Pour l'immense majorité d'entre eux, le week-end ne sera pas que simples journées chômées et payées. Celles-ci seront surtout des moments de joie dans le cœur des adeptes de la dernière religion revelée. De Rabat à Jakarta, des millions de personnes, au-delà de la variété des races et des différences de langues, accompliront le même geste. La saveur de l'Aïd ne sera pas seulement ressentie par les enfants parés pour la circonstance de beaux habits. Si la joie des plus grands n'est pas démonstrative, elle est tout aussi intense et réelle. Eux aussi apprécient les retrouvailles amicales ou familiales que seule une occasion pareille peut susciter. Couplée avec le déroulement des rites du pèlerinage, un autre pilier de l'islam, la fête de l'Aïd s'avère partout un moment de joie et de recueillement. Même les Algériens installés à l'étranger vivent cette fête comme un moment de ressourcement. Un homme est comme l'arbre. Il peut perdre ses feuilles ou laisser se déployer ses branches. Il ne peut se déraciner sans courir le risque de s'étioler ou de mourir. Ni les pauvres, ni les malades, ni les morts ne sont oubliés en pareille circonstance qui est un symbole identitaire fort. L'islam se manifeste ainsi dans la beauté et la splendeur multiple de ses enseignements. Loin de porter une quelconque violence à laquelle le réduisent trop souvent ses ennemis ou ceux qui le méconnaissent, il se révèle comme gestes d'entraide, de penchants humanistes. Le sens de la communauté permet de redécouvrir les valeurs de solidarité et de relativiser la richesse éphémère. L'Aïd ne se réduit pas aux ripailles et au gaspillage mais interpelle les consciences et invite à l'introspection. La communauté des croyants se retrouvera dans la communion pour se pardonner les fautes et partager les biens et l'espérance en des lendemains meilleurs. Des vœux de santé seront échangés partout. Les prières en partage vont s'élever des mosquées pour que la communauté musulmane retrouve la quiétude dont elle s'est trouvé dépourvue depuis quelques années. Dans les villes et villages, les signes avant-coureurs de la fête sont perceptibles. Des places publiques et des abords de route ont pris les allures de marchés de bétail. La fébrilité est aussi dans les foyers où l'on s'affaire à préparer l'événement. Malgré les difficultés, les prix élevés des produits alimentaires, les Algériens ne renoncent pas à fêter cette journée à la symbolique forte. Ils vont reproduire le geste célèbre et perpétuer l'acte de Sidna Ibrahim, que sa dévotion poussa à l'extrême. Il a voulu sacrifier son fils Ismaël avant qu'Allah, l'ayant éprouvé, lui envoie à sa place un bélier. L'Aïd est un événement religieux mais aussi social. Il révèle les fragilités de nombreux ménages que l'accumulation de dépenses met dans des positions inconfortables. Il a pourtant gardé sa sacralité et il mérite bien des sacrifices. Pour beaucoup, l'Aïd a certes perdu certaines de ses caractéristiques et de ses attraits. La spéculation et les fausses dévotions ont altéré son sens et dénaturé sa signification originelle. Il n'en demeure pas moins un jour à nul autre pareil. Saha Aïdkoum, le mot qui sera sur toutes les lèvres demain suffit à résumer la propension à la bonté qui demeure le premier attribut de l'Aïd.