Résumé de la 106e partie n Nul ne se doute que les forces physiques commencent à l'abandonner, mais que sa force morale ne fait qu'augmenter ! Je la sens décuplée par la fièvre amoureuse, par ma passion... Pourquoi n'as-tu pas encore compris, Denys ? Tu m'admires, je le sais, mais ça ne me suffit pas : je veux que tu m'aimes... Il y a longtemps que ce serait une réalité si cette Christiane n'était pas revenue se mettre entre toi et moi ! Maintenant l'heure de son châtiment a sonné : il est temps qu'elle expie enfin cet appel téléphonique qu'elle a eu l'affront de m'adresser un jour sous prétexte qu'elle avait besoin de ventouses alors qu'en réalité ce n'était qu'un moyen détourné de reprendre contact avec toi, Denys ! Un appel qui a failli bouleverser tous mes plans... Quand je revois en mémoire aujourd'hui la première séance du Comité, je me rends compte à quel point nous dûmes tous être ridicules aux yeux de Marcelle Davois ! Nous étions réunis pour discuter et donner nos avis respectifs sur des choses que nous ignorions complètement ! L'ignorance est presque toujours l'apanage des Comités... La seule personne compétente était Marcelle. Elle le prouva très vite. Après le discours inaugural du maire, qui fleurait bon la vulgaire réunion de conseil municipal, ce fut à mon tour de parler. Je me contentai, après avoir donné quelques statistiques d'ordre général sur le développement du cancer en France, de passer la parole à la secrétaire générale... Elle fut prodigieuse. Après avoir exposé les raisons qui nous avaient tous amenés à constituer ce comité - lutter contre la psychose grandissante et éclairer la population sur la nature exacte du mal, de façon à la rassurer - mon assistante développa les grandes lignes des différentes études qui seraient faites pendant la première année. Elle nous annonça aussi que les plus illustres spécialistes viendraient nous rendre visite : le professeur Berthet, par exemple, nous parlerait des différentes techniques d'irradiation du sein... Un autre nous donnerait des détails pratiques sur l'alimentation des cancéreux que nous risquions de découvrir dans nos propres familles... Un troisième nous raconterait les progrès considérables de la chimiothérapie aux Etats-Unis, etc. Tous les membres du Comité écoutaient avidement : que ce soit le chanoine Lefèvre ou Christiane, l'horticulteur Servais ou l'électricien Bernier, il n'y avait qu'à observer leurs regards et leurs visages tendus vers Marcelle Davois pour comprendre qu'ils étaient littéralement subjugués par son calme méthodique, fascinés par sa voix monocorde, envoûtés par sa présence diabolique. Ils subissaient comme moi ce rayonnement magnétique qui se dégageait d'elle quand elle parlait métier. J'entends encore résonner en moi l'étrange péroraison par laquelle Marcelle termina la lecture de son compte rendu de séance qui mettait le point final à notre première réunion. C'est un peu comme si je l'avais apprise par cœur, cette péroraison, sans le vouloir... et je pense qu'il a dû en être de même de toutes les autres personnes présentes. A suivre Guy des Cars