Le trousseau que l'époux offre à sa fiancée ? le fameux djhaz ? comporte toujours, outre les robes et les bijoux, des souliers. Des souliers de fête, pour porter avec les robes de soirée, mais aussi des souliers pour l'usage quotidien. Si ce présent, offert en même temps que les autres effets vestimentaires, passe aujourd'hui inaperçu, il avait, autrefois, une importance primordiale. Au début du XXe siècle encore, au mont Chenoua, dans la région de Tipaza, le fiancé devait offrir obligatoirement à sa fiancée et à ses parents un grand nombre de souliers : ce cadeau était appelé hirkasen, les «savates», qui est le même mot que arkas, soulier en berbère, que nous avons déjà évoqué. Le soulier représente ici la femme : si le mari le donne, c'est en compensation de la «vraie» femme qu'il va recevoir. Chez les Touareg, le don des sandales prend un sens caractéristique. Dans le système matrimonial targui, sa cousine maternelle (la fille de la s?ur de sa mère ; et non pas comme dans le Nord, la fille du frère du père) est l'épouse préférentielle et le cousin a sur elle comme un droit imprescriptible, ce qui a pour effet d?éloigner les autres prétendants. Mais les parents peuvent délier leur fille de ce droit en envoyant au cousin une paire de sandales. C?est une sorte de dédommagement matériel puisque les sandales sont souvent des chaussures de prix, mais il s'agit surtout d?un geste symbolique, la chaussure représentant la femme que l'on «livre» ainsi au cousin. Celui-ci en prenant le «cadeau», renonce, de ce fait, à sa cousine. Et ce renoncement, qui est fait devant témoin (celui qui apporte les sandales) est définitif et libère ainsi la femme d'une obligation.