Ravalement de façades. Depuis l'indépendance, cette pratique fondamentalement hygiénique, est intimement liée aux visites officielles, alors que les couches de peinture se comptent selon le standing de l'hôte du jour. La dernière visite du président, en compagnie de son homologue français Nicolas Sarkozy, n'a pas dérogé à cette règle de bienséance ponctuelle, ni manqué de forcer l'humour de la rue constantinoise, tant le zèle a frisé cette fois le ridicule. C'est que les coups de pinceau qui rendent les murs de la ville un peu moins hideux, ont choisi de se frotter uniquement, exclusivement, aux murs se trouvant sur l'itinéraire tracé pour les visiteurs VIP. A force de passer sous les coups de pinceau des artisans maquilleurs, ces murs sont devenus eux même des murs VIP. Voilà qui leur donne alors le droit de snober les autres murs qui eux, tournent le dos aux convois mémorables et se placent par malheur, en marge de l'Histoire. Au lendemain de la visite présidentielle, les Constantinois, qui se mêlent de ce qui les regardent, se grattent le chef, l'œil rivé sur les façades mi-figue mi-raisin des immeubles du centre-ville, en s'interrogeant sérieusement sur les causes possibles et imaginables de cet épiphénomène. En voici quelques échantillons de leurs conclusions:1/ Il s'agit d'un nouveau concept esthétique que la DG de l'OPGI a emprunté à l'école post-moderne. 2/ Une nouvelle hausse des prix sur le marché mondial a provoqué une pénurie de peinture sur le marché local. 3/ Par souci de parcimonie les autorités ont choisi de sélectionner et peindre un mur sur deux.4/ L'autre moitié des murs est laissée à la charge de la nouvelle APC, dans le cadre de ses missions définies par le wali. Au bout du compte, depuis quelques jours, nous avons un centre-ville avec deux visages. Un côté cour et un côté jardin. Une Constantine qui brille, et une autre qui repousse. Enfin, l'envers du décor n'est-il pas à la mesure de ce que nous valons aux yeux de ceux qui nous gouvernent ? En ceci, la visite a été une totale réussite.
