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Riche par ses ressources et pauvre par ses dirigeants
À Djanet, on scrute toujours l'horizon
Publié dans El Watan le 25 - 11 - 2007

Riche en ressources gazières mais aussi par la beauté de sa nature, Djanet est malheureusement réduite à la misère par le fait de la bêtise humaine. Située à quelque 1200 km au sud d'Alger, elle semble totalement isolée si ce n'est l'ouverture avec l'aéroport et une piste de 220 km qui la relie à Illizi, chef-lieu de la wilaya dont elle dépend.
Djanet : De notre envoyée spéciale
Les routes qui mènent vers les frontières avec la Libye et le Niger sont très surveillées par les gardes-frontières et l'armée. Les parcours souvent empruntés par les contrebandiers et les terroristes sont tellement dangereux que la population s'y aventure rarement. Ainsi enclavés, les jeunes de Djanet sont durant les six mois de l'année réduits à la contrebande et les six autres mois à lutter pour un travail comme chauffeurs, guides, cuisiniers ou interprètes pour une agence de tourisme. Une situation qui a engendré un profond malaise et à maintes fois une grande colère exprimée notamment par de violentes émeutes. La confiance entre la population et les dirigeants locaux n'existe plus. Plus personne ne croit aux promesses, à plus forte raison lorsqu'elles sont faites à la veille des rendez-vous électoraux. La forte abstention ayant marqué le dernier scrutin législatif hante l'esprit des partis qui vont prendre part aux élections locales prévues le 29 novembre 2007. Les panneaux d'affichage dans les rues principales sont pratiquement vierges. Les quelques affiches collées par-ci par-là par des jeunes payés à la journée sont griffonnées ou carrément déchirées. Signe d'une flagrante rupture avec tout ce qui symbolise le pouvoir. Parce que les APC, pour les citoyens, incarnent le régime qui les a marginalisés, rien n'a été fait pour développer leur région et améliorer leurs conditions de vie. Le pouvoir d'achat est tellement élevé que la pauvreté est perceptible à l'œil nu. Ceux qui entrent au marché de la ville pour la première fois sont choqués par non seulement la mauvaise qualité des fruits et légumes mais aussi par les prix exorbitants. Ici, la pomme de terre, qui a fait trembler le gouvernement lorsqu'elle a atteint 75 DA le kg à Alger, a largement dépassé les 100 DA le kg. L'oignon, la courgette, la carotte et le navet sont affichés à 100 DA, alors que la tomate a atteint les 120 DA. Même les produits de large consommation, subventionnés par l'Etat, comme le lait, flambent à Djanet. Ainsi, une boite de lait en poudre coûte... environ 300 DA et celle pour bébé est à 280 DA. La marque Nespray (pour adulte) dépasse la barre des 350 DA le paquet. Pour ce qui est des viandes, le marché connaît une véritable frénésie. Le poulet est vendu à raison de 350 DA le kg, la viande de mouton entre 600 et 700 DA kg et celle de brebis à 600 DA le kg. De quoi réduire toute une population à une paupérisation certaine, voire à la misère. Même les cadres qui travaillent dans les administrations affirment ne pas réussir à joindre les deux bouts avec la cherté des produits alimentaires. Rencontré dans son petit magasin d'artisanat, Salah Ben Sidi Ali Tikaoui, un notable, la soixantaine passée, ne manque pas d'exprimer sa colère, et à travers elle, celle de tous ses compatriotes. « Notre région a de tout temps été marginalisée. Elle regorge de ressources inestimables qui ne profitent pas à ses habitants mais à ceux du Nord. Comment expliquer que nous achetons le lait à 300 DA le paquet, alors que vous au Nord vous l'achetez à 150 DA ? Comment se fait-il que nous achetons le kg de datte à 350 DA/kg ? La vie est tellement chère ici que les jeunes sont souvent obligés de verser dans la contrebande pour arriver à vivre décemment. Les sociétés pétrolières préfèrent la main-d'œuvre du Nord à celle du Sud... », dit-il. Il affirme que Djanet vit depuis trois ans une situation de sécheresse qui a poussé des dizaines d'éleveurs à abattre leur cheptel. Durant toute cette période, note-t-il, les autorités n'ont pas bougé le petit doigt alors que la région est en train « de basculer vers une catastrophe écologique ». Il explique que les Touareg du Tassili n'Ajjer vivent en général de l'élevage de brebis et de chameaux et depuis quelques années de moutons. L'absence de pluie depuis l'hiver 2004 a réduit sensiblement les espaces de pâturage et d'abreuvement. « J'ai vu des éleveurs abattre leurs brebis et les manger par la suite, parce qu'ils ne pouvaient continuer à les garder. Dans cette région, les gens vivent dans la roche, sans eau et sans nourriture. lls sont les oubliés du système et ils résistent. Mais leur patience a des limites. Les dernières émeutes pour l'emploi n'ont malheureusement pas été comprises. Les autorités gèrent les crises par des promesses, rien que des promesses. Il y a quelques mois, des jeunes ont demandé à être écoutés par le wali. Ce dernier n'a pas daigné donné suite à leurs doléances. Je l'ai moi-même sollicité. En vain. J'ai alors saisi le Premier ministre mais ma demande est restée sans suite. J'ai décidé d'écrire au président de la République et quelques jours plus tard, le chef du gouvernement a écrit au wali et lui a fait injonction de me recevoir. Le wali a demandé à ses administrés d'organiser une rencontre avec la société civile, notamment les associations de jeunes. Moi et certains autres notables avons évité le pire. Tout le monde voulait venir pour exprimer sa colère contre lui. Encore une fois, le problème de chômage a été soulevé, mais à ce jour, soit plus de six mois, rien n'a été fait. Des listes de jeunes à embaucher ont été remises et les candidats attendent toujours. » Pour constater de visu la situation de paupérisation dans laquelle se débat la population, il faut faire une visite à la petite localité de Tayni Aghoum, située à 12 km de Djanet.
« Nous voulons être comme les citoyens du Nord »
Les gens vivent dans le dénuement le plus total. Ayant pour nourriture quelques stocks de dattes dures, la population, pour la plupart des femmes, des enfants en bas âge et des vieux (les jeunes ayant préféré fuir la situation), vit en petits groupes d'éleveurs de chèvres très maigres. « Si la situation continue, nous serons dans l'obligation d'abattre le peu qui nous reste. Le cheptel nous coûte très cher et la moitié a déjà été emportée à cause de la rareté du pâturage et de l'eau. Nous avons fait état de nos préoccupations, notamment pour l'installation de forages, puisqu'il y a de l'eau, mais en vain. Nos familles sont menacées de famine », lance un vieux targui, en regardant quelques brebis affectées ne pouvant plus bouger. Cette famille nous demande avec insistance d'immortaliser la scène de ces deux chèvres qui viennent de mourir pour la transmettre aux décideurs. « Après la mort de ces deux brebis, notre tour viendra. Dites-leur que nous voulons vivre décemment comme tous les autres Algériens du Nord. Notre quotidien ne peut continuer à être fait éternellement que de souffrances », lance le vieil homme d'une voix coléreuse. M. Tikaoui n'a pas tort de parler de profond malaise chez la population. Il s'interroge : « A qui ont profité les budgets colossaux dégagés par l'Etat pour la relance économique de la région ? Le gaz dont regorge la région alimente directement le Nord, alors que des milliers de foyers se chauffent encore au gaz butane acheté à raison de 500 DA l'unité, ou au bois très rare à trouver et dont la collecte nécessite des kilomètres à pied. Le seul créneau, très porteur et qui reste encore à la traîne, est le tourisme. A peine a-t-il démarré en 2000 voilà que l'affaire de l'enlèvement des 32 touristes allemands en 2003 a freiné son élan. Djanet, ce musée à ciel ouvert, est privée de ses visiteurs. De 3500 à 4000 touristes par an, la moyenne est réduite à quelques centaines seulement en 2004. Mais des efforts sont fournis par les agences de tourisme qui poussent comme des champignons pour dévoiler aux adeptes du désert la féérique capitale du Tassili n'Ajjer, une chaîne de montagne de quelque 80 000 km2, et les plus importantes gravures rupestres et plus vielles peintures (rupestres) au monde. Les parcours touristiques sont tous sécurisés, pour peu que les visiteurs soient accompagnés de guides de la région qui sont en général employés par les agences de tourisme. La saison en cours semble être prometteuse. La visite du roi d'Espagne Juan Carlos et de son épouse, au mois de mars dernier, a été une bonne publicité pour les inscriptions. L'attentat manqué contre l'aéroport de Djanet aurait pu tuer dans l'œuf la saison touristique, mais fort heureusement la venue du président allemand quelques jours après à Djanet a été d'un grand secours. Les annulations ont été très rares et les inscriptions de nouveaux groupes, surtout allemands et japonais, se sont multipliées. Mais ce secteur névralgique pour le Sud semble totalement marginalisé par les autorités. Les aides de l'Etat pour le remettre sur rails sont quasiment inexistantes ni en matière de publicité sur les trésors que recèle le Sud, surtout dans les ambassades algériennes à l'étranger, ni en matière de facilitation des procédures de visas et d'entrée des touristes en Algérie. A cela s'ajoute le manque flagrant d'infrastructures d'accueil, notamment les auberges et les hôtels sahariens, lesquels sont principalement axés sur les villes du Nord. Des prospectus rappelant aux touristes leurs obligations en matière de protection de la nature et l'interdiction de déplacer, de prendre ou de saccager des objets trouvés sur leur passage, sont remis gratuitement au niveau de l'aéroport de Djanet. Elaborés récemment par l'Office national du parc du Tassili (ONPT), ils ont été rapidement épuisés par les groupes de touristes. Avec une superficie de 80 000 km2, le parc est un musée à ciel ouvert qui emploie 126 agents de conservation pour contrôler un espace difficile à maîtriser. Son directeur, Amokrane Salah, estime que les moyens actuels sont en deçà des capacités nécessaires pour assurer le contrôle vue l'immensité des lieux. Il reste néanmoins optimiste quant à une prise en charge optimale, avec la livraison prochaine de 17 véhicules 4x4, et compte sur l'implication de tous les intervenants dans la protection du parc. « C'est notre patrimoine à tous. Nous l'avons emprunté à nos ancêtres pour le remettre aux générations futures dans l'état où nous l'avons eu. Sa protection engage une responsabilité individuelle, collective et institutionnelle. Tout le monde est donc concerné, pas uniquement les agents du parc. » En tout cas, cette richesse naturelle inépuisable, plus importante que le pétrole ou le gaz, est la seule à même de faire sortir Djanet de son isolement et de promouvoir un développement durable, sans passer par les services de responsables locaux aux appétits voraces et aux discours creux. Les jeunes de Djanet s'identifient tous à cette vache, illustrée par leurs ancêtres il y a plus de 10 000 ans, et qui fascine depuis des décennies ses visiteurs avec les larmes qui coulent de ses yeux. « Elle pleure le sort réservé à Djanet et à ses habitants... », explique ironiquement l'un d'entre eux.


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