« Le patriotisme véritable se détermine par rapport à une situation, à une cause du présent. Aujourd'hui, c'est la survie du pays et du peuple sans lesquels il ne saurait y avoir de raison d'être patriote ». Ces paroles patriotiques sont celles d'un grand patriote, une grande figure du mouvement de Libération nationale et héros de la guerre d'Indépendance. Il s'agit de Mhamed Yazid qui les a prononcées en 1993. Cette sentence n'a pas pris une seule ride et elle a un sens plus aigu encore en ces temps de crise, de négativisme, de déclinisme et de sadomasochisme, voire de haine de soi. Le guerrier-diplomate du GPRA et négociateur des Accords d'Evian disait aussi « qu'on est aujourd'hui patriote contre l'autre, contre les autres ». Et on l'est justement en 2015 contre le régime, plus précisément contre le président Abdelaziz Bouteflika. Non pas pour l'éreinter sur son bilan et son mode de gouvernance, mais pour se réjouir plutôt de la crise économique, des difficultés financières du pays, de la chute drastique de ses revenus pétroliers. Peut-être même demain, à Dieu ne plaise, d'une catastrophe naturelle. L'essentiel étant bien évidemment que tous ces aléas, ces infortunes et ces coups durs contribuent à faire chuter le régime. C'est alors que d'anciens serviteurs zélés du régime dont ils se sont bien servis pour assurer leurs arrières et l'avenir de leur progéniture, prédisent au pays les plus douloureuses afflictions et les pires calamités ! Il en est ainsi, à titre d'exemple, de trois anciens Premiers ministres et Chefs de gouvernement, en l'occurrence Sid-Ahmed Ghozali, Mokdad Sifi et Ahmed Benbitour devenus des Cassandres professionnels qui semblent se réjouir par avance d'un éventuel krach du régime tout en se souciant peu de la facture que le pays aurait à payer d'un effondrement brutal du pouvoir ! Cette tendance à se repaître du malheur avant même qu'il ne survienne, est également présente au sein de la mouvance islamiste qui a participé naguère au gouvernement et dont certains représentants sont devenus des prébendiers et des émirs BCBG de la rapine. Cette même tendance s'exprime largement et régulièrement sur les réseaux sociaux et dans une bonne partie de la presse en ligne et sur papier. On y a coutume de penser que tout facteur négatif est bon à prendre pourvu qu'il soit un agent de déstabilisation du régime. Malheureux amalgame de la pensée qui confond Etat, régime, pouvoir et pays. Et tout ce beau monde oublie qu'au final c'est le pays et le peuple qui payeront l'addition salée. Il ne s'agit certes pas de dédouaner en quoi que ce soit le régime en l'absolvant de ses propres responsabilités dans tous les domaines de gestion du Bien commun. Il est plutôt question d'avoir la critique dure mais constructive. De ne pas se contenter de constater que le bateau risque de couler mais de faire en sorte à éviter le naufrage. Et ensuite et seulement ensuite, demander des comptes à qui de droit. C'est-à-dire de ne pas faire comme les sauvages de la Louisiane. « Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent l'arbre au pied, et cueillent le fruit. Voilà le gouvernement despotique ». Cette citation n'est pas de Mhamed Yazid mais de Charles de Secondat, baron de Montesquieu, auteur de « l'Esprit des lois ». N. K.