieux Benaïcha qui venait de donner les consignes à son fils pour faire sortir les bêtes et les laisser respirer. L'espoir réside dans les dédommagements et la célérité avec laquelle seront sériés les dégâts.