Le livre scolaire est devenu, ces dernières années, une véritable source de contrariété et de tracas. Depuis la nouvelle réforme de l'éducation, ce sont de nouveaux manuels qui ont fait leur apparition. Au tout début, il y avait pénurie, retard à la fabrication et mauvaise gestion de la distribution. Cette année, ils sont là mais coûtent chers. Redoutant de ne pouvoir concilier entre les fournitures scolaires, l'habillement et les inscriptions beaucoup de parents ont opté pour l'achat de livres scolaires d'occasion. Pour les trouver, ils font appel à d'anciens voisins, passent le mot à des amis, à des connaissances. Même les écoliers s'y mettent. En effet, ils s'arrangent entre eux pour échanger les livres. Ceux qui passent en classes supérieures laissent leurs bouquins aux plus jeunes et ça tourne. Pour ceux qui ne peuvent se permettre, ils optent carrément pour la vente de leurs bouquins mais à des prix raisonnables, soit beaucoup moins chers à ceux proposés dans les établissements spécialisés et autres points de vente. De la sorte, les parents déboursent moins et les élèves entament leur année scolaire en toute quiétude. A la fin de chaque cycle ils vendent leurs bouquins pour en acheter d'autres, neufs ou d'occasion. Sakina est une mère de famille. Deux de ses enfants seront scolarisés cette année. Pour faire face aux dépenses, elle a fait appel à sa sœur dont les enfants dépassent les siens d'une classe. « Mes neveux ont pensé à leurs cousins et lui ont laissé leurs livres scolaires », dira-t-elle. « C'est devenu une sorte de tradition dans la famille où chacun pense aux enfants pour leur octroyer des livres et leur éviter de dépenser davantage », s'est-elle félicitée. Même cas de figure chez la famille Djemaa dont les enfants sont scolarisés dans les cycles primaire, moyen et secondaire. De ce fait, cette famille est très sollicitée car les enfants échangent leurs bouquins avec leurs amis du quartier. « Cela nous permet d'aider les démunis et leur permettre d'investir dans autre chose », dira Karim l'aîné des enfants. « Mon frère est au lycée. Il a cumulé les bouquins de trois années qu'il va échanger avec des voisins de quartiers inscrits au collège et le frère du collégien bénéficiaire lui léguera les livres du lycée », a-t-il précisé. « Les livres sont en très bon état », a-t-il ajouté. Tous les moyens sont bons pour communiquer Pour faciliter la tâche, chaque année, beaucoup de comités de quartiers s'organisent et lancent un appel pour la collecte de livres scolaires en bon état. Mieux encore. Plusieurs annonces sont accrochées sur les murs des kiosques, des quartiers et même dans les autocars. Des numéros de téléphones sont notés pour faciliter le contact et discuter les prix en cas de vente. Par ailleurs, on trouve aussi dans Alger des vendeurs à la sauvette qui se sont spécialisés dans la vente des livres scolaires d'occasion. Comme c'est le cas de Mohammed. Ce quadragénaire a élu « domicile » au quartier Marengo de Bab El Oued dans une artère commerçante pour exposer ses ouvrages. Cela fait quelques années, que ce monsieur est ici. Connu par tous, il propose des ouvrages scolaires sur commande. Ceux qui veulent le contacter n'ont qu'à faire un crochet chez le vendeur de tabacs et de journaux du coin ou bien se déplacer au niveau de son point de vente chaque jour à partir de 13h sauf le vendredi. « Je dispose des livres scolaires de tous les paliers et toutes les matières », s'est vanté Mohammed. « Le prix du lot de 10 à 12 bouquins d'occasion ne dépassent pas les 2500 DA quoique le prix peut grimper en fonction du prix de la vente en gros », a-t-il ajouté. Et de dire : « Les livres neufs, restent toutefois chers ». S'agissant de la provenance des livres, Mohammed qui a surnommé son point de vente « Les Livres des Trois Marches » a refusé de dévoiler son fournisseur. « C'est un secret professionnel », a-t-il ironisé. Le pouvoir d'achat des parents d'élèves majoritairement fonctionnaires ou sans emploi ne leur permet pas d'acheter des livres pour deux, trois, voire quatre enfants scolarisés. Leur ultime recours : se rabattre sur les livres d'occasion.