«Ça, c'est nous…» Avec son doigt pointé comme s'il nous montrait un chemin, Lamine B. parle de la nouvelle aérogare réservée aux lignes intérieures. Ouvrier professionnel catégorie 3, il y laisse son empreinte. Pour la vie. «J'ai cravaché des mois et des mois avec mes collègues de l'EPLA pour faire le montage de ces façades», dit-il fièrement, comme s'il parlait de sa propre maison. Pourtant, bien des années auparavant, il avait cessé d'aimer l'aéroport. «Quand j'ai vu les images atroces de l'attentat de 1992, je me suis dit que jamais je ne mettrai les pieds là-bas. Et si j'y suis aujourd'hui, c'est que j'ai apporté ma pierre à cet édifice», dira-t-il sur un ton de sagesse. Notre homme n'est pas le seul à se recueillir à la mémoire de ceux qui ont été tués. Une fonctionnaire d'Air Algérie l'a fait aussi. «J'ai un mot à dire sur cet aéroport : Allah yerham echouhada…» Un ancien militaire en partance pour Annaba lui aussi abonde dans le même sens. Il s'est dit avoir «la chair de poule» en foulant parmi les premiers le sol construit avec des matériaux importés d'Espagne : «Quand j'ai dépassé le scanner, la première image qui m'est venue en tête, a été celle des victimes de l'attentat. C'était fort comme sensation.» Fait curieux, hormis les réminiscences du passé, pas une stèle n'est érigée à la mémoire des victimes de l'effroyable carnage. Simple omission ou volonté délibérée de reléguer aux oubliettes cette partie de l'histoire de l'aéroport d'Alger, qui n'a plus sa place dans le faste et l'apparat ?