À la Mostra de Venise, un film a bouleversé les spectateurs et marqué l'histoire du festival. La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania a présenté La voix de Hind Rajab, une œuvre poignante qui retrace les dernières heures d'une fillette palestinienne tuée à Gaza en janvier 2024. Ce récit insoutenable, inspiré d'enregistrements réels, a valu à la cinéaste le Lion d'argent, la deuxième distinction la plus importante de la compétition. En recevant son prix, Ben Hania a été accueillie par une standing ovation. Loin de triompher, elle a rappelé avec gravité que le cinéma ne pouvait ni ramener Hind, ni effacer les atrocités qu'elle avait subies. Mais il pouvait, disait-elle, préserver sa voix et en faire le symbole d'un peuple meurtri. Pour la réalisatrice, l'histoire de cette enfant n'est pas seulement celle d'une victime, c'est celle de Gaza tout entier, d'une population qui se bat pour exister alors qu'elle subit un génocide infligé par un gouvernement israélien agissant dans l'impunité. Lors de sa projection le 3 septembre, le film a bouleversé la Mostra. Vingt-trois minutes d'applaudissements ininterrompus ont salué cette oeuvre à la fois intime et universelle. Bien qu'il n'ait pas remporté le Lion d'or, attribué au film « Father mother sister brother » de Jim Jarmusch, l'œuvre de Ben Hania s'est imposée comme l'un des grands événements du festival. Au cœur de ce docufiction se trouvent les appels désespérés d'Hind au Croissant-Rouge palestinien. Agée de cinq ans, elle se retrouve seule, coincée dans une voiture où toute sa famille vient d'être abattue. Pendant près de trois heures, elle parle aux secouristes, attendant une aide qui n'arrivera jamais. Douze jours plus tard, son corps est retrouvé dans le véhicule criblé de centaines d'impacts de balles. Ces enregistrements bruts, insoutenables, deviennent sous la caméra de Ben Hania un témoignage que le monde ne peut plus ignorer. En conférence de presse, la réalisatrice a tenu à dédier son prix aux équipes du Croissant-Rouge, qu'elle qualifie de véritables héros. À travers ce film, elle a voulu donner une résonance universelle au cri de Gaza, un appel auquel le monde n'a pas répondu. Pour les habitants de Gaza, la sortie du film est une blessure rouverte, mais aussi une forme de reconnaissance. L'humanitaire Eyad Amawi confie ressentir à la fois une immense douleur et un certain apaisement, celui de voir la voix de Hind franchir les frontières qu'on tente d'imposer à son peuple. À Jénine, en Cisjordanie, Mustafa Sheta du Théâtre de la Liberté se réjouit qu'un ancien élève ait contribué au film, voyant dans le cinéma une arme pour briser l'indifférence.