Tous les jours, de nombreux demandeurs d'emploi, après avoir frappé à toutes les portes, se postent sur les trottoirs et dans certains cafés, attendant d'éventuels recruteurs. Ceux-ci ne manquent généralement pas d'arriver et le travail avec, mais dans quelles conditions ? La détérioration du tissu industriel national, la faillite de centaines d'entreprises et l'ouverture sauvage du marché du travail ont généré de nouveaux modes caractérisés essentiellement par la précarité de l'emploi et la transgression des lois en vigueur. La crise sécuritaire qu'a traversée le pays durant la dernière décennie n'a fait qu'aggraver la situation. Selon un rapport établi par le Mouvement européen (organisme de recherche) en août 2005, 60% des emplois, en Algérie, sont précaires et informels. «L'emploi précaire se généralise de plus en plus en Algérie, à l'instar des autres pays de la rive sud de la Méditerranée, puisque la part du salariat a baissé de 65% en 2003 à 60% en 2004, alors que les emplois temporaires ont augmenté de 18% durant la même période», souligne le rapport. La croissance économique, sur la base des chiffres avancés par les pouvoirs publics, ne cesse d'enregistrer un essor important, grâce notamment à la hausse des prix des hydrocarbures, mais n'a rien apporté pour l'amélioration du monde de l'emploi et, par conséquent, des conditions de vie d'une grande partie des Algériens. La conversion de l'économie nationale de l'administré au libéral, en l'absence de stratégie et de planification, n'a, en effet, engendré que la généralisation de la pauvreté. Les tentatives timides d'assainissement du monde de l'emploi lancées par les pouvoirs publics ces dernières années sous diverses formes (Ansej, Cnac, préemploi…) restent, en dépit des déclarations lénifiantes des responsables, loin de «panser» une fracture devenue profonde et qui menace sérieusement la survie des citoyens. Le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, a indiqué récemment, lors du regroupement national de l'encadrement des services d'inspection du travail, que l'emploi non déclaré à la sécurité sociale constitue un phénomène à éradiquer. Il a en outre précisé que 14 000 procès-verbaux d'infraction au code du travail ont été dressés en 2005 sur la base de quelque 50 573 documents établis par les inspecteurs du travail lors de 80 696 visites sur des sites employant près de 4,5 millions de personnes. Sur les 8 063 entreprises contrôlées, 31,52% des employés ne sont pas déclarés, notamment dans le Btph et dans divers ateliers de production. Les chiffres avancés par le premier responsable du secteur, même s'ils sont loin de refléter la réalité du terrain, constituent des preuves inéluctables de l'ampleur que ne cesse de prendre «l'esclavage moderne». Les citoyens, livrés à eux-mêmes, n'ont d'autre voie de survie que de subir la loi du plus fort qui emploie des milliers d'entre eux, principalement dans des chantiers, sans les déclarer à la sécurité sociale. Un autre défi à relever pour les pouvoirs publics.