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Histoires vraies
Le gardien-chef Colley n?a pas d?ordre (1re partie)
Publié dans Info Soir le 20 - 07 - 2005

Il est vieux, fatigué, morose. Il s?appelle Zamba. Jacobus Zamba. Il ne sait plus, depuis longtemps, comment va le monde, et ce qui se passe au-delà de ces murailles sombres. Il est en prison depuis plus de vingt ans, et ne compte plus les jours. Ils sont vingt ou trente par cellule, avec un lavabo et une tinette. C?est le Moyen Age en 1930. La prison de Colombus dans l?Ohio a été construite au temps des colons et rien n?a changé depuis. C?est une forteresse noire, épaisse et lugubre qui garde, dans ses flancs, quatre mille prisonniers, presque autant de rats, le double de cafards et vingt gardiens pour le tout.
Le hurlement de Jacobus Zamba va réveiller les quatre mille prisonniers, les vingt gardiens et faire courir les rats dans les paillasses. Il a hurlé à la mort : «Le feu, les gars, sur la droite, dans les cachots, j?ai vu de la fumée?
?T?es sûr ?
? Sûr, Le feu ! C?est le feu !»
Le mot passe de mur en mur, de barreau en barreau, court le long des couloirs, dégringole les escaliers de fer.
«Le feu?Le feu?Le feu...»
Une sorte de grondement l?accompagne, fait de centaines de pieds qui frappent en cadence, de poings qui cognent sur les guichets.
Jacobus saute après la fenêtre, s?y agrippe, écarquille les yeux et hurle de plus belle. Cette fois il a vu les flammes et un énorme nuage de fumée noire et épaisse.
L?agitation devient panique. Le grondement enfle, les cris se multiplient et la galopade des gardiens enfin réveillés, dans les couloirs, ne calme pas les détenus bien au contraire.
Là-haut, dans les combles, le gardien-chef s?acharne après le poste de TSF qui ne sert qu?en cas d?urgence.
Prison de Colombus en feu. Détenus en danger de mort, demande du secours urgent ? Allô, allô, gardien-chef Colley, prison de Colombus en feu ? demande de secours urgent?
La réponse arrive en quelques secondes :
Ne bougez pas. Ordre de ne pas évacuer. Les secours arrivent.
Ordre de ne pas évacuer : il ne faut pas lâcher dans la nature quatre mille prisonniers de droit commun, dont une bonne moitié d?assassins et de gangsters de la fine espèce. Alors, le gardien-chef Colley rassemble ses hommes, distribue les armes et les poste à l?entrée de chaque couloir de cellules, avec l?ordre formel, quoi qu?il arrive, de ne pas évacuer les prisonniers.
Il a abandonné le bâtiment des cachots où le feu a pris naissance. Une bonne dizaine de prisonniers condamnés à la réclusion y sont enfermés sans aucune possibilité d?accès.
Le feu gronde dans le couloir, et les flammes de plusieurs mètres font un barrage infranchissable. (à suivre...)


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