Les lendemains qui chantent, scandés par la rébellion, et les slogans démocratiques, portés à bout de bras par l'opposition, promettaient, plus ou moins légitimement, un avenir radieux à ce pays géré d'une main de fer, 42 ans durant, par l'ancien Guide de la Révolution. Mais le « printemps arabe », tel que concocté par les rebelles, du haut des porte-avions de l'Otan, s'est, très vite, heurté à la réalité sécuritaire, politique et géopolitique que tout changement de régime engendre dans son sillage. Instabilité politique, détérioration de la situation sécuritaire, crispations minoritaires et tribales, revendications territoriales, désintégration sociale, tels sont, aujourd'hui, les signes apparents d'une transition encore balbutiante, otage des desseins de l'ensemble des acteurs, étrangers ou non, impliqués dans la crise. Sur le plan politique, la situation est tout simplement chaotique. Le récent et bref enlèvement du Premier ministre, Ali Zeïdan, par une brigade dépendant officieusement du ministère de l'Intérieur, a publiquement mis à nu l'impasse politique et, surtout, la crise de légitimité autour de laquelle se battent toutes les parties engagées dans la transition, militaires et politiques. Autre souci majeur : le processus électoral se prépare dans un contexte difficile. La commission électorale a annoncé, récemment, le début de la préparation de son deuxième scrutin pour élire une commission constitutionnelle, sans qu'aucune date ne soit fixée pour ces élections. Le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique du pays, avait pour mission initiale de conduire le pays, en 18 mois, à des élections générales après la rédaction d'une Constitution établissant la nature du régime politique. Selon ce calendrier, le mandat du CGN doit s'achever en février prochain, mais son porte-parole a laissé entendre récemment qu'il pourrait prolonger son mandat. Une perspective qui ne fait pas l'unanimité, et qui risque, selon plusieurs observateurs politiques libyens, d'enfoncer le pays dans la crise. L'Alliance des forces nationales (AFN, libérale), la principale formation politique du Congrès, s'est vigoureusement opposée à cette option, exigeant « une feuille de route claire mettant fin à la période de transition ». La rivalité entre les libéraux et les islamistes, deuxième force politique dans le CGN, n'est pas la seule raison à même de faire capoter la transition. Car, s'il y a bien une partie qui souffle le chaud et le froid sur l'échiquier politique, ce sont incontestablement les dizaines de milices armées. Formées sur des bases idéologiques, régionales ou tribales, elles n'obéissent qu'à leurs propres intérêts, se livrant régulièrement à la violence. L'impuissance des autorités centrales à les déposséder de leurs armes ou les intégrer dans la très fragile armée libyenne, n'a fait qu'accroître leur poids politique. Rivalisant dans l'espoir de parvenir à plus de pouvoir, ces anciens rebelles font régner la terreur sur le pays à travers des actes de violence sans précédent, visant, notamment, les ambassades étrangères, surtout occidentales (USA, France, Suède, Russie...) Par ailleurs, de nombreux pays, l'Algérie en tête, avaient mis en garde contre l'enracinement et la propagation du djihadisme islamiste, qui a bénéficié d'un arsenal militaire au lendemain de la chute de l'ancien régime. La situation géographique de la Libye, qui s'étend vers le sud notamment et se connecte avec la région du Sahel, véritable poudrière terroriste, fait aujourd'hui de ce pays une base importante pour les différents groupes djihadites, notamment ceux opérant sous le label d'Al Qaïda.