Tension n L'emblématique place Tahrir est désormais totalement rouverte à la circulation. «Je ne suis pas allée au travail pendant une semaine de crainte des violences. La situation est bien meilleure maintenant, les transports publics ont repris et je me sens beaucoup plus en sécurité», a indiqué un citoyen égyptien. Dans la capitale égyptienne, une mégalopole de 20 millions d'habitants bruyante et chaotique, la plupart des commerces ont rouvert dès dimanche. Les rues ont retrouvé leur animation alors qu'elles étaient désertes pendant les jours qui ont suivi le démantèlement, dans le sang, le 14 août de deux rassemblements permanents des Frères musulmans réclamant le rétablissement du président islamiste Mohamed Morsi destitué par l'armée et arrêté le 3 août. Le retour progressif à la vie a été favorisé par l'absence pendant plus d'une semaine d'affrontements violents au Caire, où un couvre-feu est en vigueur de 21h jusqu'à 6h. Les islamistes, visés par une campagne de répression, n'ont par ailleurs réussi à mobiliser que quelques milliers de manifestants, vendredi, dans la capitale. L'état d'urgence, dont la levée était un des acquis de la révolte qui a renversé début 2011 Hosni Moubarak, a été rétabli et reste en vigueur jusqu'à la mi-septembre dans la totalité des régions du pays le plus peuplé du monde arabe. Toutefois, le calme reste précaire en Egypte. La mort de 37 détenus reste toujours sans réponse et cela fait craindre une nouvelle recrudescence de la violence surtout que les familles des victimes attendent toujours que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Chérif Gamal Siyam a rendu l'âme dans un fourgon de la police égyptienne, asphyxié par des gaz lacrymogènes tirés à l'intérieur du véhicule le 18 août. Quelle que soit la raison pour laquelle il se trouvait Place Rabaa al-Adawiya ce jour-là, la suite des événements est décrite par tous de la même façon: arrêté, il est mort quatre jours plus tard avec 36 autres détenus, asphyxié dans un fourgon de police qui les transportait à la prison d'Abou Zaabal. Le gouvernement intérimaire affirme qu'aucune règle n'a été violée et le ministère de l'Intérieur a promis une enquête. Mais les défenseurs des droits de l'Homme et les proches des victimes font porter la responsabilité de ces morts aux autorités. La version officielle a évolué : l'agence Mena a commencé par évoquer un guet-apens d'hommes armés contre le véhicule. Plus tard, on a accusé les détenus d'avoir pris un policier en otage à l'intérieur du fourgon, ce qui a poussé ses collègues à tirer des grenades lacrymogènes. Le ministère de l'Intérieur a expliqué que certains prisonniers avaient été piétinés dans la bousculade. Oussama al-Mahdy, avocat et défenseur des droits de l'Homme, connaissait bien la victime, un ingénieur des télécommunications de 29 ans. En tant qu'avocat, il a vu bien des cadavres, mais ce jour-là, il a été très choqué: «les corps étaient extrêmement gonflés, les visages presque noirs.» Les visages noircis ont laissé certains penser que les corps avaient été brûlés. Face à ces spéculations, Priyanka Motaparthy, qui travaille pour Human Rights Watch, a montré les photos à un expert en médecine légale. Il a été surpris par l'état de décomposition des corps. Cependant, il a affirmé que l'état des corps pouvait être dû à de mauvaises conditions de conservation et que les taches sombres pouvaient provenir d'accumulations de sang. Mais selon les experts, il est relativement rare que les gaz lacrymogènes entraînent la mort. R. I. / Agences