Photo : Fouad S. Chez les jeunes réalisateurs, participant au 11ème festival du film amazigh qui se tient actuellement à Azeffoun, les idées ne manquent pas ! Certes, la technique et l'esthétique restent à corriger, mais les initiatives sont là. Parmi les projections qui se sont déroulées lundi dernier, en course pour l'olivier d'or, deux films ont attiré l'attention, tous deux inscrits dans le registre historique. «Paroles d'un prisonnier de l'ALN», de Salim Aggar, et «Concerto pour deux mémoires», d'Embarek Menad. Les deux réalisateurs apportent un plus sur l'histoire de l'Algérie. Salim Aggar fait parler René Rouby, un enseignant français chargé, à l'époque, «d'éduquer» les enfants des «indigènes» avant d'être enlevé par les soldats de l'ALN, sous les ordres du colonel Amirouche. Avec beaucoup d'humour, il raconte son «séjour» dans les montagnes de la Kabylie. «Par la suite, j'ai su que la France n'avait rien entrepris pour me libérer et libérer les autres prisonniers qui étaient avec moi. Pis, une fois libérés par la bonne grâce de l'ALN, la France nous a pistés durant 5 ans. Elle se méfiait de nous car elle ne comprenait pas pourquoi nous avons été libérés alors que nous devions être exécutés!», raconte-t-il. Avec émotion, il évoque Mokrane, son ange gardien. «C'était mon sauveur. Durant les longues marches, qui ont coûté la vie de certains d'entre- nous, morts d'épuisement, il me soutenait, me ramassait quand je tombais. A la fin, il m'a dit que je lui rappelais son fils qui devait avoir mon âge, 20 ans», se souvient-il. Un «séjour» mémorable qui l'a marqué à vie et lui a ouvert les yeux sur le véritable visage de la France. Car c'est là qu'il a pris conscience de l'horrible réalité où son pays ne tenait pas le beau rôle ! «J'avais faim et j'étais épuisé. Mais les «fellagas» aussi. Je n'étais pas maltraité et j'avais peur d'eux mais aussi des militaires français qui nous traquaient. Ils partageaient tout avec nous, sauf les armes», se rappelle-t-il. Aujourd'hui, René n'a qu'un souhait : rencontrer les enfants de Mokrane. Dans son film, Salim Aggar a su associer le suspense et l'émotion et surtout, entretenir l'imagination. Pour cela, il a utilisé des séquences de films, «Patrouille à l'Est», notamment qui, curieusement, collent à l'histoire racontée par le prisonnier français. Une façon intelligente aussi d'alléger l'entretien en le coupant d'une manière telle qu'on a parfois l'impression d'assister à une fiction. En somme, un documentaire mis en scène ! L'autre film, tout aussi intéressant bien que le côté technique manque quelque peu de précision et le montage d'imagination, donne la parole à un rappelé français, Michel Tayssot, qui n'a jamais voulu faire la guerre à l'Algérie. Son récit est appuyé par des images filmées naïvement par ses soins ainsi que des photos qui nous plongent dans l'Algérie de l'époque. Des archives inestimables. Dans son film, le réalisateur a eu l'excellente idée de le confronter à un ancien moudjahid. Sans se heurter. L'ancien rappelé s'est chargé de se repentir à la place de la France, regrettant les crimes abominables commis par son pays.