L'engouement croissant du continent africain pour « sa » musique, contemporaine, innovante et désormais bien loin des clichés des griots, redonne des couleurs à une industrie touchée de plein fouet par le piratage et la chute des ventes de disques. « L'industrie musicale africaine est florissante », se réjouissait récemment le vice-président de Viacom International Media Networks Africa. « Sa croissance est le fait d'artistes innovants, qui cassent les frontières et parviennent à séduire, avec leur musique, énormément de jeunes Africains », explique-t-il. Traduction immédiate, les revenus de leur succès, notamment dans les concerts, ont enregistré une forte croissance dans plusieurs pays, confirme une récente enquête. Au Nigeria, le pays le plus peuplé du continent, l'industrie musicale a généré en 2015 un chiffre d'affaires de 47 millions de dollars, en hausse de 6,4% sur l'année précédente. Et les prévisions pour les années à venir sont encourageantes. Le marché nigérian de la musique va augmenter à un taux annuel d'environ 13%, et au Kenya de 9,3%. La jeunesse du continent africain - 200 millions de 15-24 ans avides de clips et de concerts - nourrit cette croissance. La musique live est le secteur qui s'en sort très bien ces cinq dernières années. Les gens sont prêts à débourser beaucoup d'argent pour assister à un concert. Rock touareg Les musiciens afro pop nigérians Yemi Alade et Wizkid, le DJ afro house sud-africain Black Coffee, le Kenyan Sauti Sol ou encore Diamond, gourou tanzanien du hip hop, se sont imposés. Au-delà de la seule vitalité de son marché, le succès de la scène musicale africaine s'explique aussi par sa transformation. « Il y a vingt ans, on s'intéressait aux griots chanteurs, au côté traditionnel. Ce qui séduit aujourd'hui, c'est la capacité des musiciens à fusionner avec les autres genres », explique Claire Henocque, qui organise tournées et concerts pour plusieurs artistes africains. « Il y a par exemple un rock touareg », ajoute-t-elle, « on découvre en Afrique des sons qui parlent à tous les publics ». « On voit beaucoup d'artistes africains en tournée à l'étranger », constate, pour sa part, le vice-président de la chaîne de télévision musicale Trace-TV Southern Africa. Le Sud-Africain Black Coffee et les Nigérians D-Banj, Don Jazzy et Tiwa Savage ont ainsi réussi à s'imposer face à des légendes comme le Sénégalais Youssou N'Dour ou le trompettiste de jazz sud-africain Hugh Masekela, et à décrocher des collaborations avec des stars comme le rappeur américain Jay Z. « On voit maintenant l'influence de la musique africaine dans la musique américaine. Ecoutez par exemple Drake, le rappeur canadien », constate-t-il. « Je pense toujours aux bateaux chargés d'esclaves qui ont quitté le continent africain. Ces hommes et femmes sont partis avec le rythme des tambours en tête, et ce rythme là continue à voyager dans le monde, aujourd'hui encore », ajoute le diffuseur.