Abdelmoumene Khalifa, poursuivit pour plusieurs chefs d'inculpation dans la faillite du groupe éponyme, sera bientôt extradé vers l'Algérie, selon le ministère de l'Intérieur du Royaume-Uni où il est en détention depuis 2007. Afin d'échapper temporairement à la justice de son pays et aux autorités judiciaires françaises, qui retiennent des griefs similaires à son encontre, l'ancien magnat s'est réfugié en 2003 à Londres avant de se voir arrêter par la police britannique depuis 2007. A la demande de son extradition, formulée par le tribunal de Blida en charge de son dossier, Khalifa avait engagé une longue procédure devant la Cour suprême britannique pour éviter son transfert. Entre-temps, il a été condamné par contumace en Algérie à la réclusion criminelle à perpétuité, pour «association de malfaiteurs» et «faillite frauduleuse». Désormais, tous ses recours ont été épuisés. Morale : nul n'est censé être au-dessus de la justice. Pour rappel, la faillite du Groupe Khalifa, notamment ses deux filiales Khalifa Bank et Khalifa Airways, a laissé plus de vingt mille salariés sur le carreau. Des dizaines de milliers d'épargnants, privés et institutionnels, appâtés par des taux d'intérêts fantaisistes, ont été également arnaqués. Le préjudice financier causé se chiffrerait en milliards de dollars. «C'est l'escroquerie du siècle !», s'était exclamé Ahmed Ouyahia, le chef du gouvernement d'alors. Sans trop s'étaler sur les méfaits du «fugitif» et les conséquences dramatiques du krach de son Groupe, on focalisera uniquement sur le triomphe de la justice dans cette affaire. Des centaines de milliers de victimes attendent, depuis plus d'une décennie, le jugement de cet homme influent qui les a «déplumés» à froid. A défaut d'être totalement remboursés- ils en ont perdu l'espoir depuis longtemps-, ils veulent le voir répondre de ses actes pour que toute la lumière soit faite sur cet énorme scandale financier. Dans le box des accusés, l'ancien golden boy ne ménagera certainement pas ses complices au sein de l'administration où il aurait, semble-t-il, bénéficié de petits coups de main pour accomplir son forfait. En soumettant cet homme à la question, devant tous les Algériens, la justice reconquérra une bonne partie de sa crédibilité, mise à rude épreuve dans cette affaire et d'autres du même acabit. Pour redorer complètement son blason, le système judiciaire algérien a, en effet, d'autres grosses affaires pendantes à traiter dans la transparence absolue. A ce propos, on citera, par exemple, les dossiers de Sonatrach 1 et 2, où sont cités pour corruption l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chekib Khellil, et le neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. Dans la même veine, il y aussi l'affaire dite de l'autoroute Est-Ouest, celle de la banque Bcia, et les soupçons de mauvaise gestion pesant sur plusieurs établissements publics comme les cas du Fnrda (Fonds national de régulation et de développement agricole), les détournements de crédits bancaires signalés au niveau de plusieurs établissements, les escroqueries foncières et immobilières impliquant souvent de gros bonnets. On doit rompre définitivement avec le temps où seuls les lampistes payent les pots cassés. Les grosses «patates» doivent aussi assumer pleinement leurs responsabilités. Une fois toutes ces affaires bien élucidées et parfaitement traitées, c'est l'autorité de l'Etat qui se trouvera revigorée, car la justice est l'essence même de l'Etat. Bien avant le sacro-saint principe du monopole exclusif de la violence répressive, l'Etat incarne, d'abord, la droiture et l'équité à travers l'application impartiale des lois qu'il se donne. Un Etat fort suppose automatiquement un système judiciaire efficient, diligent et transparent. Dans l'intimité de chaque citoyen, l'autorité de l'Etat et sa crédibilité se mesurent justement à cette capacité à rendre et à faire justice. Ce capital confiance détermine la légitimité même de la magistrature, et par extension celle des autres démembrements de l'Etat au sein du tissu social. Des procès bien conduits nourrissent et entretiennent cette relation de confiance et de loyauté qui donne toute sa force à l'autorité publique. La justice algérienne peut et doit gagner cette bataille. L'Algérie, Etat et Nation, en a grandement besoin. K. A.