Energie et mines : Arkab reçoit la DG de la compagnie britannique Harbour Energy    Algérie-Tunisie-Libye: début de la cérémonie de signature de l'accord portant création d'un mécanisme de concertation sur la gestion des eaux souterraines communes    Tournoi de l'UNAF U17 : l'Algérie bat la Libye (2-0) et se relance    L'Algérie participe à Abuja à une réunion africaine de haut-niveau sur la lutte antiterroriste    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 34.262 martyrs    Une délégation de la Chambre des communes du Canada en visite en Algérie    La Jamaïque reconnaît officiellement l'Etat de Palestine    "Nous nous emploierons à exploiter le sel provenant du dessalement de l'eau de mer"    Numérisation du secteur du Travail: Bentaleb visite plusieurs organismes    Biskra: les médias conviés à une visite guidée du Centre de Formation des Troupes Spéciales    Coupe d'Algérie (demi-finales): le MC Alger renverse le CS Constantine et accède à sa 10e finale    Parquet de la République: ouverture d'une enquête suite à l'effondrement du plafond d'une classe dans une école primaire à Oran    Tamanrasset: 7 morts et 15 blessés dans un accident de la route    Algérie/Tunisie: Journée d'information sur la pêche au profit des investisseurs des deux pays    Ouverture des coffres contenant les livres de l'érudit Cheikh Abdelhamid Ben Badis offerts comme Wakf à Djamaâ El-Djazaïr    Festival national du théâtre universitaire "Mahieddine Bouzid": la pièce "Moutaham" de l'université de Sidi Bel Abbes décroche le prix de la meilleure représentation complète    Le ministre espagnol des Affaires étrangères exige un cessez-le-feu permanent dans la bande de Gaza    À Istanbul, une manifestation a été organisée à l'occasion de la visite de Steinmeier    Une mission d'information provisoire de l'APN effectue une visite dans la wilaya    L'appréciation du dinar algérien passe par l'accroissement de la production et de la productivité    Mondiaux du 20 km/marche : Le tandem algérien Aloui-Azzi 56e au relais-mixte    La JSES bat l'OMA et se rapproche du dernier carré    Championnat d'Afrique de volley : Le WAT termine neuvième    La Hongrie bloque l'octroi de 2 milliards d'euros de l'UE    Le ministre de la Justice insiste sur la fourniture de services de qualité aux citoyens    De nouvelles plate-formes pour une meilleure prise en charge des préoccupations des citoyens    Saisie de plus d'un quintal de viande rouge    Une bande de trafiquants de psychotropes neutralisée    Rebondissement dans l'affaire de la famille de l'ex-gendarme menacée de se retrouver à la rue    Un terroriste abattu et des armes récupérées à Médéa    Plus de 14.000 enfants tués à Gaza    « Occupation française et résistances dans le Sud-Ouest algérien »    En hommage au moudjahid Ibrahim Ag Abekda    Le 6e Festival du rire «Algé'Rire» s'ouvre le 30 avril    Sidi Bel Abbes : transformer le théâtre universitaire en un produit commercialisable    Match USMA/RS Berkane: la décision de la CAF attendue au plus tard mercredi    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        L'ORDRE INTERNATIONAL OU CE MECANISME DE DOMINATION PERVERSE DES PEUPLES ?    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    El Tarf: Des agriculteurs demandent l'aménagement de pistes    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entretien. Jules Roy par Guy Degas
L'Algérie au cœur
Publié dans El Watan le 13 - 09 - 2007

Ami de Jules Roy, grand connaisseur de son œuvre, Guy Degas*, professeur de littérature à l'université de Montpellier, est chargé de la coordination du centenaire.
Pouvez-vous nous parler du centenaire Jules Roy ?
Jules Roy, né le 22 octobre 1907 à Rovigo (aujourd'hui Sidi Moussa), dans la Mitidja, est décédé à Vézelay le 15 juin 2000. A l'initiative d'une association du centenaire, présidée par son fils, le docteur Jean-Louis Roy, nous sommes parvenus à faire inscrire cet anniversaire au prestigieux calendrier des célébrations nationales, aux côtés du centenaire de René Char ou du tricentenaire de Vauban. Bien sûr, nous ne disposons pas des mêmes moyens ! Mais suffisamment toutefois, pour honorer de manière décente celui dont nous entendons, non pas perpétuer, mais faire perdurer un peu la mémoire. Un programme important de manifestations et publications est prévu autant en France qu'en Algérie.
Jules Roy fait partie de ceux qui sont aujourd'hui un peu oubliés...
C'est exact, dans la mémoire algéro-française en train de se retisser, des personnalités très intéressantes, comme Jules Roy ou Emmanuel Roblès, sont restées dans l'ombre de Camus, sans que l'on sache trop pourquoi, et cela a beaucoup compté dans notre décision d'organiser ce centenaire et de le célébrer sur les deux rives. Jules Roy est l'enfant adultérin de l'épouse du gendarme Roy et de l'instituteur Dematons. Après que son « père » l'eut renvoyé, en même temps que sa mère, du domicile familial, il fut élevé à Sidi Moussa, dans la ferme de ses grands-parents, les Pâris, petits colons de la Mitidja. Est-ce dû à ses origines modestes ? Ou au sentiment de sa bâtardise ? Toujours est-il,que Jules Roy est incontestablement de tous les intellectuels français, originaires d'Algérie, celui que toucha le plus le drame algéro-français, celui qui, par la suite, resta le plus proche, et jusqu'à sa mort, le plus attentif et critique témoin du devenir de l'Algérie indépendante. Autre forme d'écartèlement en lui : deux vocations contradictoires, l'action et un détachement aventureux, d'une part la contemplation et l'amour du terroir, par ailleurs. Ce qui fit tour à tour de lui un séminariste, puis un militaire ; mais toujours animé des mêmes valeurs et des mêmes révoltes : à l'armée, il entra comme on entre en religion, mais c'est la rage au cœur et le poing tendu vers le ciel qu'il la quitta.
Parlez-nous de ce voyage de 1960, qui inspira La Guerre d'Algérie ?
En 1953, après un voyage en Indochine qui lui avait ouvert les yeux sur les guerres coloniales, Jules Roy était redevenu civil. Plongé dans la création théâtrale et les frivolités de Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés, éloigné de son pays natal où il séjournait de moins en moins souvent après son divorce et la mort de sa mère, il ne saisit pas aussitôt l'ampleur du drame qui s'y jouait, bien que ses amis Jean Amrouche et Marcel Reggui aient depuis longtemps attiré son attention sur le divorce croissant entre les communautés, Jean Daniel également, et puis bien sûr Camus dont il était devenu un ami proche depuis les années d'après-guerre. C'est sans aucun doute l'ensemble de ses déchirures existentielles, augmenté de la prise de conscience en Indochine, de l'iniquité des guerres coloniales et la leçon retirée de Dien Bien Phu (voir La Bataille de Dien Bien Phu, Julliard 1963), qui le conduisirent à embarquer brutalement pour l'Algérie, au printemps 1960, quelques semaines à peine après la mort accidentelle de Camus, en qui ces mêmes intellectuels français d'Algérie avaient placé tous leurs espoirs de compréhension et, quelquefois, de solution. Bénéficiant d'un sauf-conduit délivré par le général de Gaulle, et d'amitiés aussi bien parmi les intellectuels, il parcourt le pays en tous sens, accumulant les témoignages dans les deux camps, il en ramène La Guerre d'Algérie (Julliard, septembre 1960 après prépublication partielle durant l'été dans L'Express), un « long cri déchirant » qui bouleversa la France et lui fit enfin comprendre que ce qui se passait outre-Méditerranée.
Que se passa-t-il ensuite ?
Jules Roy ne s'en tint pas à cela : il récidiva l'année suivante avec Autour du drame, un recueil de ses articles sur la guerre. Au moment des accords d'Evian, puis au printemps 1962 et jusqu'à l'indépendance, il suivit pas à pas pour L'Express la tournure que prirent les événements ; il était encore là lors des fêtes de l'indépendance. A la fin de la guerre et le rapatriement des Français d'Algérie, il arriva donc ce qui devait arriver ; vous connaissez la chanson de Guy Béart : « Le premier qui dit la vérité / Il doit être exécuté ! » Jules Roy l'ancien soldat, le héros de la guerre 1939-45 devint irrémédiablement Etranger pour (s)es frères (Stock, 1982), selon le titre de l'essai qu'il publia à l'occasion du vingtième anniversaire de l'indépendance algérienne — c'est-à-dire auprès de l'armée, la « grande Muette » qu'il avait servie pendant vingt ans, comme parmi ses frères pieds-noirs qui, cinquante ans après, ne lui ont encore rien pardonné ! Sans qu'en Algérie l'action de Jules Roy soit reconnue pour autant, sa situation étant sans doute trop paradoxale pour cela. Pensez donc : passe encore qu'un pied-noir se retourne contre les siens, comme le fit Jean Sénac ; passe encore qu'un gradé de l'armée française en dénonce les excès, comme sut le faire le général de la Bollardière... Mais un pied-noir servant dans l'armée française se retournant contre les siens, tout en dénonçant les excès de l'armée !
Il y eut aussi l'aventure des Chevaux du soleil...
Oui, mais un peu plus tard. C'est à l'été 1965 que Françoise Verny a l'idée de lui proposer d'écrire « l'épopée des Français d'Algérie à travers [s]a famille, sur un siècle ». Une entreprise qui aussitôt le fascine et tout à la fois l'effraie tant il en pressent l'ampleur. Une entreprise qui lui prendra dix ans de sa vie. Dix années de documentation minutieuse d'un côté et de l'autre de la Méditerranée, et dix années d'écriture fiévreuse que retrace ce Journal des Chevaux du soleil (Omnibus, 2000) que j'ai eu l'honneur et l'avantage de composer à ses côtés et dont il ne vit malheureusement pas la publication. Très vite, il lui apparaît que cette histoire ne peut prendre forme que sur les lieux mêmes où elle naquit. C'est pourquoi, en 1965 et 1966, il louera une petite maison à proximité des plages de Sidi Ferruch où se déroula le débarquement des armées françaises en 1830, afin d'y entreprendre tranquillement la rédaction. Cette œuvre fleuve en six tomes reprend en les romançant, à travers des personnages réinventés à partir des grands-parents et parents de l'auteur, quelques moments-clefs de l'histoire algéro-française de 1830 à nos jours. A l'occasion du centenaire Jules Roy, nous avons réédité Les Chevaux du soleil, avec une nouvelle préface que nous avait donnée l'auteur en 1995 (éd. Omnibus), ainsi que l'intégralité du feuilleton (Koba Film) ; nous espérons pouvoir venir présenter l'un et l'autre à Alger, fin octobre, à l'occasion du Salon international du Livre d'Alger.
Finalement, cet écrivain mérite bien d'être appelé « Jules Roy, l'Algérien »
Oh oui, il portait l'Algérie au cœur. Je peux témoigner du déchirement que fut celui de Jules Roy durant la décennie noire, qui l'empêcha de retourner au pays, d'aller se recueillir sur la tombe de sa mère. Ce n'est qu'en 1995 que, n'y tenant plus et désireux d'aller une dernière fois rendre visite à ses morts, il fit le voyage de Sidi Moussa, d'où il ramena son Adieu mon cœur, adieu ma mère (Albin Michel, 1995) —autre cri déchirant qui, une nouvelle fois, bouleversa la France. Imaginez-vous ce vieillard de près de 90 ans traversant la mer, atterrissant dans Alger la Blanche devenue rouge, pour aller s'incliner sur une tombe oubliée, au beau milieu du « triangle de la mort » ? Après cela, revenu à Vézelay, où sa belle demeure au pied de la basilique est devenue, selon sa volonté, une résidence d'écrivains, il put mourir serein, non sans avoir écrit une ultime Lettre à Dieu (Albin Michel, 2001). (*) Professeur à l'université Paul Valéry de Montpellier, Guy Degas publiera à cette occasion Jules Roy chez Charlot (Ed. Domens) ainsi que Jules Roy, témoin et complice de l'Algérie indépendante dans Algérie, cinquante ans d'Indépendance (ouvrage collectif. Ed. Rodopi).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.