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Ainsi va la vie
Le retour de Leïla (1re partie)
Publié dans Info Soir le 01 - 11 - 2004

Nostalgie Mohamed retrouve la ville qu'il a quittée il y a une douzaine d'années et, avec elle, ses souvenirs.
Depuis son retour de l'étranger, c'est la première fois que Mohammed prend le temps de faire une descente dans la ville. Les rencontres avec ce qu'il appelle ses «partenaires» et les hautes personnalités ne lui ont pas laissé le temps de se délasser. Mais ce week- end, il a pris la décision de sortir, de revoir les lieux qu'il a tant aimé avant de partir pour un exil d'une douzaine d'années. Et puis, aussi, il veut se rappeler celle qu?il a aimée et qui, hélas, n'est plus de ce monde depuis également une douzaine d'années...
Il a comme un coup au c?ur : c'est dans ce salon de thé qu'ils ont pris leur premier pot. Il hésite un moment, puis se décide à entrer. C'était à cette place, se dit-il, ce ne sont pas les mêmes chaises, bien sûr, mais il croit que c'est la même table, du moins elle lui ressemble. Il s'y serait bien assis mais elle est occupée par un jeune couple, un garçon et une fille qui doivent avoir l?âge qu?ils avaient, à l?époque, Leïla et lui.
«Mon Dieu» laisse-t-il échapper involontairement.
La fille le regarde et lui sourit. Il détourne la tête et cherche une place. Il en trouve une, en face du jeune couple. Il s'assoit et se met à les regarder.
Le garçon ne lui ressemble pas et la fille ne ressemble pas à Leïla, mais il y a, dans leur façon de s'asseoir, de se regarder et de se sourire quelque chose qui lui rappelle sa jeunesse. C'est sans doute le fait qu'ils soient là à leur place, le fait aussi qu?ils s'aiment.
? Que voulez-vous prendre ?
Le garçon le fait sursauter.
? Euh, dit-il une gazouza, une limonade.
C'est ce qu'il avait dit quand le garçon de l'époque lui avait posé la question. Le garçon d'aujourd?hui sourit :
? Quelle gazouza, voulez-vous ?
? Euh, dit, une limonade, ce que vous avez... Le garçon sourit encore.
? Nous en avons de toutes sortes, monsieur, dit-il.
Et il lui en cite une bonne dizaine de marques. Mohamed est émerveillé : il n' y en avait pas tant à son époque. Il n?y avait que la marque locale disponible, et faute de mieux, on prenait. Il commande donc un soda et tandis que le garçon s?éloigne, il se replonge dans ses réflexions.
La ville a changé, le monde a changé et lui s'accroche toujours au passé. Comme il voudrait retourner en arrière, non seulement pour avoir de nouveau Leïla à ses côtés, mais surtout pour éviter ce jour fatidique où elle a perdu la vie. Il n'aurait pas pris la voiture, il ne l?aurait pas emmenée, il aurait évité ce stupide accident. Il a les larmes aux yeux. Hélas, on ne peut pas remonter dans le temps. Le garçon arrive avec le soda. Il le dépose devant lui.
? Combien ? demande-t-il, en se levant.
Le garçon le regarde, surpris, et lui dit le prix. Mohamed pose l?argent sur la table.
? Prenez le soda à ma santé, dit-il, et il s'en va. (à suivre...)


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