De plus, la localisation de ces grands évènements culturels est déséquilibrée, ce n'est pas toute la wilaya qui en profite, mais seulement le chef-lieu et quelques grandes villes. Exceptionnellement, certains festivals délocalisent quelques-uns de leurs spectacles vers trois ou quatre communes alentour pouvant accueillir une scène. Socialisation, engagement, mécénat. Un triptyque qui pourrait concourir au développement culturel et à la diffusion de la culture dans chaque coin du pays et dans les régions les plus excentrées et éloignées des lumières des projecteurs. D'autant que le nerf de la culture, l'argent, est disponible. Les subventions ne manquent pas et la trésorerie des institutions culturelles publiques en charge du secteur est relativement bonne, comparativement aux années précédentes. L'ensemble des gestionnaires de la culture à Constantine, théâtre, direction de la culture, officie communal, reconnaissent cette embellie budgétaire. Tout le monde s'accorde à dire que c'est là une réalité incontestable et que leurs institutions se trouvent dans une aisance financière jamais égalée depuis l'indépendance. Pourtant, en dehors des dates festives ou les manifestations institutionnalisées programmées, le désert culturel sévit lamentablement. Temps artistique et culturel partiel ! La ville offre un panorama stérile au moins 8 mois sur les douze que compte l'année, dénuée d'activités artistiques. Une fois le rideau officiel tombé, les décors sont rangés. Et un au revoir est donné pour une autre date pour, une autre subvention de préférence «grosse». Les agendas indépendants censés enrichir la scène trouvent rarement écho favorable dans les programmes des organismes publics. Le contraste et la diversité sont absolument rejetés au motif que les projets qui ne reflètent pas les orientations préétablies, ne peuvent prétendre soutien ou accompagnement. Et ce rejet décourage plus d'un artiste, poussé à l'isolement, loin du public. Mais les responsables de la culture ont trouvé la bonne réponse pour persuader les détenteurs de projets à rallier ou à fortiori à quitter la scène avant que ces derniers n'y mettent pied. S'allier sur le prototype ou geler l'initiative. Avec toute sa richesse culturelle et ce nouveau «esprit» d'ouverture à l'universalité, Constantine est pourtant forcée de céder du terrain et d'abattre ces frontières que l'administration a dressées face à tous les acteurs culturels indépendants et/ou privés. La culture ne s'est jamais accommodée avec les frontières, les barrières, les boulets et les carcans. La culture et la diversité rapprochent les peuples et concourt à leur éveil et à leurs développement. Cette donne doit être intégrée dans la vision de tous les responsables. Les festivals internationaux tentent des mises à jour annuelles. Mais le brassage peine à s'imposer à travers les localités de la région de Constantine. Un budget et un programme ne feront certainement pas tourner une scène à plein régime s'il n'y a aucune vision ni imagination. Les animateurs, avec l'aide des institutions, sont sollicités pour baliser le chemin aux initiatives et permettre à la culture d'avoir ses points d'impacter dans le coin le plus reculés, là où il y a un homme, il faut qu'il y ait de la culture. Or, tel n'est pas le cas. Les douze communes de la wilaya jouent aux simples figurants malgré les essais exprimés par la tutelle en vue de rendre égale toute expression extra muros. C'est la sempiternelle problématique de la socialisation qui tarde à rayonner en l'absence d'une stratégie concrète impliquant les acteurs principaux activant dans les centres de jeunes et maisons de la culture. Ce ne sont pas toutes les agglomérations qui bénéficient des espaces destinés à l'évènementiel. De plus, les artistes prisent les aires à forte audience et évitent les scènes dégarnies en audience. «C'est une tradition ancrée depuis des années dans le mental des chanteurs locaux. Ils évoluent au chef-lieu, leur place de prédilection en dépit des rétributions qui leur sont proposées ailleurs», soutient un gestionnaire de la culture. Décomplexer l'engagement artistique à Constantine requiert une mobilisation à grande échelle. Jusqu'ici, les localités tournent à régime modeste pour ne pas dire insignifiant au regard des programmes «alléchants» et budgétisés proposés à longueur d'année. La seule exception est avec ces festivités «ramadanesques», ou encore ces délocalisations des festivals qui vont visiter quelques bourgs pour une pseudo-socialisation de la culture limitée dans le temps et dans l'espace. L'impact est faible. Certains artistes ont même manifesté leur regret, voire désaccord, quant à cette programmation jugée absurde, car le public n'était pas toujours au rendez-vous. Les responsables de la culture se sont en fait contenter de programmer les scènes, sans aucun travail de promotion en amont. La communication et surtout la préparation de la population à ce genre de manifestation n'étaient pas manifestes. Sous d'autres cieux, des villages accueillent des concerts et des festivals de renoms. C'est la meilleure manière de faire sortir ces patelins de l'anonymat et contribuer à leur essor économique, contrairement à ce qui s'opère en terre algérienne. Si on veut que notre culture ait ce statut et cette omniprésence, l'indépendance des organismes culturels doit devenir une réalité. Il est des assemblées municipales dont la feuille de route artistique est quasi vide. Préoccupés par le cadre de vie des populations et les divers plans de développement communaux, les édiles croient peu en l'action culturelle et souvent ils attendent l'initiative de la wilaya ou des représentations locales du ministère de la Culture pour enclencher une quelconque manifestation. La culture est servie à l'occasion, et ce n'est certainement pas de cette manière que sa socialisation arrivera. Dotée d'une ressource culturelle et artistique inestimable, Constantine peine à asseoir un équilibre culturel pour toute la wilaya, loin des affinités, des intérêts et des calculs. N. H.