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« Si on perd le capital naturel, il nous est impossible de le recréer »
Ahmed Djoghlaf. Secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la biodiversité
Publié dans El Watan le 23 - 09 - 2007

Rencontré à Madrid à l'occasion de la conférence internationale sur la lutte contre la désertification, Ahmed Djoghlaf, secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la biodiversité, aborde dans cet entretien l'état de la biodiversité à travers une étude réalisée sur une période de quatre ans par 1395 experts.
Quel est l'état de la diversité biologique aujourd'hui et quel est son devenir ?
Nous avons publié récemment un rapport appelé l'étude du millénaire des écosystèmes. Il s'agit d'une étude réalisée par 1395 experts appartenant à 95 pays et qui a coûté 25 millions de dollars pour une durée de quatre années d'expertise. C'est en fait la première étude mondiale sur l'état des écosystèmes du monde, j'entends par là les forêts, les montagnes, les déserts, les côtes, l'écosystème marin, etc. Sur les 24 écosystèmes étudiés, les experts ont conclu que les deux tiers sont dans un état avancé de détérioration. Ils ont conclu que jamais l'humanité n'a perdu et ne perd la biodiversité comme nous le faisons de façon systématique depuis les cinquante dernières années. C'est donc un véritable cri d'alarme qui a été lancé par ces experts qui, tout de même, gardent l'espoir de voir se réaliser l'objectif de Johannesburg, tracé lors du sommet mondial sur le développement durable en 2002 où 110 chefs d'Etat, dont le président Abdelaziz Bouteflika, ont pris l'engagement solennel de réduire de façon substantiel la perte de la biodiversité dans leurs pays respectifs avant 2010. Les experts donc sont arrivés à la conclusion que cet objectif est réalisable, ce n'est pas une cause perdue pour peu que la communauté internationale puisse redoubler d'efforts pour pouvoir le réaliser et arrêter ce massacre qui est la perte de la biodiversité. Une autre étude vient d'être réalisée au début de cette année par le GIEC, Groupe d'experts intergouvernemental sur le changement climatique, c'est également un panel de 1500 experts de 132 pays qui se sont arrêtés sur l'état des changements climatiques. Ils sont arrivés à la conclusion que les changements climatiques constituent désormais une cause majeure de la perte de la biodiversité, et selon leur projection si rien ne se fait pour arrêter l'aggravation des changements climatiques, 30% des espèces connues à l'heure actuelle risquent de disparaître en raison des changements climatiques d'ici la fin de ce siècle. Comme vous savez, les forêts constituent des puits naturels d'absorption des gaz à effet de serre. Selon les experts, ce sont 30% des gaz émis par la planète qui sont absorbés par les forêts, surtout les forêts tropicales. Donc la déforestation et les changements climatiques vont réduire le nombre d'hectares de forêts et vont aggraver la perte qui est déjà assez grande. Ce sont pas moins de 13 millions d'hectares de forêts qui disparaissent chaque année. Les océans sont aussi des puits naturels d'absorption du carbone et selon les experts aussi, 30% du carbone émis par l'être humain est absorbé par les océans. Le réchauffement de la planète entraînera inévitablement un réchauffement des eaux, lequel réchauffement va entraîner la perte de la biodiversité et va amoindrir les capacités du plancton et de l'eau à absorber le carbone.
Donc à terme, c'est l'être humain qui va disparaître...
Ce sont les bases de l'existence qui vont disparaître. La question de l'environnement est devenue maintenant une question de sécurité. Et c'est pour cela que le Conseil de sécurité, à l'initiative du Royaume-Uni, s'est réuni en avril dernier pour la première fois de son histoire non pas pour parler de guerre ou de conflits, mais de changement climatique, c'est dire que c'est devenue une question de paix et de sécurité mondiale. Et ce sont les bases mêmes de l'existence à travers le changement climatique et son corollaire, la perte de la biodiversité, qui est en jeu à l'heure actuelle.
Existe-t-il réellement une volonté politique, notamment de la part des grandes puissances de ce monde pour mettre fin à cette dégradation de la planète ?
Je pense que s'agissant du changement climatique, ils réalisent l'enjeu. C'est pour cela que l'Administration américaine a décidé de convoquer, cette semaine à Washington, une réunion entre 22 pays pour discuter du changement climatique. L'Assemblée générale et pour la première fois de son histoire va consacrer, le 24 septembre, un sommet des chefs d'Etat dont une centaine ont confirmé leur participation déjà, exclusivement pour la question du changement climatique. Pour rappel, en juillet dernier, l'Assemblée générale avait abrité un débat de haut niveau sur cette même question. Donc lorsqu'on a des chefs d'Etat qui s'impliquent, ça veut dire qu'il y a volonté politique. Lorsqu'on a des conventions sur l'environnement comme celles de Rio signées par des chefs d'Etat, c'est inédit, sur les 500 accords multilatéraux sur l'environnement, les conventions de Rio sont signées par des chefs d'Etat. Il est clair qu'il y a une volonté. Maintenant, il s'agit de traduire cette volonté en termes d'actions immédiates pour arrêter ce massacre que nous nous faisons à nous-mêmes et à nos enfants.
Malheureusement, ce sont les pays pauvres qui paient pour les erreurs des pays développés. Ces derniers ne sont-ils pas redevables auprès des pays du Sud ?
Je crois qu'à Rio, les pays développés ont accepté leurs responsabilités et reconnu que nous avons tous une responsabilité commune pour préserver la planète, mais elle est différenciée en fonction de nos rôles dans cette dégradation de la planète et également en fonction de nos moyens. C'est le fameux article 15 de la convention de Rio. Il y a également un autre article dans lequel les pays développés eux-mêmes se sont engagés à prendre la direction des efforts parce qu'ils ont les moyens financiers, technologiques et humains pour le faire. Donc, ces principes doivent guider une nouvelle approche des relations internationales en matière de développement durable. Donc, une nouvelle éthique des relations, j'allais dire nord-sud, mais dans cette histoire d'environnement nous sommes tous des pays donateurs, nous avons tous quelque chose à donner. Si vous prenez par exemple en matière de biodiversité ce qu'on appelle les pays mégadiverses, ces 15 pays sont beaucoup plus riches que les pays du G8. Si vous prenez un pays comme l'Inde ou la Chine, ils ont beaucoup plus de diversité biologique qu'un pays comme le Canada par exemple. Ils ont quelque chose à donner et quelque chose à recevoir, notamment la technologie, les finances et les conseils pour protéger la biodiversité. L'autre menace qui est sérieuse c'est l'urbanisation croissante. La première ville à avoir enregistré plus d'un million d'habitants en 1800 c'était Londres. Aujourd'hui, nous avons 400 villes. En 1962, il y avait deux mégapoles avec plus de dix millions d'habitants, c'était Tokyo et New York, à l'heure actuelle, on en compte vingt, dont Tokyo et New York toujours, ainsi que Sao Polo, Pékin, Shanghai, Delhi, Bombay. Cet accroissement des villes se fait au détriment de la nature. L'année en cours constitue un changement de paradigme depuis l'apparition de l'homme sur terre. Pour la première fois, nous sommes beaucoup plus urbains que ruraux. L'homo-urbanus est né et les experts prédisent que dans quelques années les deux tiers de l'humanité vivront dans les villes. Donc cette urbanisation doit se faire dans le respect de l'environnement, notamment dans les pays en voie de développement, c'est-à-dire là ou il y a encore de la biodiversité, y compris dans un pays comme l'Algérie. Et la bataille pour la protection de la vie sur terre, j'en suis convaincu, sera gagnée ou perdue dans les villes. Et en fonction de la manière avec laquelle les autorités locales et les villes aborderont le développement durable.
L'Algérie connaît une urbanisation croissante, on commence à voir pousser du béton un peu partout. Est-ce qu'en tant que pays signataire de la convention sur la biodiversité, elle tient compte des aspects de respect de la diversité biologique ?
Je pense qu'il s'agit d'une question de mentalité. Il faut inculquer à l'Algérien l'amour de la nature et je crois que nous en sommes distancés à cause justement de cette urbanisation de nos origines. Nous sommes tous d'origine agraire si je puis le dire, et petit à petit le lien ombilical qui unissait l'Algérien avec la nature s'est distancié. Il faut donc ressouder ce lien et faire renaître ces valeurs essentielles qui plongent leur racine dans notre histoire et notamment dans notre religion. L'Islam prône l'hygiène et la propreté autant que la rationalité dans l'utilisation de nos besoins, c'est-à-dire tout simplement le développement durable dans le cadre d'une consommation responsable. En somme, éviter le gaspillage en veillant à la protection de la nature et des animaux. Nous connaissons tous la relation de respect qui liait le Prophète (QSSSL) à l'araignée. Nous connaissons aussi tous l'histoire du chat qui s'était endormi sur le burnous du Prophète, et ce dernier qui a refusé de perturber son sommeil décida de couper le pan de son burnous sur lequel le chat s'était assoupi. Ceci dénote de l'amour du Prophète pour tout ce qui est vivant. Nous nous devons donc de reprendre ce lien avec nos origines pour pouvoir mettre un frein à cette occidentalisation effrénée de nos habitudes alimentaires, de notre façon de faire et de vivre et laisser place aux valeurs de la société algérienne.
L'autoroute Est-Ouest menace le parc naturel d'El Kala. Comment vous évaluez une telle démarche irresponsable ?
Je crois que là également nous devons méditer sur cette situation et voir comment la société civile dans sa diversité s'est mobilisée, que ce soit la communauté scientifique, les ONG ou le simple citoyen qui lui-même a tenu à dire ce qu'il pensait. Je tiens également à saluer les autorités du pays qui ont su répondre à cet appel et aux préoccupations très légitimes. Le parc national d'El Kala est l'une des richesses extraordinaires du patrimoine naturel de l'Algérie. Bien sûr, il y a un coût financier à débourser, mais ce qui est sûr c'est que le coût financier peut se racheter, mais si on perd le capital naturel il nous est impossible de le recréer. Je crois que si à court terme on perd de l'argent, sur le long terme par contre c'est tout le monde qui y gagne, la population, l'environnement et on sera fiers d'avoir préservé la plus grande richesse naturelle.
Comment évaluez-vous les travaux de la conférence de Madrid sur la lutte contre la désertification ?
Je crois qu'il y a une nouvelle étape qui s'ouvre pour la convention de lutte contre la désertification. Malheureusement, c'est le parent pauvre des conventions de Rio, parce qu'il y a la perception selon laquelle la désertification est un problème local et non pas global. Un problème qui concerne quelques pays, notamment africains, et pas l'humanité entière. Mais je pense que le fait que cette conférence puisse se tenir dans un pays comme l'Espagne, dont nous avons constaté l'engagement, c'est tout de même un pays important de l'Union européenne, nous donne l'espoir qu'il va y avoir un nouveau souffle et que d'autres pays européens puissent s'engager. Il se trouve aussi que le Portugal qui préside actuellement l'UE est un pays méditerranéen proche du Sud, et la présence de son ministre est un signe très fort. L'Italie aussi a été présente, ce sont des pays de la rive sud de l'Europe qui connaissent certains aspects de la désertification, notamment la sécheresse. L'Espagne a connu cette année l'une des pires sécheresses de son histoire. Les feux de forêt en Grèce notamment font que les pays sont de plus en plus sensibles à ces problèmes de changement climatique et de désertification. J'espère que la convention contre la désertification qui a maintenant un nouveau secrétaire exécutif puisse connaître ici à Madrid un nouveau départ pour renforcer ses objectifs qui passent bien sûr par une nouvelle coopération internationale importante.


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