Sonnés par une recrudescence prévisible mais à l'ampleur inattendue de l'activisme de la terreur islamiste anti laïque, les Français découvrent avec surprise (certains sont même ébaubis) l'entrée en action de «jeunes femmes», au côté des terroristes hommes. Que le commun des mortels écarquille les yeux devant l'irruption de ces nouveaux, enfin pas totalement nouveaux, éléments dans le décorum du contexte hexagonal fortement marqué par les attentats et la psychose qu'ils installent, cela peut se comprendre. Mais quand les grands médias, écrits et de l'audiovisuel, se montrent à leur tour étonnés, c'est alors oublier trop vite la part active prise par la gent féminine en Europe dans l'action armée et subversive, les deux avant-dernières décennies du 20e siècle. Ces années-là sont avant tout celles où a culminé la figure totémique du célèbre Carlos, alias le chacal. L'homme, qui croupit actuellement dans une prison française pour des attentats et assassinats commis à cette époque, était dans un rôle de théoricien des causes révolutionnaires qui permettaient de déterminer les cibles, et d'abord tout ce qui s'apparentait à l'impérialisme. Mais il en était aussi l'exécutant sur le terrain, le maître d'œuvre aguerri. Une femme, allemande en rupture de ban avec sa famille et en guerre contre la bourgeoisie et le maniérisme petit-bourgeois, tomba sous le charme du «chacal» vénézuélien. C'était Magdalena Kopp. Dans l'ombre de son mentor, elle fera les gros titres de la presse pendant plusieurs années, pour sa participation à des opérations «terroristes». Paris était déjà une des cibles de prédilection du couple. En Allemagne (alors RFA), Ulrike Meinhof, intellectuelle et journaliste, devient la théoricienne de la RAF, Fraction armée rouge, surnommée par les médias la bande Baader-Meinhof. En France, ce fut le couple Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan qui, dans le cadre de l'organisation Action Directe, entretint la «flamme révolutionnaire» en s'attaquant aux symboles du capitalisme et de l'impérialisme. Georges Besse, patron de Renault tombera sous les balles du couple en plein Paris. Ce qui est certain, en tout cas, c'est qu'on peut remonter loin dans l'histoire pour puiser nombre d'exemples illustratifs de l'«usage » qui était fait des femmes dans des actions militaro-terroristes, sous l'emprise amoureuse ou sous la contrainte. Pour Daech, en ce moment, la situation est en revanche plus problématique. En difficulté militaire sérieuse sur le terrain, l'organisation terroriste islamiste, par ailleurs confrontée à une perte de combativité de ses anciennes unités, a opté depuis quelques temps pour la formation de femmes kamikazes. Ces dernières nouent par la suite des liens virtuels avec d'autres femmes et échangent sur les expériences et les modes opératoires. Tout comme les hommes, elles seraient adeptes de photos de têtes coupées mises dans les pieds de gamins de 2 ou 3 ans. Celles de Paris, qui ont mis en émoi les dirigeants et les médias français, ont eu moins de «chance» que leurs consœurs in situ dans leurs enclaves en Syrie et Irak. Elles ont bien essayé de faire un feu de Bengale à quelques mètres Notre- Dame de Paris, mais elles manquaient visiblement d'expérience et les bonbonnes de gaz n'ont pas explosé. Inès Madani et ses trois «collègues», femmes comme elles, sont un pur produit «made in France» téléguidé depuis la Syrie par Daech. Elles pourraient faire des dégâts, mais pas long feu à l'heure du crépuscule de l'Etat islamique et de l'évanouissement de son rêve califal. A. S.