Des hommes issus du système ont fait valoir leur qualité de démocrates pour défendre des causes. Une frange de la classe politique algérienne ne s?accommode guère du seul qualificatif de «démocrate» comme si ce mot à lui seul ne pouvait suffire à rendre compte de l?identité qu?elle entend incarner. Aussi, cette classe se définit-elle comme «démocrate républicaine». Dans le contexte algérien, les républicains veulent s?opposer aux formations islamistes dont l?objectif reste l?instauration du califat. Mais la notion républicaine renvoie, historiquement parlant, au combat qu?a livré en France, dans le cadre de la Révolution de 1789, la bourgeoisie à la monarchie et à l?Eglise catholique en vue d?arracher les droits et les libertés pour la citoyenneté. En Algérie, la lutte antiterroriste aidant, les démocrates républicains se sont plus préoccupés de défendre la pureté idéologique que d?aider à faire fructifier les valeurs démocratiques dans la société. Si tant est que leur programme politique a consisté à s?opposer ostensiblement aux islamistes au point que cette opposition a fini par être assimilée à une profession de foi démocratique. Pour ainsi dire, est démocrate celle ou celui qui s?oppose à l?islamisme. Ce qui a permis à des démocrates de tout poil, notamment à ceux qui ont été à l?origine du Code de la famille, de s?engouffrer dans la brèche. Ayant été les premiers à comprendre que leurs rivaux ont abandonné la première cause qu?ils sont censés défendre, des hommes issus du système ont fait valoir leur qualité de démocrate s?estimant les plus à même d?incarner la lutte antiterroriste. Ainsi aux contingents de démocrates fournis par les traditionnels partis du MDS et du RCD, sont venus s?ajouter les nouvelles recrues du RND puis de l?ANR. Partisans de la non-compromission avec des forces sociales qu?ils suspectent de conservatisme, les républicains ne conçoivent pas de changement qui vaille en dehors de la toute-puissance de l?Etat. Trois tendances animent ce courant. La première, issue de l?opposition, s?organise autour du parti de Saïd Sadi, lequel entretient des relations plus ou moins conciliantes avec le pouvoir. L?ANR de Réda Malek, issue des sphères étatiques, a joint plus tard sa voix à ce courant. Chaque fois que l?occasion s?est présentée, et sous la promesse du changement, cette tendance a intégré les structures gouvernementales. La seconde tendance animée par le parti de Hachemi Cherif est en rupture de ban avec le système dont elle dénigre les options. Le MDS refuse, en effet, de prendre part à tout processus électoral qui ne soit pas assorti d?un plan pour sortir le pays de l?emprise à la fois de l?islamisme et du système rentier. La troisième tendance, incarnée par le parti d?Ahmed Ouyahia, est un conglomérat d?hommes du système. Bien que cultivant un discours anti-intégriste, le RND n?en cautionne pas moins le statu quo en tournant le dos aux acteurs sociaux et aux syndicats. Désigné comme la machine à fabriquer la fraude électorale, le RND est, à n?en pas douter, la forme de républicanisme la plus dévoyée du système politique algérien. Quant à l?ex-Premier ministre Sid-Ahmed Ghozali, organisateur des élections avortées de décembre 1991, il n?a pas réussi à obtenir l?agrément pour son parti, le FD. A l?autre bout, dans le mouvement associatif, un Ccdr, apparu en 1999 et dont on ne connaît aucune manifestation publique, se pose en arbitre des démocrates. Il vient d?apporter son soutien au FLN de Ali Benflis avant de bouder les états généraux des républicains auxquels vient récemment d?appeler Saïd Sadi. Les républicains, dit-on, auraient fait les frais de leur propre division. Une histoire de leadership les aurait éparpillés. C?est oublier que nous sommes dans un pays où les urnes ont été peu parlantes. Chacun estimant peut-être que son vis-à-vis n?étant pas assez investi du suffrage universel, il est en droit de contester la place que celui-ci revendique. Trop mêlés au système, du fait du rôle qu?ils veulent faire jouer à l?Etat dans la transformation de la société, les républicains ont été poussés, à leur corps défendant, dans le traquenard électoral fait de trucage et de bourrage des urnes. Ce faisant, ils ont perdu le pari démocratique. Dans ce pôle républicain, seul le MDS semble l?avoir bien compris, lui qui ne cesse d?appeler au boycott des élections.