On aura attendu fiévreusement l'avènement de la nuit du Destin, celle par qui arrivent tous les espoirs ? Ce soir-là, les prières et louanges redoublent d'intensité ; à qui mieux transmettra ses vœux de bonheur et de prospérité. Dans l'expectative de cette fatidique échéance spirituelle, on s'acharne à jouer des coudes pour faire des achats et préparer la rentrée scolaire des enfants. Ce n'est guère chose aisée, le budget du mois de Ramadhan arrive à expiration, une autre rallonge financière et à prévoir pour la fête de l'Aïd. Du côté du très populaire marché d'Amar El Kama, les tréteaux pleins à craquer d'habits vestimentaires neuf de marque étrangère sont exposés à des prix exorbitants. On ne rechigne plus sur le porte-monnaie, les gens mettent le paquet pour satisfaire leur rejetons, qu'importe la manière l'essentiel et de s'arracher la toute dernière paire de chaussures. On fait crédit, parfois l'indulgence du revendeur et là pour obtenir un calendrier de payement. Dans cette vie de bazar, on perd son latin. Il y a même des prix qui dépassent toute entendement des godasses « griffa » font plus de 15.000 DA. Le gain d'un smicard. La frénésie des achats à atteint son pic le soir venu après la rupture, le Ramadhan change de décor pour laisser place aux veillées à la boqala et bien sûr à la course aux dépenses. Heureux celui qui vantera la plus belle panoplie au voisin pour entretenir une compétitivité malsaine au détriment du pouvoir d'achat. Tard jusqu'au petit matin, Alger ne vibre que sur les emplettes de l'Aïd. Les commerçants font le plein en renouvellant leur stock vestimentaire à un rythme effréné. Désormais, les gens n'attendront pas le tout dernier jour pour faire des affaires, de peur de ne trouver chaussure à leur pied, ils préfèrent se saigner que de risquer d'arriver trop tard. Dans cette farandole nocturne, il y a bien sur le côté jardin du faste ramadhanesque avec les soirées culturelles. Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs, du côté de la salle Mougar, un programme spécial Chaabi tranche froidement avec la cohue populaire de la rue. Façon de dire : « Fais-moi rêver aujourd'hui et tue-moi demain ». Un dicton andalou qui altère la très torride fièvre des achats. Demain est un autre jour, la vie spirituelle continuera de battre encore, à quelques encablures de Leilate El Qadr, on tâchera de Quémander la Rahma pour que puisse profiter les démunis de la manne du ciel...