Tout est leurre dans ce qui est communément appelé les « révolutions arabes » qui se sont, en finalité, révélées aussi chimériques pour les peuples arabes que destructrices pour les Etats nationaux. A commencer, d'abord, par la vanité du concept qu'il a fortement et totalement récusé pour lui substituer l'appellation pragmatique de « conflits internes » qui renvoient à la réalité dramatique du monde arabe des frustrations cumulées et du monumental ratage politique, idéologique et économique. « Il n'y a pas de printemps, mais plutôt un automne brumeux qui ne contient aucune joie », souligne le professeur, grand expert, s'il en faut, des questions du monde arabe qualifié, plus exactement, de « système régional arabe ». Dans l'identification des « causes profondes » de la faillite de ce « système régional », par delà les aspects spécifiques à chacune de ses composantes, le conférencier a usé d'une approche pédagogique innovante. Elle s'inspire, dans le cas algérien traité dans un ouvrage, de la fameuse interview du candidat virtuel à la présidentielle, déclinant dans un programme la vision d'ensemble sur les « dysfonctionnements » et les nécessaires réformes de la survie. La même démarche commande la radioscopie du « jeune Arabe » bouleversé par l'image répugnante du « monde arabe » de la mystification malade de la vieille nostalgie de l'Andalousie irrémédiablement perdue. Pour l'Alhambra de l'âge d'or tant rêvé, combien d'autres « Andalousie » perdues en Palestine occupée, en Irak démembré, en Libye envahie et en Syrie agressée ? Le triptyque légitimante a volé en éclats dans ce que Mahmoudi considère comme « les leurres de l'unité arabe, le parachèvement de la décolonisation palestinienne et le développement économique ». Le monde arabe de « l'interconflicualité », organisant les clivages politiques (progressistes et conservateurs, modérés et radicaux) et idéologiques (le baathisme en Syrie et en Irak) et reléguant à l'arrière-plan la primauté du conflit israélo-arabe soumis au traitement partial des conflits régionaux (israélo-syrien, israélo-libanais, israélo-palestinien), a provoqué des fractures dans un ensemble affaibli par des « scénarii élaborés ailleurs pour des gains israéliens ». Des fractures qui, en ce temps du GMO destructeur, prennent la forme des rivalités arabo-perses et des schismes, confessionnels, communautaires et tribaux. Si la Palestine marginalisée est la victime du monde arabe décomposé, le pétrole de l'illusion de richesse et du non-développement a fait le lit du mécontentement social. Pis : « toute alternative de changement, illustrée par la proposition algérienne de nouvel ordre économique international, a été fortement combattue par les pays du Golfe privilégiant, y compris dans le cas de l'arme du pétrole, la satisfaction de leurs intérêts nationaux au détriment des besoins de la stratégie globale ». La crise du « système régional arabe » procède, selon le professeur Mahmoudi, de la rupture du contrat qui fonde la base de la stabilité et s'exprime en rejet total de la « chose politique » représenté par le cri de ralliement collectif « dégage ». Elle naît et se développe, dit-il, dans la perte de l'équilibre de ce contrat validé par la quête de « légitimité interne », conçue en termes de réponse aux attentes sociales, et la nécessaire adaptation aux exigences de la « légitimité externe ». L'« automne brumeux » arabe, pliant sous l'étendard du GMO (Grand Moyen-Orient) de la balkanisation en marche, est fondamentalement l'expression de la mondialisation-uniformisation, dans sa forme la plus barbare, avide de sang et de pétrole. Il scelle le pacte de l'empire et de l'islamisme politique sorti des laboratoires américains, comme l'a reconnu explicitement, il y a une semaine, devant le Sénat, la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Hillary Clinton.