Si l?orphelin ? leytim en arabe, agoujil en berbère ? est l'objet de la pitié des gens dans la tradition algérienne et maghrébine en général, c'est parce qu'il est le laissé-pour-compte de la société. Certes, il y a toujours quelqu'un dans la famille pour recueillir les démunis, mais l'orphelin sera toujours considéré comme un être malheureux, taillable et corvéable à merci, menacé, s?il possède des biens, d'être spolié par ses proches. L'orphelin de mère est tout aussi malheureux puisqu?il est rare que le père ne se remarie pas et les marâtres, comme dans les contes, n'aiment pas les beaux-enfants. En revanche, l'orphelin de père, même s?il doit affronter les pires difficultés, garde l?affection et le soutien de sa mère. «Si Dieu t?a ôté ton père, il ne t?a presque rien enlevé. En revanche, s?il t?a enlevé ta mère, il ne t'a rien laissé», dit un proverbe. Le lot de l'orphelin, même s?il n?est pas opprimé ou spolié, est donc la tristesse. «Ne recommande pas à un orphelin de pleurer», dit un proverbe kabyle. Autrement dit, c'est le propre de l?orphelin de pleurer et de se lamenter sur son sort. Et ce statut, l'orphelin le garde toute sa vie, ainsi que le laisse entendre un autre proverbe : «Orphelin même avec de la barbe.» L'orphelin, c?est aussi le malchanceux définitif. Quoi qu'il fasse, il est poursuivi par la poisse. C'est comme si le ciel, censé le protéger, l'avait lâché ; le bonheur et les réjouissances lui sont refusés. «Fi ?arsak, ya ytim, ghabû et?abalin» (à tes noces, ô orphelin, les joueurs de tambour ont quitté la ville), dit un proverbe algérois.